Professeur à l’université Yale, spécialiste de l’Europe orientale et auteur du magistral Terres de sang, l’historien américain Timothy Snyder a été l’un des premiers à avertir que l’évolution idéologique de Vladimir Poutine pouvait le pousser à attaquer militairement l’Ukraine. Parue en anglais en 2018 et aujourd’hui traduite en français, agrémentée d’une nouvelle introduction, La Route pour la servitude* examine avec brio les thèses fascistes et impérialistes mises en avant par le régime russe à partir des années 2010, avec pour cibles majeures l’indépendance de l’Ukraine et, plus généralement, les démocraties occidentales. Comme le rappelle Timothy Snyder, les idées comptent et, placées entre les mains d’un autocrate obsédé par sa place dans l’Histoire, elles peuvent avoir des conséquences tragiques. Entretien.L’Express : Selon vous, la Russie de Vladimir Poutine a été le premier pays à mettre en avant une “politique d’éternité”. Pouvez-vous expliquer ce concept ?Timothy Snyder : Après 1989, les Occidentaux ont mené ce que j’appelle une “politique d’inévitabilité”. C’était l’idée qu’il n’y avait pas d’alternative à la démocratie, qu’un seul futur était possible, et que le progrès était inévitable sous l’influence de forces puissantes telles que le capitalisme américain ou l’Union européenne. Cela a, bien sûr, été une erreur. En opposition, la Russie a, elle, basculé dans ce que j’ai nommé la “politique d’éternité”. Alors que la politique d’inévitabilité promet à tous un avenir meilleur, la politique d’éternité place une nation dans une histoire cyclique de victimisation. Le temps est non plus une ligne vers le futur mais un cercle qui ramène sans cesse les mêmes menaces du passé. Les Russes ont ainsi cessé de croire à l’avenir, qui s’est trouvé aboli au profit du passé. Et ce passé mythifié n’est vu que sous le prisme d’une Russie innocente qui ne cesse de faire face à des menaces extérieures.En quoi cette innocence historique supposée de la Russie est-elle si importante pour Poutine ?Selon ce mythe, la Russie aurait toujours été du bon côté de l’Histoire. Cela signifie que, quoi qu’elle fasse, elle a raison. Poutine affirme notamment que du fait du baptême de Vladimir le Grand, grand-prince de la Rus’ de Kiev, il y a plus de mille ans, la Russie et l’Ukraine n’auraient toujours été qu’un seul et même pays. Ce serait une volonté divine et une vérité indiscutable. Dès lors, tout le mal provient de quiconque remet en question cette affirmation. Cette innocence de nature presque théologique de la Russie justifie tout type d’actions. Car, s’il est profondément vrai que la Russie et l’Ukraine ne représentent qu’un seul pays, alors le gouvernement ukrainien n’a aucun droit d’exister et il est acceptable de kidnapper des milliers d’enfants ukrainiens pour les rééduquer dans des familles russes. La politique de l’éternité vous permet de faire la guerre et de commettre des crimes, car elle vous rend invulnérable à toute forme de critique, comme si personne d’autre ne pouvait comprendre la vraie nature de la Russie.Vous consacrez un chapitre au penseur réactionnaire et slavophile Ivan Iline [1883-1954]. Poutine aurait été introduit à ses écrits par le réalisateur Nikita Mikhalkov. Comment expliquer qu’Iline soit devenu un véritable maître à penser pour le maître du Kremlin ?Il est important de comprendre que le fascisme a ses penseurs, et que ceux-ci ont toujours des soutiens aujourd’hui. Le fascisme n’est pas qu’un obscur phénomène du passé datant des années 1930 et 1940. C’est une idéologie toujours présente, qui repose sur une vraie tradition intellectuelle.Pour Poutine, Ivan Iline est très important, car il fournit une profondeur intellectuelle à l’oligarchie en place en Russie. Si votre pays est profondément corrompu et que vous êtes personnellement le patron des patrons en Russie – ce qui fait de vous l’un des hommes les plus riches du monde –, vous devez justifier tout cela. La solution, c’est de changer de sujet, en passant des accomplissements concrets du régime à l’enjeu de civilisation. Au début des années 2010, Poutine, à partir des écrits d’Iline, a ainsi élaboré des idées tout à fait fascistes, à savoir que la Russie est une civilisation plutôt qu’un Etat, qu’elle dispose d’un droit unique de définir le sens de son passé et la destinée de ses voisins, et que l’Ukraine fait partie de cette civilisation. Les idées d’Ivan Iline ont aussi contribué à sanctifier des inégalités radicales à l’intérieur de la Russie, tout en définissant l’Occident comme une source permanente de menace spirituelle. Iline a permis à Poutine de se trouver un support intellectuel tout en continuant à ponctionner les richesses de la Russie, ce qui a rendu son pays bien plus faible qu’il ne l’était auparavant.Pourquoi qualifiez-vous le régime de Poutine de “schizo-fasciste” ?Le “schizo-fasciste”, c’est un véritable fasciste qui traite ses adversaires de “fascistes”. Le vrai fascisme s’oppose à la réalité, à la rationalité et aux faits. Dans le cas de la Russie, cela fonctionne d’autant mieux du fait de l’histoire de l’Union soviétique et, en particulier, du culte de la Seconde Guerre mondiale instauré par Léonid Brejnev dans les années 1970. Le terme “fascisme” a d’abord désigné les ennemis de la Russie durant la Seconde Guerre mondiale, avant de devenir, au cours de la guerre froide, synonyme de tous les ennemis de la Russie. Pour les Russes, “fasciste” a fini par définir n’importe quel adversaire étranger, quel qu’il soit. Dans la langue russe, imaginer qu’un Russe puisse être un fasciste est quasiment une erreur grammaticale. Un authentique fasciste comme Alexandre Douguine peut ainsi aisément condamner ses adversaires comme étant “fascistes”. Aujourd’hui, la Russie en arrive à qualifier l’Ukraine de “fasciste”, alors qu’elle-même commet des actes qui correspondent en tout point à la définition canonique du fascisme des années 1930 et 1940.La Chine représente un vrai danger géopolitique pour la Russie, pas l’OccidentSelon vous, la Russie, en poursuivant une logique de choc des civilisations, ne défend même plus ses propres intérêts stratégiques sur le plan international. Vraiment ?C’est une question importante. Beaucoup d’analyses sur la Russie, même durant cette guerre en Ukraine, partent toujours du principe que les actions de Poutine servent, d’une façon ou d’une autre, les intérêts de son pays. Je pense l’inverse. Quand un tyran au pouvoir depuis deux décennies contrôle personnellement une grande part de la richesse nationale, il n’y a pas de raison particulière de penser que cette personne se soucie de l’intérêt de l’Etat. Les preuves sont aujourd’hui nombreuses qui montrent que Poutine ne se préoccupe nullement des intérêts russes. Sa seule vraie préoccupation, c’est son mythe éternel. Il veut rester dans l’Histoire.L’invasion de l’Ukraine par la Russie n’a rien à voir avec des intérêts matériels. La Russie veut bien sûr accaparer les richesses, les ressources naturelles, les céréales ukrainiennes. Mais cette invasion est un désastre pour les intérêts de la Russie. Elle a détourné l’Union européenne et placé la Russie sous le contrôle de Pékin. Poutine défend l’idée que l’Occident lui est hostile et que la Chine est un pays ami. Mais, en réalité, avant 2014, l’Occident ne prêtait plus attention à Moscou. En 2012, Mitt Romney [NDLR : peu avant d’être le candidat républicain à la présidentielle, remportée par Obama] a été tourné en ridicule quand il a présenté la Russie comme “l’ennemi géopolitique n° 1” de l’Amérique. Les Etats-Unis avaient retiré l’immense majorité de leurs troupes du continent européen, passant de 300 000 hommes en 1991 à 60 000 en 2012.A l’inverse, la Chine représente un vrai danger géopolitique pour la Russie. Mais Poutine a mis fin à toute possibilité pour son pays de trouver un équilibre entre Europe et Asie. Il a fait la chose qu’aucun dirigeant russe ne devrait jamais faire.Pourquoi la Chine est-elle plus dangereuse pour la Russie que l’Occident ?D’abord, la Chine n’est absolument pas claire sur le fait que ses frontières légales actuelles soient intangibles. Ensuite, la Russie possède des ressources importantes en Sibérie, dont l’Occident n’a pas vraiment besoin, contrairement à la Chine. Troisièmement, la Chine connaît une pénurie de terres fertiles, quand la Russie en regorge. Quatrièmement, la Chine ne cache aucunement ses ambitions de puissance en pleine expansion, désireuse de changer le statu quo international. Enfin, la Chine est la voisine immédiate de la Russie, alors que les Etats-Unis sont loin. Un pays comme la Russie, dont la frontière terrestre est la plus longue du monde, a donc tout intérêt à privilégier le statu quo.Vous montrez aussi comment la propagande du régime de Poutine a “sexualisé” l’Occident, présenté comme décadent. Pourquoi cette obsession ?C’est une autre manifestation de la politique de l’éternité. Il y a en Russie une vision idéalisée du passé, à savoir celle d’une société patriarcale et “hétéronormée”, comme on dit aujourd’hui. La sexualité est une matière première inépuisable pour fabriquer de l’angoisse. Le régime de Poutine explique ainsi que les Russes seraient normaux, mais que tous, à l’étranger, seraient gays, féministes ou trans. La décadence sexuelle mondiale menacerait l’innocente Russie. En 2011, au lendemain de la première manifestation démocratique à Moscou, Dmitri Medvedev, alors encore président de la Fédération de Russie, avait qualifié un des leaders de la contestation de “stupide mouton suceur de b***”. Et Poutine, qui était Premier ministre, avait déclaré à la télévision que les rubans blancs que portaient les manifestants lui faisaient penser à des préservatifs.Selon le régime russe, les Européens et les Américains mèneraient une conjuration pour propager l’homosexualité dans un pays traditionnellement vertueux comme la Russie. Alors que, en réalité, nous savons bien que la Russie est un Etat avec des taux de divorce et d’avortement très élevés. Poutine lui-même a divorcé quand a commencé la campagne antigay en Russie, laissant le champion des valeurs familiales sans famille traditionnelle. Mais son régime rejette tous ces bouleversements sociaux sur l’étranger.La défense de la masculinité s’est propagée jusque parmi les soldats russes. Certains d’entre eux sont arrivés en Ukraine avec l’idée qu’il fallait défendre une virilité en péril, ce qui a hélas normalisé le viol. A l’inverse, il est intéressant de constater que l’Ukraine a un pourcentage élevé de femmes militaires, y compris de combattantes en première ligne. Et l’armée ukrainienne se montre tolérante à l’égard des différentes orientations sexuelles. Même en matière de mœurs, ce sont deux systèmes totalement différents qui s’opposent dans cette guerre.Vous expliquez que, comme dans les régimes fascistes passés, rien n’est aujourd’hui prévu quant à la succession du leader russe. Il n’y a pas d’alternance démocratique possible, mais Poutine n’ambitionne pas non plus de succession monarchique, ayant gardé ses filles loin du pouvoir. Comment voyez-vous l’après-Poutine ?Les gens se disent fatigués de la démocratie, mais l’extraordinaire de ce système, c’est la possibilité permanente de la nouveauté. Je me souviens quand vous, Français, étiez très enthousiastes à l’égard de Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, vous en êtes lassés, ce qui est parfaitement normal, car c’est comme ça que fonctionne la démocratie. C’est bien mieux que de voir quelqu’un arriver au pouvoir et qu’il y reste pour toujours. La meilleure chose à propos d’une démocratie, c’est sans doute qu’elle produit un avenir de manière automatique. Si vous êtes las de votre dirigeant actuel, vous savez qu’un jour il quittera le pouvoir et sera remplacé par quelqu’un de nouveau.Par ailleurs, il est plus aisé pour un dirigeant de se soucier des intérêts de son pays s’il tente d’être réélu démocratiquement ou qu’il sait qu’il ne restera pas éternellement au pouvoir, et que des historiens dresseront le bilan de son mandat après son départ. En revanche, si vous pensez rester au pouvoir jusqu’à votre mort, alors vous ne vous souciez pas des intérêts de votre pays et vous vous préoccupez simplement de votre légende. C’est ce que fait Poutine en évoquant souvent Pierre le Grand et Catherine II : il souhaite rester dans les mémoires comme un des grands.L’enjeu de la succession – ou plutôt de son absence – nous rappelle la spécificité de ce régime. Les Russes qui font la guerre aujourd’hui ne se souviennent d’aucun autre dirigeant que Poutine. L’idée qu’il pourrait y en avoir un autre ne leur vient même pas à l’esprit. C’est tellement différent de la situation en Ukraine, où il y a eu six présidents depuis la fin de l’URSS, et où l’actuel titulaire de cette fonction a été élu récemment de façon inattendue. Cela fait partie, au passage, des choses qu’apporte la démocratie : des surprises et des opportunités. Le manque d’un principe de succession impose une grande pression sur l’ensemble du système, parce que c’est un grand tabou qui hante le pays. Il est toujours inconfortable de parler de la mort, mais cela l’est encore plus dans le cas d’un leader tout-puissant. Cette pression contribue à expliquer l’impérialisme de la Russie. Puisque le remplacement du leader ne peut se faire par la démocratie, la Russie devient de plus en plus défensive quant à son système et son leader.Bien sûr, ce n’est pas dans l’intérêt de l’Etat d’avoir à sa tête un tyran qui régnera jusqu’à sa mort. Cela garantit une crise de succession un jour ou l’autre. Parce que ce genre de régime est imprévisible dans le mauvais sens du terme, je ne sais pas ce qu’il va se passer après Poutine. En revanche, je sais que la guerre a aggravé la situation : dans cette perspective, Poutine ne doit pas seulement rester au pouvoir jusqu’au bout, il doit aussi continuer cette guerre jusqu’à sa propre mort.Le 3 février 2014, vous avez publié une tribune dans le New York Times intitulée “Don’t Let Putin Grab Ukrain” [“Ne laissez pas Poutine s’emparer de l’Ukraine”], dans laquelle vous alertiez sur le fait que Poutine pourrait avoir recours à une “intervention armée” contre l’Ukraine. Comment expliquez-vous que tant d’intellectuels ou de dirigeants n’aient pas perçu la menace ?Je fais partie des personnes qui ont prédit l’invasion de l’Ukraine. Il m’a d’ailleurs été très difficile de faire publier cette tribune, parce qu’elle allait contre l’air du temps. Personne ne pensait que cela pourrait se passer. Mais la raison qui me rendait sûr de moi est que, à la fin de 2013, il était devenu normal pour les dirigeants russes de parler de l’Ukraine et de la Russie comme d’une seule nation. En novembre et en décembre, la propagande de la télévision russe à l’encontre de l’Ukraine s’est brusquement sexualisée, l’opposition en Ukraine tendant à être présentée comme “gay” et “dégénérée”. J’ai commencé à craindre le pire. L’Occident ne l’a pas vu, parce que nous voulions croire que le capitalisme et l’élargissement européen rendaient la guerre impossible et qu’ils menaient lentement la Russie vers la démocratie. De surcroît, nous étions en pleine crise de la dette grecque. Nous ne comprenions pas à quel point le système russe était différent du nôtre, et l’idée qu’un pays européen pouvait en envahir un autre dépassait l’imagination. La classe politique n’avait pas envie de se confronter à un tel challenge.En 2014, la propagande russe a cherché à déguiser ce qu’il se passait en diffusant des versions des événements variées et contradictoires à destination des différents publics. Elle disait aux uns que l’Ukraine n’existait pas, aux autres que les Ukrainiens étaient des nationalistes, à d’autres encore que l’Etat ukrainien était fasciste, à d’autres encore qu’il était juif. Tout le monde use aujourd’hui de la désinformation sur les réseaux sociaux, mais les Russes avaient une longueur d’avance.Que doivent Marine LePen et le Rassemblement national à Poutine ? Que devraient-ils lui donner en retour s’ils accédaient au pouvoir ?Marine Le Pen semble moins proche de la Russie aujourd’hui qu’elle ne l’a été. Et, surtout, elle a désormais tout à fait les moyens d’accéder au pouvoir sans Poutine. Trump a pris le pouvoir avec l’aide de Poutine, et cela a fait énormément de mal à notre pays – concrètement, la propagande russe faisait à ce moment-là partie intégrante de notre quotidien, et c’était affreux. Je ne peux pas prédire comment Le Pen se comportera ensuite. Mais, pour résister à la Russie, il faut être profondément attaché à autre chose. Ceux – y compris Joe Biden et, dans les bons jours, Emmanuel Macron – qui l’on fait le mieux ont réussi à formuler ce qu’ils défendaient : le pluralisme, la démocratie. Or, cela, vous ne le trouverez pas dans la tradition politique du RN. C’est pourquoi, même si Le Pen était “neutre” par rapport à la Russie, ce serait déjà un changement considérable par rapport à aujourd’hui.Les Russes tentent de persuader le monde qu’ils sont meilleurs que les Occidentaux et, donc, que l’invasion de l’Ukraine n’a pas d’importance. Pour cela, il ne suffit pas de falsifier les faits, de donner de l’argent et d’envoyer des soldats sur le front, il vous faut aussi développer une vision du monde. Ce que beaucoup de gens, en Occident, ont perdu. Cela fait partie de l’attrait de Volodymyr Zelensky ou même de Joe Biden : ils savent jouer sur le registre du jugement moral. Or je ne crois pas qu’il soit possible de résister à la poussée du pouvoir russe sans émettre des jugements moraux.Le point faible de cette guerre, c’est nous, les Occidentaux, pas les UkrainiensLa contre-offensive ukrainienne peine à porter ses fruits. Comment voyez-vous l’avenir du conflit ? Restez-vous confiant?Dans l’ensemble, oui. La contre-offensive est toujours en cours. Cela dépendra fondamentalement de la logistique. En Occident, pour la fourniture d’équipements à l’Ukraine, nous avons été lents et mesquins. Par exemple, les missiles Scalp-EG/Storm Shadow sont essentiels mais sont arrivés bien trop tard. Idem pour les ATACMS américains. Je pense que les Ukrainiens vont finir par récupérer leur territoire mais qu’il faudra pour cela que leurs avions s’améliorent et qu’ils parviennent à perturber le ravitaillement militaire des Russes.Le développement le plus important de l’été a été peu rapporté : l’Ukraine a réussi à chasser la plus grande part de la flotte russe de la mer Noire et à ouvrir un corridor pour le commerce de céréales depuis le port d’Odessa. C’est extrêmement important. Je pense que la guerre va durer encore une bonne année, et que la victoire dépendra de nous. Les Ukrainiens ont montré qu’ils sont de meilleurs soldats, qu’ils comprennent mieux cette guerre que les Russes et les Occidentaux. Le point faible de cette guerre, c’est nous, pas eux. Sur ce point, je ne peux pas être confiant ou inquiet, je dois simplement faire ce que je peux en rappelant l’importance de cette guerre.La crise actuelle au Moyen-Orient favorise-t-elle Poutine ?Je ne crois pas. La propagande russe, certainement, s’en réjouit, parce qu’elle aime voir Israël souffrir. Dans une certaine mesure, le Hamas et la Russie appartiennent à la grande famille iranienne, puisqu’ils dépendent de l’Iran pour leurs armes. Mais est-ce positif pour la Russie ? Pas vraiment. Je ne crois pas que cela distraie les Américains, au contraire, cela pourrait rendre plus probables des aides importantes en faveur de l’Ukraine, car Biden pourrait vouloir lier les deux conflits. Il sera également plus difficile pour Israël de rester neutre dans le conflit ukrainien. Le conflit entre Israël et le Hamas est plus restreint que la guerre en Ukraine, et j’espère qu’il pourra se résoudre rapidement. En ce sens, cela n’aura pas d’influence sur la suite.La Chine est-elle la grande gagnante de cette confrontation ?La domination du monde par la Chine n’a rien d’inévitable. Je pense que la Chine a atteint son apogée et que les prédictions d’un déclin américain et européen sont exagérées. Nous avons trop tendance à nous dénigrer, sans voir à quel point nous sommes puissants. Cela étant dit, Poutine a accéléré la dépendance de la Russie envers la Chine en lui permettant d’accroître son influence en Eurasie sans avoir à faire beaucoup d’efforts. La Chine soutient vaguement la Russie dans le conflit mais pas d’une façon qui profite vraiment aux Russes. Dans le conflit avec l’Occident, la Chine est la grande gagnante et la Russie, la perdante. La stratégie de la Russie n’a aucun sens du point de vue de ce que l’on appelle les intérêts d’un Etat.* La Route pour la servitude. Russie-Europe-Amérique, par Timothy Snyder. Trad. de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre-Emmanuel Dauzat et Aude de Saint-Loup. Gallimard, 400 p., 26€.
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Publish date : 2023-10-29 06:15:00
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