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Polémique Guillaume Meurice : “Un désir de Hitler flotte sur les ruines du XXIe siècle”, par Marc Weitzmann

Polémique Guillaume Meurice : "Un désir de Hitler flotte sur les ruines du XXIe siècle", par Marc Weitzmann




Comment comprendre le “dérapage” de Guillaume Meurice le 29 octobre sur France Inter, comparant le Premier ministre d’Israël Benyamin Netanyahou à “une sorte de nazi sans prépuce” ? L’hypothèse la plus indulgente est celle de la bêtise. Et il est vrai que Meurice ne serait pas le premier à tenter de se prouver qu’il existe à grands coups de saillies qui se veulent engagées et ne sont que stupides, sur des questions qui le dépassent.Il n’est pas non plus le dernier, d’ailleurs, à en juger par le communiqué de mise au point publié le 1er novembre par l’animatrice de l’émission où Meurice officie, Charline Vanhoenacker. Extrait : “Si vous vous êtes sentis blessés, j’en suis profondément navrée. Je comprends que la réception du message puisse paraître violente, car lorsque la satire évoque une guerre, le reflet grossissant de la caricature est une catharsis. Toute interprétation élargie à la communauté juive en général est une affaire d’interprétation.” Quiconque écrit de cette façon devrait avoir la pudeur, sinon la lucidité, de s’interdire toute opinion publique à propos de quoi que ce soit. Bêtise, donc – bêtise générique, collective, bêtise qui dit tout du provincialisme dans lequel pataugent des gens pour qui être “de gauche” sert de prétexte à exister dans un monde qu’ils ne comprennent plus. Voilà pour l’hypothèse indulgente. Ce n’est pas la mienne.Ce n’est pas la mienne parce que, tout d’abord, Guillaume Meurice a des soutiens. Soutiens indirects avec Tariq Ramadan, qui dans une vidéo récente, a lui aussi établi un parallèle entre Hitler et Netanyahou ; soutiens bien plus directs, surtout avec Egalité et Réconciliation. “Big up et courage à Meurice, le gauchiste qui porte ses couilles, pas comme les larbins terrorisés de l’extrême droite française”, a ainsi écrit le 1er novembre le site de l’autoproclamé national-socialiste Alain Soral, dans un style qui n’est pas sans rappeler celui de Rivarol faisant l’éloge de Jean-Luc Mélenchon voici quelques semaines.Confusions idéologiquesFin août, le même Rivarol apportait son soutien à Médine – le rappeur adulé par EELV et LFI – pour sa lutte contre l’antisémitisme consistant à applaudir Robert Faurisson –, et le 24 octobre, Egalité et Réconciliation dressait à Mathilde Panot une couronne de lauriers sous le titre suivant : “Israël/Palestine Mathilde Panot sauve l’honneur de la France”. “Panot, poursuivait l’article, c’est la France qui ouvre sa gueule, qui défend le faible contre le fort, qui ne se couche pas devant les puissances visibles ou occultes, bref, qui rend à nouveau fier d’être français.” Rivarol est certes une feuille de chou sans grande audience, mais avec 2,36 millions de visites par mois en moyenne selon Similarweb, Egalité et Réconciliation est aujourd’hui le n° 2 des sites complotistes d’extrême droite en France, derrière France-Soir à 2,8 millions (Fdesouche se situe loin au-dessus avec 3,5 millions).Mathilde Panot et nos “humoristes” – les guillemets à “terroriste” pour désigner le Hamas sont peut-être plus indiqués ici –, sont-ils pour autant d’extrême droite ? Non, bien sûr. Dans la confusion de ce XXIe siècle, de toute façon, cette étiquette n’a plus de sens. En revanche, lorsque Meurice le rigolo de service retourne contre les juifs l’accusation de nazisme et se fait applaudir, il sait exactement ce qu’il fait : de l’audience à peu de frais. Volontairement, sans risque, il se range du côté de la foule. La foule non informée et qu’il ne cherche surtout pas à informer, celle qui plutôt que de s’interroger sur ce qui s’est passé le 7 octobre, sur la nature du Hamas, ou sur le sens des mots “nazi” et “Hitler”, rit avec lui comme ont ri des jeunes chantant “nique les juifs et les grands-mères, on est nazis on est fiers” sur la ligne 3 du métro parisien le 31 octobre au soir.Et c’est là qu’est le mystère. Comment un même rire peut-il unir, autour de la même cause apparente, (“la Palestine”) ceux qui se disent nazis et celui qui se croit antifasciste ? Comment ceux-là mêmes qui ont manifesté dès le lendemain du carnage aux cris de “gazons les juifs” à Sidney, “fuck the Jews” à Londres et sur les campus américains, exhibé un drapeau nazi en soutien aux Palestiniens à Times Square, fait un salut nazi place de la République, et réclamé que Hitler “finisse le travail” sur X (anciennement Twitter), comment ceux-là peuvent-ils en même temps accuser Israël de se conduire comme le IIIe Reich ?Hitler et StalineRépondre à cette question revient à comprendre ce qui se passe depuis les massacres de juifs du 7 octobre dans les opinions occidentales.Pour s’y risquer, il faut commencer par rappeler que Hitler est une icône pop comparable à nulle autre : la seule figure historique du XXe siècle spontanément identifiable par n’importe qui sur la planète, de Séoul à Yaoundé, de Los Angeles à Pékin et de Lima au Groenland. Hitler : son visage et son nom hantent ce monde fracturé mais global qui est le nôtre ou l’Histoire n’est même plus un souvenir, tandis que des “snuff vidéos” de tortures et de meurtres peuvent débarquer en live à tout moment sur votre compte Instagram. C’est ce paradoxe qu’il faut creuser si l’on veut saisir quelque chose aux usages contradictoires des signifiants “nazisme” et “Hitler” dans le récit transidéologique et transnational qui se met en place depuis trois semaines avec une vitesse déconcertante.C’est en Ukraine à partir de février 2022 qu’une politique de terreur à base de massacres, tortures et viols massifs des populations civiles, à Boutcha et ailleurs, a été érigée en but stratégique. Mise en pratique par la milice Wagner cofondée par un vrai nazi nostalgique du IIIe Reich, Dmitri Outkine, elle s’inscrivait pourtant dans une guerre présentée par Vladimir Poutine à sa population comme une opération de “dénazification”. Ce retournement faisant des victimes les nazis, et des nazis les héros, s’appuyait sur une mythologie du martyre instaurée par Staline pendant la Seconde Guerre mondiale.Non, le nazisme ne reviendra pasLes mêmes arguments sont aujourd’hui avancés par la direction du Hamas. Ainsi de Ghazi Hamad, porte-parole du mouvement, le 24 octobre à la chaîne Memri TV : “Nous sommes fiers de sacrifier des martyrs. Nous avons besoin du sang des enfants des femmes et des vieillards palestiniens.” Douze jours plus tôt, le politicien jordano-palestinien Tala Abu Gazaleh, soutien du Hamas, à la même chaîne : “Les Russes ont sacrifié 27 millions de leurs concitoyens en luttant contre Hitler. Combien de Palestiniens sont morts en comparaison ? Quelques milliers seulement” – avant d’enchaîner, et la contradiction n’est qu’apparente : “Hitler a laissé vivre un certain nombre de juifs pour que nous comprenions pourquoi il a voulu les tuer et que nous continuions son combat.” Et la charte du Hamas, rappelons-le, s’appuie sur Les Protocoles des sages de Sion, classique antisémite distribué aux Einsatzgruppen durant la Shoah par balle pour les motiver.Mais au bout du compte, à part permettre aux multimilliardaires du Hamas de liquider Gaza maintenant que le Qatar a cessé de les financer, à quoi aura servi tout ce sang versé ? A quoi aura servi le pogrom géant du 7 octobre ?Non : le nazisme ne reviendra pas. Nulle troisième guerre mondiale à l’horizon et probablement pas même de vraie guerre régionale. Au bout du compte, les massacres n’auront eu d’autre finalité qu’eux-mêmes – et la diffusion de leurs images d’autre message que leur existence obscène. Mais les oripeaux de la propagande stalinienne, qui structura l’anticolonialisme durant la guerre froide, se mêlent à un héritage nazi authentique pour déclencher les rires et l’exaltation de manifestations antisémites mondiales sans équivalent dans l’Histoire, et cela dit quelque chose de notre temps. Des images du 11 Septembre à celles de Gaza et des images de Boutcha aux vidéos du sud d’Israël, un désir de Hitler flotte sur les ruines du XXIe siècle.*Marc Weitzmann est écrivain et producteur sur France Culture de l’émission Signes des temps.



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Author : Par Marc Weitzmann

Publish date : 2023-11-05 12:58:15

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