Les débats promettent d’être éruptifs : le Sénat se penche à partir de ce lundi 6 novembre sur le projet de loi immigration, contesté par les oppositions comme les associations. En présentant il y a un an les contours de la loi promise par Emmanuel Macron durant sa campagne de 2022, Gérald Darmanin en avait ainsi résumé l’esprit : “être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils”.Le ministre de l’Intérieur affiche régulièrement sa volonté de “fermeté” en matière d’immigration. “Je demande aux parlementaires de me donner ce pouvoir de fermeté”, affirmait-il le 7 octobre au Parisien. “En France, nous faisons preuve de fermeté : nous allons doubler les places dans les centres de rétention, pour passer de près de 1 500 à 3 000 dans onze villes de France […] C’est une grande fermeté, sans précédent, pour lutter contre l’immigration irrégulière”, ajoutait le ministre issu des rangs des Républicains. En Europe, aussi, de plus en plus de pays choisissent également la voie de la fermeté.En Allemagne, le ton inhabituellement dur d’Olaf ScholzEn Allemagne, la question de l’immigration agite particulièrement le débat politique depuis des mois. La hausse des arrivées illégales suscite des inquiétudes dans ce pays où les capacités d’accueil s’épuisent. Les communes et les régions, qui ont aussi absorbé l’arrivée d’un million de réfugiés ukrainiens depuis février 2022, se disent ainsi à la limite de leur capacité d’accueil.Dans une interview au magazine Der Spiegel publiée le 20 octobre, le chancelier Olaf Scholz, d’habitude modéré, a adopté un ton inhabituellement dur à l’égard de l’immigration clandestine et a semblé mettre la barre à droite sur l’immigration, relève RFI. “Nous devons enfin expulser à grande échelle ceux qui n’ont pas le droit de rester en Allemagne. Nous devons expulser plus, et plus rapidement”, a affirmé Olaf Scholz.Confronté à une forte hausse de l’immigration illégale, le gouvernement allemand a récemment renforcé sa surveillance : il prévoit désormais des contrôles stationnaires à ses frontières avec la Pologne, la République tchèque et la Suisse. “Le nombre de personnes qui viennent actuellement chez nous est trop élevé”, a récemment martelé Olaf Scholz.Le 25 octobre, la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser, a présenté un projet de loi visant à faciliter le renvoi de réfugiés et demandeurs d’asile sans droit de séjour. Parmi les dispositions prévues figure l’expulsion systématique des personnes concernées sans avertissement, sauf pour les familles ayant des enfants de moins de 12 ans.En Suède, l’accès aux prestations sociales limitéLe gouvernement suédois a annoncé le 20 octobre vouloir durcir les conditions d’octroi des prestations sociales aux migrants non européens afin de dissuader de nouvelles arrivées et de “mieux intégrer” ceux déjà présents.Le gouvernement, dirigé par le chef du parti conservateur des Modérés, Ulf Kristersson, a été constitué il y a un an par une coalition soutenue pour la première fois par le parti d’extrême droite des Démocrates de Suède (SD) qui n’a cependant pas de ministres. Cette coalition a été élue sur la promesse de réduire l’immigration et la criminalité.”Depuis 2012, plus de 770 000 personnes ont immigré en Suède de pays hors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen”, écrivent Ulf Kristersson et les trois autres dirigeants des partis de la coalition dans une tribune parue dans le quotidien Dagens Nyheter (DN). “Avec une politique d’intégration qui n’a pratiquement aucune exigence (envers les migrants) et aucune incitation à s’intégrer à la société, cette forte immigration a créé une Suède divisée”, poursuivent-ils. Conséquence, selon eux : une partie de la population souffre de “la ségrégation, (de) l’exclusion, (du) chômage, (des) mauvais résultats scolaires et (de) l’absence de valeurs suédoises communes”.La Suède, où vivent 10,3 millions de personnes, est connue pour sa généreuse politique sociale. Ce pays a “d’importants problèmes” avec les personnes nées à l’étranger qui vivent des prestations sociales, ajoutent les responsables politiques, sans fournir de données officielles à ce propos. La coalition entend mettre en œuvre des réformes pour que les migrants hors UE soient obligés de trouver du travail et d’apprendre le suédois. Le gouvernement veut également introduire un plafond pour le cumul des aides. Il souhaite aussi imposer un délai, non encore précisé, entre l’arrivée en Suède de ces migrants et le moment où ils pourront toucher des aides.Par ailleurs, la Suède ainsi que plusieurs autres pays nordiques, le Danemark, la Norvège, la Finlande et l’Islande, ont convenu le 31 octobre de renforcer leur coopération visant l’expulsion de migrants qui se trouvent en situation irrégulière sur leur sol. Il est dans l’intérêt commun des pays nordiques que “les étrangers sans permis de résidence soient renvoyés chez eux”, a déclaré le ministre des Migrations du Danemark, Kaare Dybvad Bek. “Nous devons empêcher qu’ils voyagent à travers nos pays et passent sous le radar des autorités.”Le Royaume-Uni réduit l’hébergement des demandeurs d’asile en hôtelsLe gouvernement conservateur britannique a annoncé le 24 octobre qu’il allait réduire l’hébergement des demandeurs d’asile en hôtels, une question très sensible politiquement en raison de son coût, grâce à la baisse des arrivées de migrants illégaux.Selon les chiffres officiels, 26 501 personnes sont arrivées depuis le début de l’année au Royaume-Uni en traversant la Manche sur de petites embarcations, soit “un cinquième de moins que sur la même période de 2022”, a souligné le secrétaire d’Etat à l’Immigration Robert Jenrick devant le Parlement. En 2022, année record, 45 000 personnes avaient réussi la traversée, malgré les périls encourus, engorgeant un peu plus un système d’asile déjà dépassé.Le Premier ministre Rishi Sunak a fait de la lutte contre l’immigration illégale l’une de ses priorités depuis son arrivée à Downing Street il y a un an. Il a adopté une politique très dure sur ce sujet qui était au cœur du Brexit et auquel est très très sensible l’électorat conservateur.Se félicitant des “progrès” enregistrés, Robert Jenrick a annoncé qu’une cinquantaine d’hôtels parmi ceux rémunérés par les autorités pour héberger des migrants allaient progressivement pouvoir être démobilisés Le processus “sera achevé d’ici la fin janvier, avec d’autres qui suivront peu après”, a affirmé Robert Jenrick. Selon lui, l’hébergement dans des hôtels devrait coûter 8 millions de livres (9,1 millions d’euros) par jour au contribuable cette année, un montant souvent mis en avant par le gouvernement pour justifier sa politique.Le Royaume-Uni avait par ailleurs annoncé le 5 octobre renforcer sa coopération avec plusieurs pays de l’UE, ainsi qu’avec la Serbie et l’Albanie pour lutter contre l’immigration irrégulière, à l’occasion d’un sommet de la Communauté politique européenne à Grenade, dans le sud de l’Espagne.”Lutter contre l’immigration illégale est un défi européen commun. Les chiffres sont en hausse partout. Et je pense, comme d’autres leaders européens, qu’il nous revient de décider qui doit venir dans nos pays et pas aux groupes criminels” de passeurs, avait déclaré le Premier ministre britannique Rishi Sunak à l’AFP.Italie : Giorgia Meloni sous pressionEn Italie, le dossier migratoire avait été central durant la campagne des élections parlementaires de septembre 2022 : tant Giorgia Meloni que Matteo Salvini avaient promis de bloquer les bateaux transportant des migrants des côtes nord-africaines jusqu’en Italie. Mais, en dépit d’une série de décrets-lois, le nombre d’arrivées de migrants en 2023 a plus que doublé par rapport à 2022.Giorgia Meloni a appelé l’UE à la rescousse, notamment en soutenant un accord avec la Tunisie pour empêcher les départs de ce pays et en saluant un accord conclu à Bruxelles sur le partage des demandes d’asile. Les résultats de ces efforts tardent cependant à se traduire dans la réalité : selon un sondage de YouTrend pour la chaîne d’information en continu SkyTG24, l’immigration est en tête des motifs d’insatisfaction des électeurs sur l’action du gouvernement. Giorgia Meloni a elle-même reconnu qu’elle espérait “faire mieux” sur ce dossier.La dirigeante d’extrême droite tente de reprendre la main sur ce dossier. Un décret publié fin septembre au journal officiel prévoyait ainsi d’exiger une caution de 5 000 euros des migrants déboutés du droit d’asile sous peine d’être envoyés dans un centre de rétention pendant l’examen de leur recours. Mais des juges ont fait libérer des Tunisiens incarcérés en vertu de ce texte au motif qu’il est contraire au droit italien et européen. Le gouvernement s’est empressé de faire appel.
Source link : https://www.lexpress.fr/monde/europe/immigration-allemagne-suede-comment-les-pays-europeens-durcissent-leur-politique-3FSVRYO76FFDFCPSLSLWC4I3VQ/
Author :
Publish date : 2023-11-06 13:06:28
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.