Doit-on retirer des particules de l’atmosphère ou au contraire en injecter, afin de sauver la planète ? L’arbitrage peut paraître étrange et totalement prématuré. Nous y serons pourtant probablement confrontés, estime le climatologue américain James Hansen qui fut l’un des premiers à nous alerter sur l’impact des activités humaines sur le climat à la fin des années 1980.Depuis plus de trente ans, ce scientifique très écouté continue son rôle de vigie. Et dans son dernier travail de recherche, il résume la contradiction à laquelle nous faisons face. D’un côté, la pollution aux aérosols diminue depuis 2010 grâce notamment aux efforts du transport maritime qui émet moins de particules soufrées. Une très bonne nouvelle qui permet d’épargner de nombreuses vies. Malheureusement, ce nettoyage de l’atmosphère nous rend aussi plus sensibles au réchauffement car la pollution agit comme une couche refroidissante !Pour James Hansen, cet effet protecteur est loin d’être négligeable. Ainsi, selon ses calculs, son affaiblissement pourrait accentuer la crise climatique. Le taux de réchauffement global qui était de 0,18°C par décennie entre 1970 et 2010 pourrait désormais passer à 0,27°C. Avec des conséquences concrètes : le seuil de 1,5°C serait dépassé dès cette décennie et la barre des 2°C serait atteinte avant 2050. Pas vraiment ce qui était prévu dans l’Accord de Paris.Certes, cette idée d’accélération du réchauffement ne fait pas l’unanimité parmi les chercheurs. Nombre d’observateurs pensent d’ailleurs que l’objectif de maintenir le réchauffement à 2 °C peut encore être atteint, même si la fenêtre de tir se réduit. Cependant, “réduire nos émissions de gaz à effet de serre ne suffira pas” pour résoudre notre problème climatique, prévient l’expert. Un coup de pouce de la technologie sera nécessaire. La captation et le stockage de CO2 se développent déjà en complément de la réduction de l’empreinte carbone, alors qu’il y a quelques années, ce genre de solution faisait partie de l’arsenal controversé de la géo-ingénierie. En France, plusieurs industriels prévoient d’envoyer leur CO2 au fond de la mer du Nord, profitant des installations et des services mis en place par les pays scandinaves.Des arbitrages difficilesJames Hansen nous invite cependant à regarder de près un spectre plus large d’options : taxe carbone au niveau national et aux frontières, développement du nucléaire et même la gestion du rayonnement solaire (SRM), qui consiste injecter des particules – non polluantes cette fois – dans l’atmosphère à l’aide de bateaux ou d’avions afin renvoyer une partie des rayons du soleil vers l’espace. “Cette technique soulève – à juste titre – de nombreuses réticences”, estime James Hansen. En novembre 2022, plusieurs experts évoquaient pour L’Express les risques posés par ce genre de technologie : certaines régions profiteraient sûrement d’un rafraîchissement agréable. D’autres, à l’inverse, pourraient voir le rendement de leurs récoltes se dégrader. Par ailleurs, l’existence d’un tel outil saperait les efforts destinés à réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Enfin, même si une forme de coopération émergeait, la maîtrise de cette technologie représenterait un tel enjeu pour les États qu’il serait difficile de maintenir un processus décisionnel équitable. En d’autres termes, un pays finirait sans doute par s’emparer du thermostat mondial.Mais cela n’empêche pas la SRM de gagner en soutien, au moins pour l’étudier de près. Une conséquence directe de notre inertie en matière de politiques climatiques. Comme le rappelle James Hansen, compte tenu de nos progrès trop lents en matière de réduction des émissions de CO2, nous devons sans doute nous préparer à des arbitrages difficiles.
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Author : Sébastien Julian
Publish date : 2023-11-11 13:00:00
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