Et si la transition énergétique se passait mieux que prévu ? Je perçois bien l’aspect baroque d’une telle idée à une époque où, pour reprendre l’expression de Pascal Bruckner, nous faisons face à “une concurrence des épouvantes”. Pourtant, dans ce cauchemar bien réel qu’est devenue l’actualité, on peut encore trouver quelques raisons de puiser un peu d’espoir. Ainsi, les cours du lithium, du nickel et du cobalt, trois matières premières indispensables à la fabrication des batteries électriques, s’effondrent, ce qui peut donner à penser que le coût de la bascule énergétique pourrait être moins élevé que prévu. Que se passe-t-il, et que faut-il en tirer comme enseignement ?Des cours du lithium en accordéonComme souvent avec les matières premières, il est nécessaire de se tourner vers la Chine, le principal acheteur, pour comprendre. Prenons le cours du lithium. Ce métal est essentiel à la fabrication des batteries des voitures électriques et hybrides car il stocke remarquablement l’électricité. C’est la raison pour laquelle on l’appelle parfois l’or blanc. En 2020, le lithium cotait 6 000 dollars la tonne. Son cours a atteint près de 85 000 dollars, avant de retomber à moins de 25 000 dollars aujourd’hui. A partir de 2020, devant les perspectives de demande vertigineuses pour les voitures électriques, les équipementiers automobiles asiatiques ont craint des ruptures d’approvisionnement. Ils ont donc constitué des stocks gigantesques, ce qui a fait flamber les cours. Aujourd’hui, ces mêmes industriels se retrouvent avec des stocks à écouler, ce qui fait baisser les prix.Certes, il ne serait pas raisonnable de déduire de ces coups d’accordéon entre stockage et déstockage une tendance permanente à la baisse. Il n’en reste pas moins que, depuis quelques semaines, le marché du lithium ne montre aucun signe de fébrilité. En outre, les capacités mondiales d’extraction et de raffinage de ce composant vont augmenter dans les prochaines années. Les matières premières ne sont pas complètement inélastiques aux prix. De deux choses l’une : soit les cours restent bas, et c’est une bonne nouvelle. Soit ils s’inscrivent dans une tendance à la hausse, et l’offre va suivre, ce qui limitera l’augmentation des cours. Le capitalisme peut souvent résoudre tout seul les problèmes qu’il crée, dès lors que l’on consent à ne pas trop l’entraver. Il faut avoir confiance dans le système.40 gisements potentiels en FranceD’après le consensus des analystes, la demande de lithium devrait augmenter d’environ 20 % par an au moins jusqu’à 2030. Pour que les cours ne s’envolent pas brutalement et durablement, il faudrait donc que l’offre – extraction et raffinage – augmente de 20 % chaque année. C’est théoriquement possible, au prix, néanmoins, d’un effort colossal, notamment en Europe.L’Australie extrait aujourd’hui 55 % du lithium, suivi du Chili (25 %) et de la Chine (15 %). Mais l’empire du Milieu en raffine 60 %, ce qui lui permet de sécuriser sa position de leader du marché mondial des voitures électriques. Il est bien sûr possible d’importer du lithium raffiné chinois. Que se passera-t-il, néanmoins, si les relations entre la Chine et l’Occident continuent de se tendre ? Du lithium, l’Europe, à commencer par le Portugal, la Finlande ou l’Espagne, en regorge. En France, l’or blanc est présent dans les sous-sols du Massif central et du Massif armoricain, ainsi qu’en Alsace. Il y aurait, au total, 40 gisements potentiellement exploitables dans l’Hexagone. Imerys, le spécialiste français de la transformation des minéraux, a annoncé la mise en exploitation d’un gisement de lithium dans l’Allier d’ici à 2027. C’est un projet gigantesque, avec à la clé un lithium un peu plus cher que son homologue chinois, mais respectant des normes écologiques strictes.Devenir producteur et raffineur des matières premières incontournables de la transition écologique constitue un magnifique projet industriel pour la France. Notre pays pourrait, au XXIe siècle, redevenir une terre minière, au bénéfice de notre souveraineté et de notre prospérité. Ce projet trouvera évidemment face à lui des activistes auxquels il ne faudra rien céder. Parce qu’il convoque un imaginaire à la Germinal, une pédagogie habile sera nécessaire. La mine et l’usine de demain n’ont rien à voir avec ce qu’elles furent au XIXe siècle. Il faut l’expliquer, dès maintenant.Nicolas Bouzou est économiste et essayiste.
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Author : Nicolas Bouzou
Publish date : 2023-11-12 08:00:00
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