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Autoritaire, complotiste, anti-élite… La personnalité des antisémites passée au crible

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Plan d’action de l’administration Biden contre l’antisémitisme sur les campus américains, indignation du vice-chancelier allemand, l’écologiste Robert Habeck, à l’encontre de l’extrême droite et d’”une partie de la gauche” après une hausse des incidents antisémites, déchirement de la gauche française… Les réactions à l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre et à la réplique militaire d’Israël sur la bande de Gaza ont relancé le débat, dans les sociétés occidentales, sur les formes de l’antisémitisme. Et, notamment, sur l’ampleur d’un possible “transfert” de ce dernier vers la gauche, sous couvert d’une critique radicale des politiques israéliennes.En décembre 2019, l’Assemblée nationale a voté, contre l’avis de la gauche, qui s’inquiétait d’une assimilation entre antisémitisme et antisionisme, une résolution en faveur de l’adoption de la définition opérationnelle de l’antisémitisme élaborée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), qui englobe “les manifestations de haine à l’égard de l’Etat d’Israël justifiées par la seule perception de ce dernier comme collectivité juive”. C’est notamment de cette définition qu’est partie une équipe de chercheurs en sciences sociales du King’s College de Londres, dirigée par Daniel Allington, pour tenter de mesurer l’intensité des antisémitismes, au pluriel, et de discerner leurs racines.Pour cela, les chercheurs ont élaboré un indice déployé en deux sous-échelles, chacune mesurée par un score de 1 à 5 à partir des réactions des sondés à six points de vue. La première sous-échelle, “l’antisémitisme judéophobe”, évalue l’antisémitisme fondé sur des préjugés antérieurs à la création de l’Etat d’Israël : “On ne peut pas faire confiance aux juifs dans les affaires”, “les juifs ont trop de pouvoir dans les médias”… La deuxième sous-échelle, “l’antisémitisme antisioniste”, tente, elle, de mesurer “des positions anti-israéliennes irrationnellement extrêmes et de ‘vieilles’ attitudes antisémites adoptées en lien avec Israël et ses partisans plutôt qu’avec les juifs en tant que juifs” : un sondé aura par exemple un score d’autant plus élevé qu’il se dit d’accord avec des phrases comme “les soutiens d’Israël contrôlent les médias” ou “Israël fait aux Palestiniens ce que les nazis ont fait aux juifs”.Depuis 2020, cette équipe de Daniel Allington a mené plusieurs enquêtes statistiques sur des échantillons de 600 à 1 800 Britanniques, dont la dernière a été publiée au printemps dernier dans la revue Humanities and Social Sciences Communications. Sur une échelle de 1 à 5, ils parviennent à un indice d’antisémitisme global d’environ 2,4, plus élevé pour ce qui relève de l’antisémitisme antisioniste (un peu moins de 2,7) que pour l’antisémitisme judéophobe (un peu plus de 2,1). L’indice est un peu plus haut chez les 18-25 ans, notamment parce que l’antisémitisme antisioniste y est plus élevé (plus de 2,9), sans que les chercheurs ne tranchent entre un effet d’âge (qui disparaîtrait donc avec le temps) ou un effet de génération. Hommes et femmes affichent le même indice global, mais l’antisémitisme judéophobe est plus fort chez les premiers, l’antisémitisme antisioniste étant plus élevé chez les secondes. L’antisémitisme est plus fort pour ses deux composantes chez les personnes non blanches, même si les chercheurs estiment que la faiblesse de l’échantillon rend délicate l’interprétation de son ampleur. Il a par ailleurs tendance à décroître avec le niveau de diplôme, mais cela est surtout vrai pour sa variante judéophobe.L’originalité de cette étude est que ses auteurs ont aussi sondé des traits de personnalité politiques pour déceler leur possible corrélation avec l’antisémitisme et, si oui, lequel. Le nationalisme ethnique constitue ainsi un bon prédicteur de l’antisémitisme judéophobe, mais pas du tout de l’antisémitisme antisioniste. La croyance dans les théories du complot se retrouve dans les deux cas, mais sous des formes différentes : complot mondial et/ou complot affectant le bien-être personnel (par exemple, l’existence d’expériences médicales secrètes au travers des vaccins) dans le cas de l’antisémitisme judéophobe ; complot gouvernemental dans celui de l’antisémitisme antisioniste. Pareil pour l’autoritarisme : l’antisémitisme judéophobe est corrélé à une forme d’autoritarisme de droite, caractérisée notamment par une soumission aux conventions et un appétit pour un pouvoir fort ; l’antisémitisme antisioniste, à un autoritarisme de gauche, caractérisé à l’inverse par une attitude anticonventionnelle et un sentiment d'”agression anti-hiérarchique”. Ce tout dernier sentiment, ce “désir de renverser l’ordre social”, constitue d’ailleurs aussi un prédicteur, de façon plus diffuse, de l’antisémitisme judéophobe. Et, donc, un des meilleurs déterminants de l’antisémitisme global, lié à un “anti-élitisme fruste”.Les chercheurs notent, plus généralement, une corrélation modérée (estimée à 0,34 sur une échelle de 0 à 1) entre le niveau d’antisémitisme judéophobe et le niveau d’antisémitisme antisioniste : en moyenne, plus une personne est l’un, plus elle est l’autre, mais cela ne signifie pas que l’un prédise correctement l’ampleur de l’autre. Une conclusion qui résonne avec d’autres études statistiques récentes qui ont tenté d’évaluer l’ampleur et la porosité des différentes formes d’antisémitisme. Aux Etats-Unis, l’ONG Anti-Defamation League (“Ligue antidiffamation”) a conclu l’an dernier d’une étude sur 4 000 individus à une corrélation “substantielle” entre l’expression de tropes judéophobes et antisionistes, mais surtout chez les personnes plus âgées, moins chez les jeunes adultes : l’intensité globale de l’antisémitisme était plus forte chez les 18-30 ans, mais le nombre de jeunes adultes l’arborant simultanément sous ses deux variantes, plus faible.Chevauchement entre l’expression de tropes judéophobes et antisionistes selon les âges.En France, on retrouve aussi ce constat d’antisémitismes partiellement décorrélés dans le dernier rapport de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, publié cet été. Ses auteurs identifient trois formes d’antisémitisme. Le premier, le plus présent, est le “vieil antisémitisme” : une idéologie manifestée par les sondés qui pensent que les juifs ont trop de pouvoir ou un rapport particulier à l’argent, et qui se retrouvent aussi, assez souvent, à arborer une opinion négative d’Israël – au sens du pays en général, non de son gouvernement – ou à penser que les Israéliens sont responsables de la continuation du conflit. Les deux autres profils sont, pour l’un, un antijudaïsme caractérisé par une critique violente de la religion juive sans lien avec Israël et le conflit israélo-palestinien ni avec les vieux stéréotypes antisémites ; pour l’autre, “un nouvel antisémitisme, […] structuré par la critique d’Israël, sans pour autant entraîner l’adhésion aux clichés antisémites traditionnels”. Un “vieil” antisémitisme et un “nouveau”, qui se caractérisent tous deux, là aussi, par un rapport différent à l’autorité.



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Publish date : 2023-11-10 10:30:00

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