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Cigarette électronique : les vérités scientifiques sur les vaporettes

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Pour de nombreux fumeurs, sa découverte a été une révélation. Inventée en 2003 par le pharmacien chinois Hon Lik, la cigarette électronique (vaporette) s’est démocratisée avec la création des premiers arômes et liquides, en 2013. Aujourd’hui, 5,4 % des Français vapotent quotidiennement et 43 % d’entre eux ont complètement abandonné les cigarettes. Mais faut-il vraiment s’en réjouir ? A l’échelle de la recherche en santé publique, une décennie ne permet pas d’obtenir le recul nécessaire pour une parfaite évaluation sanitaire. Néanmoins, des études scientifiques s’accumulent, et permettent de dégager quelques certitudes. Notamment une : la vape est assurément moins toxique que la cigarette. “Il faut que les vapoteurs le comprennent, afin qu’ils ne se remettent pas à fumer”, prévient le Pr Daniel Thomas, cardiologue et membre et d’Alliance contre le tabac (ACT), les deux principales organisations antitabac en France.La raison est évidente. “La combustion des cigarettes produit du goudron, responsable de cancers – poumons, larynx, vessie, etc. -, et du monoxyde de carbone, lié à différents troubles cardiovasculaires, dont les infarctus du myocarde”, résume le Pr Gérard Dubois, membre de l’Académie nationale de médecine et professeur émérite de santé publique. Ce n’est pas le cas de la vaporette qui se contente de chauffer un support de dilution (du propylène glycol et/ou de la glycérine végétale), de la nicotine et différents arômes. “Le propylène glycol est tellement considéré sans danger qu’on l’autorise pour produire les fumées et brouillards dans les spectacles”, précise le Pr Dubois. Reste la nicotine qui, si elle est extrêmement addictive, n’est pas cancérigène en elle-même, contrairement à ce que pensent 80 % des Français.Mais à quel point la vaporette est-elle moins toxique ? “Il ne faut pas non plus croire qu’elle est anodine ou que les non-fumeurs peuvent l’essayer sans risque”, souligne le Pr Thomas. Des études ont ainsi montré que certaines substances chimiques toxiques et cancérigènes présentes dans la fumée de cigarette se retrouvent dans la fumée des vaporettes, bien qu’à des niveaux beaucoup plus faibles. “Il s’agit notamment de produits de la dégradation de la nicotine, comme les nitrosamines, mais comme les liquides sont purifiés à 99,6 %, il y en a 200 fois moins que dans une cigarette, précise le tabacologue Bertrand Dautzenberg. Quant au formaldéhyde, on en détecte 0,03 à 0,05 mg – contre 0,1 mg avec une cigarette -, sauf quand le liquide brûle, dans ce cas, les taux se rapprochent de ceux de la cigarette”. En revanche, lorsque les liquides sont remplacés par des huiles, de la vitamine E, du THC ou du CBD, des drames peuvent se produire, comme cela a été le cas aux Etats-Unis en 2019. “Il y a eu une cinquantaine de morts, mais il s’agissait d’un mésusage qui n’a rien à voir avec les vaporettes”, balaye le Pr Dubois. Le médecin met également de côté les dispositifs de “tabac chauffé”, assimilés à la vape, mais qui se rapprochent en réalité bien plus des véritables cigarettes en termes de risque pour la santé.La vaporette est-elle pour autant “95 % moins nocive que la cigarette”, comme l’affirment les défenseurs de la vape ? “Ce chiffre est sorti de nulle part et n’a aucun fondement scientifique à ce jour, il provient d’un rapport d’août 2015 qui cite “une estimation d’experts” basée sur un autre rapport qui lui-même s’appuie sur une étude de 2014 qui… N’évoque jamais ce 95 % ! Tout cela ne repose sur rien d’autre qu’une estimation non reproductible, vieille de 10 ans et produite à peine 10 ans après l’invention du produit en question”, balaie le Pr. Loïc Josseran, président d’ACT et médecin chercheur en santé publique à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.Pour affirmer que la vaporette est 95 % moins nocive que la cigarette, il faudrait que des scientifiques aient suivi pendant quarante ans des vapoteurs qui n’ont jamais consommé de cigarettes afin de les comparer à des non-fumeurs ou des “fumeurs purs”. Or d’une part, le produit n’est utilisé massivement que depuis dix ans. D’autre part, aujourd’hui, 55,5 % des vapoteurs fument encore des cigarettes, quand les 45 % restant sont d’ex-fumeurs. Difficile, dès lors, de distinguer les effets liés à la vape de ceux de la cigarette. Sans compter que la vapoteuse n’est pas un objet unique ni standardisé. Certaines sont jetables, d’autres présentent différents tirages et résistances. Il existe, aussi, de très nombreux arômes. “De telles recherches sont complexes à monter, coûteraient très cher, et seraient difficiles à financer”, ajoute le Pr. Thomas. Un investissement que les autorités de santé ne sont pas toujours prêtes à consentir.Des études expérimentales pour trouver des signaux faiblesLes arômes pourraient provoquer des atteintes neurologiques et des troubles du rythme cardiaqueEn attendant, les scientifiques tentent de découvrir des signaux faibles en élaborant des études expérimentales, en laboratoire, sur des cellules ou des animaux. Ils ont alors parfois besoin de forcer le trait. Ainsi, une étude publiée dans la revue des comptes rendus de l’Académie américaine des sciences, en 2018, affirmait que l’exposition à la fumée de vaporette pouvait dégrader l’ADN des cellules du cœur, des poumons et de la vessie de souris. Sauf que les petits mammifères de 20 grammes ont été littéralement gazés, puisque exposés à 1920 milligrammes de nicotine en seulement trois mois. Soit l’équivalent de dix ans de vapotage. Les résultats de ces travaux avaient, à l’époque, été vivement critiqués.Une équipe de la Keck School of Medicine a, de son côté, publié une étude plus sérieuse, en 2021, dans la revue Scientific Reports. Ces travaux suggèrent que le vapotage pourrait provoquer des changements biologiques indésirables et conduire au développement de diverses maladies cardiovasculaires et respiratoires, voire à des cancers. Leur dernière expérience, publiée en 2023 dans Nicotine and Tobacco Research, suggère que la vape est associée à des dégradations de l’ADN de cellules présentes dans la bouche. “Les utilisateurs de cigarette électronique à capsules (comme Juul) et de produits les plus sucrés présentaient les niveaux les plus élevés de dommages à l’ADN par rapport aux non-utilisateurs”, indique Ahmad Besaratinia, professeur de santé publique à la Keck School of Medicine. La concentration de nicotine fumée, elle, n’a pas influencé les résultats.”D’aucuns vous diront que ces expérimentations qui recherchent des signaux faibles sont faites de manière aberrante. C’est parfois le cas, avec des études qui chauffent des e-liquides jusqu’à ce qu’ils brûlent et dégagent fatalement des composés toxiques, note le Pr Daniel Thomas. Mais entre eux et les antivapes qui mettent en avant les plus mauvais résultats sans faire de distinction entre ce qui est recevable ou pas, il peut y avoir de la mauvaise foi des deux côtés. Même en voulant être le plus objectif possible, il n’est pas toujours aisé de savoir quelle étude est crédible.”Imposer l’achat des vaporettes en pharmacie ?Selon Loïc Josseran, l’une des questions en suspens porte sur les arômes, qui se comptent par milliers. “Des travaux suggèrent qu’ils pourraient provoquer des atteintes neurologiques et des troubles du rythme cardiaque, voire un épaississement de l’arbre respiratoire”, souligne-t-il, citant une étude scientifique parue en 2021 dans Pharmacology & Therapeutics. Ces travaux pointent du doigt “au moins 65 ingrédients aromatiques”, dont le plus préoccupant est le cinnamaldéhyde (goût cannelle), suivi par la vanilline et l’éthylvanilline (vanille), le menthol (menthe), l’éthylmaltol (bonbon, pop-corn ou barbe à papa), le benzaldéhyde (amande) et le linalol (odeur fraîche de l’arôme de menthe). Dans un communiqué publié en février 2023, le CNCT s’est d’ailleurs prononcé pour l’interdiction des arômes. “Effectivement, il y a quelques arômes, pour lesquels une toxicité au niveau cellulaire a été démontrée, confirme Daniel Thomas. Mais ce n’est pas tant leur toxicité que leur capacité à piéger les adolescents qui me préoccupe.” Lui milite tout simplement pour la suppression des arômes de confiseries aux noms enfantins et aux goûts sucrés. Dans son viseur, comme celui du CNCT, de l’ACT et de l’Académie de médecine : les puffs, ces cigarettes électroniques jetables qui visent les plus jeunes.Reste à savoir si la vaporette peut permettre de se passer du tabac. Là, les recherches sont plus précises. Deux études de la revue Cochrane, la référence en la matière, montrent qu’il s’agit du dispositif de sevrage du tabac le plus efficace. Pour Bertrand Dautzenberg, ainsi que pour le Pr Dubois, le débat est réglé, d’autant que ces études apportent un niveau de preuve “élevé”, autrement dit, un résultat proche de la certitude. “Le débat sur la vape oppose deux camps, celui qui considère la vaporette comme une arme pour aider les fumeurs à sortir du tabac, l’autre qui s’inquiète qu’elle puisse convertir des jeunes non-fumeurs à la nicotine. Or, ces deux positions pourraient se conjuguer intelligemment”, résume Daniel Thomas. Pour les réconcilier, l’une des solutions pourrait être d’assimiler les vaporettes à des dispositifs médicaux – comme en Autriche et en Norvège – et les rendre accessibles uniquement en pharmacie, et non plus dans les bureaux de tabac ou les “vapostores”, qui n’appliquent pas, ou insuffisamment, l’interdiction de vente aux mineurs. “Car la meilleure cigarette, c’est celle qu’on ne fume pas, quelle qu’elle soit”, rappelle le Pr Dubois.



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Author : Victor Garcia

Publish date : 2023-11-13 15:49:18

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Tags :L’Express

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