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Lutter contre l’antisémitisme peut-il encore unir les Français ? Par Omar Youssef Souleimane

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Le plus remarquable, lors de la marche contre l’antisémitisme organisée dimanche 12 novembre, c’était le silence. Parmi les plus de 100 000 personnes rassemblées dans Paris, il n’y avait quasiment pas de slogans – hormis quelques cas minoritaires d’individus chantant La Marseillaise. Aucun drapeau non plus, sauf celui de la France. Inévitablement, le souvenir de la manifestation organisée à la suite du massacre de Charlie Hebdo en 2015 a envahi beaucoup d’entre nous. A l’époque, un million et demi de personnes avaient aussi marché à Paris pendant des heures, entourées par des députés, des ministres, mais il y avait aussi des associations musulmanes, chrétiennes, juives, laïques… Cet évènement nous avait unis. Difficile d’en dire autant aujourd’hui.Depuis le 7 octobre, pas moins de 1200 actes antisémites ont été recensés en France. De ce fait, c’est le cœur de la République qui est attaqué. Pourtant, une partie de la gauche a préféré condamner l’organisation de cette marche, comme s’il s’agissait-là d’une prise de position larvée s’agissant du conflit israélo-palestinien (plutôt que ce qu’elle était : une marche contre l’antisémitisme). Or à la marche de dimanche, on n’a pas vu de slogan concernant les événements tragiques qui se déroulent au Proche-Orient. Dans ce contexte, il est légitime de se demander si la lutte contre l’antisémitisme peut encore unir les Français…AmalgameDepuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, tenir les juifs pour responsables des morts de Palestiniens à Gaza est devenu une mode. Des centaines de commentaires, des vidéos appelant à la haine des juifs tournent en boucle sur les réseaux sociaux. Cette violence mérite d’être condamnée sans réserve, peu importe la situation à Gaza. Car ce dont il est question, en l’occurrence, c’est de l’unité des Français face à ces propos intolérables.Le soir même de l’attentat de Charlie Hebdo, certains individus avaient déchiré le Coran sur la place de la République. “Pas d’amalgame”, leur avait-on immédiatement répondu. Nous aimerions bien que ce principe soit également appliqué par La France insoumise aujourd’hui, pour faire front face aux discours identitaires. Mais ceci semble être peine perdue.L’absence de LFI lors du grand rassemblement de dimanche, ainsi que les propos du député David Guiraud accusant la manifestation de “normaliser le soutien inconditionnel au nettoyage ethnique qui se passe à Gaza” ont consacré cet amalgame si dangereux entre “juif” et “sioniste”, “juif” et “israélien”. Rappelons que ce même parti était bien présent et visible lors de la manifestation en soutien aux Palestiniens, Place de la République le 19 octobre, où certains manifestants auraient crié “Allah Akbar”.Il n’a échappé à personne non plus qu’après avoir exhorté Israël à cesser le feu contre les civils de Gaza, le chef de l’Etat, lui aussi, a préféré de ne pas participer à la marche de dimanche. Sa présence était pourtant nécessaire pour assurer l’engagement de la France contre l’antisémitisme loin du conflit du Proche-Orient… Rappelons-nous qu’en 1990, François Mitterrand avait participé à une manifestation condamnant l’antisémitisme, après la profanation du cimetière juif de Carpentras.”Pas le bon moment”Revenons à la marche de dimanche, où l’on a fait la connaissance d’une femme portant un panneau sur lequel était écrit : “Je ne suis pas juive, je ne suis pas anti-Palestine, je ne suis pas Front national, je suis Française et je ne veux plus jamais ça”. Cette phrase résumait à elle seule la ligne de ce rassemblement. Et confirmait que le sortir de son contexte original pour lui faire porter le poids du conflit au Proche-Orient est non seulement malvenu, mais risque aussi de diviser les Français juifs.Avant la création de l’État israélien en 1948, plus de 800 000 Juifs vivaient dans des pays arabes, et ce depuis des centaines d’années. En peu de temps, ils ont été expulsés, accusés d’être coupables de la guerre entre l’état sioniste et les Arabes. Voulons-nous vivre cela en France ?Pour certains, ce ne serait pas le bon moment de manifester contre l’antisémitisme alors que le conflit entre Israël et le Hamas se poursuit. Au contraire, compte tenu de la résurgence d’actes antisémites en France au cours de ce dernier mois, il est plus que jamais nécessaire de manifester maintenant, réagir rapidement afin d’éviter que des amalgames ne s’instaurent durablement dans les esprits.La marche de dimanche peut contribuer à unir les Français, à condition que d’autres voix la rejoignent. Le message du cortège de tête, qui tenait une pancarte sur laquelle était écrit “Pour la République, contre l’antisémitisme”, est un bon début.“Etre français”, par Omar Youssef Souleimane. Flammarion, 160 p., 19 €.



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Publish date : 2023-11-13 15:50:31

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