*.*.*
close

Marche contre l’antisémitisme : le RN et les manifestations, quarante ans de tumulte

logo




Carpentras. 10 mai 1990. 34 sépultures juives sont découvertes profanées dans le cimetière de la ville varoise. Le ministre de l’Intérieur d’alors, Pierre Joxe, déclare : “Les idées du leader du Front national, il s’agit de Jean-Marie Le Pen, peuvent conduire à des violences qui dépassent l’imagination.” Six ans plus tard, six jeunes néonazis avoueront leur responsabilité. Le 14 mai, une manifestation transpartisane contre le racisme et l’antisémitisme est organisée. Dans les rues de Paris, entre Bastille et République, les organisateurs décomptent 200 000 participants. Jean-Marie Le Pen est absent. Ce dernier a préféré se tenir éloigné du rassemblement, dénonçant, à l’époque, un “coup monté”, qui aurait servi de tremplin à la classe politique pour atteindre le Front national.Trente-trois ans plus tard, les choses ont changé. Mardi 7 novembre, Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national à la dernière élection présidentielle, et Jordan Bardella, chef du parti, ont indiqué qu’ils se rendraient à la grande marche contre l’antisémitisme organisée ce dimanche à l’initiative de Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, présidents respectifs de l’Assemblée nationale et du Sénat. Le 5 novembre, au micro de BFMTV, le même Jordan Bardella déclarait : “Je ne crois pas que Jean-Marie Le Pen était antisémite.” Réaction presque immédiate de la classe politique, qui rappelle que le leader historique du parti d’extrême droite a été condamné à de multiples reprises notamment pour contestation de crime contre l’humanité. Au PS, on décide de répondre à l’appel, en précisant que la présence des élus RN est “illégitime”. A La France insoumise, on refuse de défiler aux côtés des frontistes. Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher assurent qu’ils ne marcheront pas à leurs côtés. Cachez ce RN que l’on ne saurait voir.Les organisateurs de la marche semblent avoir trouvé la parade : une tête de cortège exclusivement composée des anciens présidents et responsables religieux. Pas de responsable du RN, donc. “L’hypocrisie de la classe politique et la manière dont ils utilisent des moments qui devraient être des moments d’unité nationale pour se pousser du col, je m’en moque, a répondu Marine Le Pen, jeudi, au micro de RTL. Si l’on est en queue de cortège, on s’en moque totalement. Ce sont les Français qui jugeront ceux qui tombent dans ce genre de réflexions.”Janvier 2015, Marine Le Pen n’est pas conviéeLa queue de cortège peut d’ailleurs être confortable. Surtout pour le RN et Marine Le Pen, qui n’ont pas connu que des expériences heureuses dans leurs précédentes et rares tentatives de manifester. Depuis sa création, il y a cinquante et un ans, le parti d’extrême droite a rarement fait sienne la tradition de battre le pavé, qui restait l’apanage de la gauche. Aux grands rassemblements, souvent impulsés par les syndicats, Jean-Marie Le Pen et ses camarades n’étaient pas les bienvenus, et ne souhaitaient d’ailleurs, la plupart du temps, pas y être associés. Comme ce jour de 1984, où, se joignant à plusieurs personnalités de la droite, Jean-Marie Le Pen défile dans les rues pour protester contre le projet de loi Savary visant à intégrer les écoles privées françaises dans un “grand service public”. Il devra se contenter, toutefois, d’un défilé à part, loin des Jacques Chirac et Simone Veil, peu désireux de s’afficher avec “le diable”. Près de quarante ans plus tard, les choses ont un peu changé, mais les habitudes ont la vie dure.Malgré sa vaste entreprise de dédiabolisation, Marine Le Pen n’a toujours pas la cote dans les manifestations. Bien sûr, il y a eu 2013 et la Manif pour tous, où élus de droite et d’extrême droite se sont croisés sans heurts dans les cortèges (Marine Le Pen, elle, n’y était pas). Mais la rue et ses pavés restent un endroit hostile pour la députée du Pas-de-Calais. En janvier 2015, au lendemain des attentats contre la rédaction de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher de Vincennes, la leader frontiste, tout comme ses camarades, n’avait pas été conviée à la grande manifestation républicaine organisée à Paris. Elle avait trouvé la parade en appelant ses élus à se rendre aux manifestations en province. “Nous, élus de la nation, nous prendrons part aux défilés où le sectarisme est moins violent. Nous serons avec le peuple français, ailleurs que dans le cortège parisien, récupéré, hélas !, par des partis qui représentent ce que les Français détestent : l’esprit partisan, l’électoralisme et la polémique indécente”, avait-elle déclaré à l’époque. Jean-Marie Le Pen, pour sa part, avait pointé du doigt un rassemblement “orchestré par les médias”, et qui lui rappelait les mobilisations lors de l’affaire de Carpentras et lors de l’entre-deux-tours de la présidentielle de 2002.Mars 2018, Marine Le Pen exfiltrée de la marche blanche en hommage à Mireille KnollMars 2018, nouvelle tentative. Après l’assassinat de Mireille Knoll, une octogénaire juive, à Paris, une marche blanche est organisée en sa mémoire, le 28 mars. Le Crif prévient : la présence de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen n’est pas souhaitée. Les deux dirigeants font la sourde oreille. Marine Le Pen sera exfiltrée par les organisateurs, et contrainte de rejoindre la queue de cortège en catimini. Depuis, l’élue du Pas-de-Calais reste frileuse à l’idée de se joindre à ces mobilisations. En 2019, lors de l’épisode des gilets jaunes, elle affirme à plusieurs reprises son soutien aux manifestants, mais ne se risque jamais à poser le talon sur un rond-point. Idem, l’année dernière, alors que la France entière se mobilise contre la réforme des retraites d’Emmanuel Macron, Marine Le Pen, pourtant autoproclamée première opposante au projet, se garde bien d’aller battre le pavé. Les syndicats le répètent : le Rassemblement national n’est pas le bienvenu.La décision de se rendre à la grande marche contre l’antisémitisme de ce dimanche met donc fin à la période de boycott de la rue par Marine Le Pen. Courageuse mais pas téméraire, la présidente du groupe RN à l’Assemblée a toutefois envoyé quelques députés en éclaireurs, le 9 octobre dernier, au rassemblement parisien de soutien à Israël après l’attaque terroriste perpétrée par le Hamas le 7 octobre. Le vice-président de l’Assemblée, Sébastien Chenu, ainsi que les députés Julien Odoul, Franck Allisio et Frédéric Falcon s’étaient joints au cortège, et avaient reçu un accueil enthousiaste. Marine Le Pen, elle, n’avait pas fait le déplacement, indiquant qu’elle ne souhaitait pas éclipser la manifestation par sa présence, tandis que Jordan Bardella était occupé à gérer ses affaires au Parlement européen. Cette fois-ci, le duo frontiste sera bien présent, malgré les avertissements du Crif leur indiquant qu’il n’est toujours pas le bienvenu. Jean-Luc Mélenchon, lui, ne sera pas de la partie.



Source link : https://www.lexpress.fr/politique/rn/marche-contre-lantisemitisme-le-rn-et-les-manifestations-40-ans-de-tumulte-ARCEEFXSTFBVNDBCHX7BD2KY3E/

Author : Marylou Magal

Publish date : 2023-11-11 07:45:00

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags :L’Express

..........................%%%...*...........................................$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$--------------------.....