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Morgane Moncomble, star de la New Romance : “Peut-être serons-nous réhabilitées dans un siècle”

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Ça s’est passé du 3 au 5 novembre au palais des congrès de Strasbourg : Hugo Publishing organisait la septième édition du Festival New Romance. Avec 5 000 personnes, l’événement affichait complet, malgré une entrée payante – jusqu’à 155 euros pour le pass complet incluant une masterclass, des animations, un dîner et des fêtes le vendredi et le samedi. Les images que l’on peut voir sur Internet donnent l’impression d’une soirée pyjama géante, avec pulls de Noël et ambiance bon enfant. Parmi les romancières invitées, plusieurs stars étrangères (Anna Todd, Mia Sheridan, Scarlett St. Clair, Ana Huang ou le tandem Christina Hobbs et Lauren Billings, plus connu sous le nom Christina Lauren) mais aussi des Françaises, dont Morgane Moncomble, qui cartonne actuellement avec Un automne pour te pardonner (50 000 exemplaires vendus en un mois).Petit rappel des faits pour ceux qui seraient restés bloqués au Nouveau Roman. La New Romance n’a rien à voir avec les formalistes de chez Minuit. C’est une marque qui a été déposée en 2014 par Hugues de Saint Vincent, fondateur de Hugo Publishing. Les éditions JC Lattès étaient les premières sur le coup, ayant traduit Cinquante Nuances de Grey de E. L. James en 2012, mais c’est Saint Vincent qui, avec flair, a vraiment imposé cette tendance chez nous. Dès 2013, il sort Beautiful Bastard du duo Christina Lauren. Un an plus tard, il crée le label New Romance et y publie Anna Todd (After) et Colleen Hoover. A sa mort en 2018, son fils Arthur de Saint Vincent a repris le flambeau avec la même réussite.On rencontre Morgane Moncomble dans les bureaux parisiens de Hugo Publishing le lundi suivant le Festival New Romance. Elle est visiblement exténuée par les dédicaces à tour de bras, mais aux anges : “C’était incroyable ! Des milliers de gens tous très passionnés, très fans, très impliqués. C’est une communauté comme je n’en connais pas ailleurs dans le monde de l’édition. On y trouve majoritairement des filles, mais il y a de plus en plus de garçons, y compris chez les auteurs, tel Kentin Jarno, un de mes meilleurs amis. Les lecteurs et les lectrices se confient beaucoup. On nous écrit des lettres, on nous tricote des choses, on nous donne des cadeaux – j’en reçois même pour mon chien ! Le Festival New Romance est un câlin collectif, une bulle qui permet de s’échapper de la vie quotidienne. Tabous et jugements restent à la porte. C’est cosy, cool, on s’aime tous, c’est très Bisounours.””Je me disais qu’un jour ça pouvait fonctionner”Tenter de comprendre le phénomène New Romance exige de mettre ses préjugés de côté et de se figurer une sphère éditoriale alternative où Hugo Publishing est le graal et où Gallimard n’existe pas. Née en 1996 à Argenteuil, Morgane Moncomble n’est pas une enfant de la balle : sa mère est assistante de formation et son père, qui n’a “jamais lu un livre de sa vie”, conducteur de travaux sur des chantiers. L’enfance et l’adolescence de la jeune Morgane se déroulent dans le Val-d’Oise, où elle vit toujours, à Enghien-les-Bains. Elle découvre la littérature l’année de ses 11 ans : “Une amie m’a donné un roman jeunesse un peu fantasy, Sortilèges et sacs à main de Sarah Mlynowski. Ça a été le déclic. C’était la période Twilight, avec les vampires et les loups-garous. J’ai également dévoré Harry Potter. J’ai toujours aimé les mondes imaginaires où se réfugier.”Très tôt, Morgane Moncomble se rêve en romancière. Sa famille tente de la raisonner, lui rabâchant que l’écriture ne peut rester qu’un “hobby”. Prenant son mal en patience, elle pense un temps devenir journaliste puis, étudiante en lettres à la Sorbonne, travaille comme lectrice aux éditions XO où, de son propre aveu, elle n’apprend pas grand-chose. Elle a alors un modèle, V. E. Schwab (Shades of Magic) : “Dans ses interviews, elle disait que ça n’avait pas marché pendant longtemps, qu’elle avait galéré. Ce n’est qu’après son huitième roman qu’elle a connu un succès énorme – elle vend aujourd’hui des millions de livres. Je me disais qu’il fallait persévérer, et qu’un jour ça pouvait fonctionner.”Au XIXe siècle, on publiait ses romans en feuilleton ; au XXIe, on propose ses textes chapitre après chapitre sur la plateforme Wattpad. C’est là que Morgane Moncomble débute et découvre la proximité avec ses lectrices, qui n’ira qu’en s’amplifiant – nous y reviendrons. En 2016, une de ses amies envoie Viens, on s’aime à son insu à Hugo Publishing : “Hugo, c’était le but ultime, je n’osais pas leur adresser mon texte – j’avais le syndrome de l’imposteur, qui ne disparaît jamais vraiment… L’éditrice qui a reçu mon manuscrit m’a contactée, puis Hugues de Saint Vincent m’a invitée au premier Festival New Romance, qui se tenait à Bandol. Ça a été le début de l’aventure.” Viens, on s’aime sort en 2017 et se vend à 9 000 exemplaires en grand format, puis à 50 000 en poche. Le début d’un succès qui est allé croissant, avec un pic en 2021 pour L’As de cœur (80 000 exemplaires en grand format, 160 000 en poche).”Une indéniable condescendance”Premier tome d’une série de quatre romans, Un automne pour te pardonner est déjà le huitième livre de Morgane Moncomble. Située en Ecosse, l’histoire est une sorte de partie de Cluedo mêlant enquête sur l’assassinat d’un étudiant et triangle (voire rectangle) amoureux. Le suspense fonctionne bien et on y trouve des clins d’œil à Oscar Wilde, une des idoles de la romancière, qui nous dit “adorer son intelligence sarcastique”. Bien qu’étant reconnue dans son domaine, Morgane Moncomble reste snobée par le milieu littéraire et les médias traditionnels, ce qui ne semble pas la perturber plus que cela : “Il y a une indéniable condescendance. On ne parle pas de nous, et quand c’est le cas c’est pour en dire du mal, comme avec Sarah Rivens récemment. Nos lectrices sont considérées comme des midinettes, ou des femmes qui lisent dans le dos de leur mari – on en est là ! Parce qu’on parle d’amour on ferait de la sous-littérature ? C’est injuste. J’aime Thomas Hardy, Emily Brontë et surtout Jane Austen. Elle a été très critiquée et déconsidérée de son vivant, elle est maintenant un classique. Peut-être serons-nous réhabilitées dans un siècle ou deux !”Absente des pages du Monde des Livres et de Télérama, Morgane Moncomble est sa propre community manager : elle organise elle-même sa promotion sur les réseaux sociaux, et notamment sur TikTok, où elle est suivie par plus de 100 000 abonnés. Version moderne d’une Amélie Nothomb qui passe plusieurs heures chaque matin à répondre par lettre au courrier de ses fans, Morgane Moncomble consacre une grande partie de son temps à communiquer avec les siens sur son téléphone. Quand on l’interroge sur la dernière rentrée, elle nous dit en retenir La Prochaine fois que tu mordras la poussière de Panayotis Pascot, qui évoque son homosexualité et sa dépression mélancolique. Se revendiquant bisexuelle, elle s’intéresse aux mêmes thèmes que lui (la difficulté à se définir strictement, la santé mentale). En cela ils trouvent un écho chez la jeunesse actuelle, à laquelle ils semblent apporter une forme de réconfort. Signe des temps, en septembre, Hugues Jallon, le patron des très élitistes éditions du Seuil, a annoncé la création d’un “espace dédié aux littératures de genre grand public”, dont la romance. Dans le même temps, Editis a monté Chatterley, une maison spécialisée dans ce même domaine. D’autres collections vont suivre ici et là. Cela va-t-il enfin légitimer Morgane Moncomble et ses semblables ? “Oui, sans doute, même s’il est dommage qu’on ait eu besoin de ça…”Un automne pour te pardonner, par Morgane Moncomble. Hugo Publishing, 424 p., 17 €.Seasons (t. I). Un automne pour te pardonner
Par Morgane Moncomble



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Author : Louis-Henri de La Rochefoucauld

Publish date : 2023-11-11 09:30:00

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