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Travail : pourquoi les plus méritants ne sont plus reconnus à leur juste valeur, par Julia de Funès

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Une plus juste reconnaissance s’impose et semble faire l’unanimité dans l’opinion. Souvenons-nous qu’il nous est apparu à juste titre déshonorant que les fonctions dites de première ligne soient si peu reconnues au regard de leur nécessité lors du Covid. Les politiques d’inclusion, de diversité, de parité n’ont pour ainsi dire jamais été aussi en vogue dans les organisations qu’aujourd’hui et sont autant de stratégies mises en place pour une plus forte reconnaissance des différences. Et si l’on en croit les baromètres RH du moment (CCLD, myRHline 2023, etc.), le manque de reconnaissance au travail apparaît comme l’une des premières raisons poussant les salariés à vouloir changer de fonction sinon d’entreprise. Ce manque de reconnaissance chronique et le besoin de considération toujours plus grand qui l’accompagne ne sont pas nécessairement liés à une négligence managériale ou politique, mais procèdent plus fondamentalement d’une dérive démocratique et démagogique contre laquelle il devient difficile mais nécessaire de lutter.Démagogique en ce que l’égalitarisme bien-pensant s’intensifiant, les hiérarchies s’estompent, l’autorité s’effondre, les niveaux ne comptent plus, la transmission est remplacée par des partages d’expériences, la vérité par le relativisme (à chacun sa vérité), et l’analyse critique par des opinions sommaires. La science se voit concurrencée par un retour archaïque à des pratiques plus ou moins chamaniques. Les formations en ligne sont mises sur le même plan que les formations académiques. Les titres certifiés équivalent pour certains aux diplômes académiques d’Etat. Les métiers dits de première ligne, essentiels à la survie de la population se trouvent parfois moins cotés que les improbables “happyculteurs”, “émergeurs d’intelligence collective”, “développeurs de résilience”, et autres “accompagnateurs” en tout et surtout en rien que l’on trouve à foison sur les réseaux sociaux professionnels. Aussi assistons-nous à l’émergence d’une ribambelle de guignols aussi légers en connaissance que lourds en niaiseries démagogiques (1). Comment avons-nous pu laisser ce genre de supercheries gangrener le marché de l’emploi tout en méconnaissant la valeur des plus méritants ?La reconnaissance suppose le courage de la distinctionPar dérive démocratique. Le contournement que Tocqueville (2) avait auguré entre égalité et égalitarisme se produit sous nos yeux. Le principe démocratique d’égalité se substitue insidieusement en principe démagogique d’équivalence. L’égalité de droit (tous égaux devant la loi) se retrouve sournoisement dévoyée en équivalence de valeurs (tout se vaut). Dans cette logique, l’équivalence finit par régner et l’indifférenciation par dominer. Or l’indifférenciation mène à l’indifférence et l’indifférence est le contraire de la reconnaissance ! Reconnaître c’est distinguer, différencier, valoriser, et établir des hiérarchies en fonction du mérite. Dans l’acte de reconnaître s’ajoute à la réalité connue la conscience de sa réelle valeur par rapport aux autres. Alors comment valoriser si le relativisme (tout se vaut) règne en maître ? Comment distinguer si l’équivalence domine ? Comment poser des différences si l’indifférenciation devient le mot d’ordre ? L’égalitarisme, soit le règne de l’indifférenciation et de l’équivalence, a ceci de calamiteux qu’il empêche toute forme de reconnaissance.Aussi devons-nous, tel que l’article 1 de La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen le laisse entendre subrepticement, maintenir une séparation franche entre l’indifférenciation devant la loi et l’indifférenciation sociale : “Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.” Autrement dit, l’égalité n’interdit pas les disparités et les distinctions ne sont pas nécessairement des injustices ! Aussi, pour une reconnaissance véritable et un ressentiment social atténué, encore faudrait-il oser les différences, concurrencer les contributions, hiérarchiser les mérites. La reconnaissance suppose non pas la démagogie égalitariste mais le courage de la distinction.(1) Développement (im) personnel. Le succès d’une imposture, par Julia de Funès, éd. de L’Observatoire, 2019, Paris.(2) De la démocratie en Amérique, par Tocqueville, 1835.



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Author : Julia de Funès

Publish date : 2023-11-13 04:50:42

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Tags :L’Express

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