Son dernier livre, L’Etat de l’exil. Les juifs, l’Europe, Israël, paru cette année au PUF, retrace l’histoire du sionisme et montre comment l’Etat hébreu, au-delà de ses contradictions, s’est défini comme un “Etat refuge” pour les juifs du monde entier. La France sans les juifs s’alarmait, en 2019, du départ massif de juifs français dû à la montée du sentiment d’insécurité. Difficile de ne pas songer à ces deux ouvrages essentiels de Danny Trom pour éclairer l’actualité tant au Proche-Orient qu’en France.Dans un grand entretien accordé à L’Express, le sociologue, directeur de recherche au CNRS et rédacteur en chef adjoint de la revue K., analyse le choc historique qu’a représenté pour les juifs l’attaque du Hamas du 7 octobre. Il évoque le désarroi des progressistes israéliens, qui se sentent aujourd’hui abandonnés par une partie de la gauche occidentale, explique le consensus en Israël sur la volonté d’éliminer le Hamas, et répond aux accusations de “génocide” portées contre l’Etat hébreu. Mais Danny Trom s’inquiète aussi du climat actuel en France. “Il y a une grande peur chez les juifs de France, qui rasent les murs”, avertit-il, observant que “ce n’est qu’avec les juifs qu’on atteint un niveau maximal de dissémination des passions politiques”.L’Express : Dans L’Etat de l’exil, vous montrez qu’Israël s’est historiquement construit comme un “Etat refuge” pour les juifs du monde entier, leur offrant une garantie de sécurité. De ce point de vue-là, mesurons-nous assez, en France, le choc qu’a représenté l’attaque du 7 octobre ?Danny Trom : Un pogrom s’est déroulé le 7 octobre sur le sol de l’Etat d’Israël. Jusqu’à présent, un fait de cette nature semblait impossible. Parce que l’Etat d’Israël s’est lui-même défini – et a été ainsi perçu par les juifs du monde entier – comme un lieu duquel la violence antijuive était exclue. En cela, la naissance de cet Etat a représenté une césure dans l’histoire des juifs. Il devait empêcher tout “pogrom”, ce mot russe qui est une métaphore de la violence antijuive, c’est-à-dire une violence émanant spontanément d’une population et plus ou moins suscitée ou tolérée par des autorités politiques. Les juifs du monde entier, qu’ils soient sionistes ou non, qu’ils aient de la sympathie ou non pour Israël, savent qu’il y a un lieu où ils peuvent aller en cas de nécessité. Mais ce fondement de l’Etat d’Israël vient d’être démenti. C’est un choc pour les Israéliens, comme pour les juifs de par le monde. Le 7 octobre a fait sauter une barrière physique de protection, mais aussi une barrière psychique.Après la Seconde Guerre mondiale, l’Europe s’est édifiée sur la promesse qu’un tel génocide ne se reproduirait pas, puis vint la création de l’Etat d’Israël. Cela a placé les juifs dans un équilibre homéostatique : ils étaient rassurés par les garanties politico-juridiques en Europe, mais la confiance n’était pas totalement restaurable après la Shoah, de sorte que la protection asilaire offerte par l’Etat d’Israël venait pallier leur angoisse. C’est précisément cet équilibre qui a été brutalement rompu en cette journée du 7 octobre.Une passion exterminatrice contre les juifs est de retourCette attaque du Hamas ne peut-elle donc pas être comparée à la guerre du Kippour, en 1973 ?C’est totalement incomparable. En 1973, il s’agissait d’une guerre conventionnelle, entre armées. C’était un conflit procédant d’une volonté de revanche d’Etats arabes après la défaite de 1967. Et les limites du territoire souverain de l’Etat d’Israël n’ont pas été franchies.Certes, 1973 a été bien plus dangereuse pour la survie d’Israël, mais l’Etat a démontré qu’il était capable de se maintenir dans ses rapports avec ses voisins. Ce qui s’est passé le 7 octobre, c’est l’expression d’une volonté de destruction non seulement d’Israël, mais aussi de sa population. L’agression visait toute une société, tous les juifs, un à un, d’où le caractère exterminateur de l’assaut. Les commandos du Hamas ont tué tout le monde, sans distinction entre hommes, femmes, enfants et nourrissons, s’acharnant sur des corps mutilés et violés. C’est l’expression d’une violence illimitée, alors que les guerres interétatiques excluent par principe les civils. Si ces commandos avaient disposé de moyens supplémentaires, ils auraient commis un pogrom à l’échelle de toute la population, autrement dit un génocide.C’est pourquoi la bonne grille de lecture de cet événement est non pas celle de la guerre, mais celle d’une passion exterminatrice qui est de retour, par un croisement entre l’islamisme radical et un antisémitisme de facture européenne importé. La stratégie du Hamas, et celle de l’Iran et de ses alliés, n’est possible que parce que la Shoah a eu lieu. La Shoah a ouvert la possibilité de fantasmer la mort définitive des juifs. D’où, d’ailleurs, l’actuel travail de retournement de l’accusation génocidaire dès lors qu’Israël réplique contre le Hamas. J’étais à Londres au moment de la manifestation propalestinienne qui a réuni 100 000 personnes. Les deux grands slogans étaient “Free Palestine” et “Stop genocide”. “Free Palestine”, ça veut dire “libérer la Palestine des juifs”, comme ils le précisent, “de la mer au fleuve Jourdain”, et donc détruire l’Etat d’Israël. Et le “génocide”, c’est ce que souhaitent faire ceux-là mêmes qui veulent libérer la Palestine. Cette accusation de “génocide” portée contre Israël est un retournement pervers puisque le désir génocidaire est justement du côté du Hamas et de ses soutiens. On accuse stratégiquement les Israéliens d’être les héritiers des nazis, en sachant que c’est à la fois une façon de délégitimer l’Etat d’Israël et de soulager les Européens qui sont solidaires avec le Hamas, en les libérant d’une culpabilité historique. En retournant cette accusation de génocide contre les juifs, ils laissent entendre que les juifs ont subi un génocide mérité, ce qui dévoile leurs propres propensions génocidaires.Dans cette polarisation, toutes les voix palestiniennes favorables à une solution à deux Etats sont hélas étouffées. Les manifestations propalestiniennes sont, de facto, devenues des manifestations pro-Hamas du fait de leurs slogans. Tous ceux qui défendent réellement la cause palestinienne sont marginalisés. Avec cette séquence, le Hamas est parvenu à préempter cette cause tout en la discréditant. Car le 7 octobre marque aussi un recul dramatique pour la cause palestinienne, d’une ampleur qu’aucun gouvernement israélien, aussi à droite qu’il puisse être, n’aurait pu rêver.Selon l’étude la plus récente du Baromètre arabe, moins de 1Gazaoui sur 3 soutenait le Hamas avant le 7 octobre, tandis que 73 % d’entre eux se disaient favorables à une résolution pacifique du conflit israélo-palestinien. Or les ripostes israéliennes sur Gaza ne vont que ressouder la population autour de ce parti islamiste…La dernière élection à Gaza date de 2006 et a été remportée par le Hamas, avant son coup d’Etat. Celui-ci a immédiatement été suivi par la liquidation des opposants, avec des responsables du Fatah, le parti concurrent, qui ont été jetés des toits.Depuis, l’Autorité palestinienne n’a pas organisé de nouvelles élections, car il y avait la crainte que le Hamas n’y prenne également le pouvoir. L’Autorité palestinienne est sur le plan de la sécurité alliée à Israël, afin d’éviter que le Hamas ne la renverse, tout en étant discréditée pour cela aux yeux de sa population. Après Oslo, un pôle pacifique du Fatah s’était engagé dans la voie de la construction d’un Etat palestinien, mais il a été contrebalancé par un pôle négatif mené par le Hamas, qui met toute son énergie au service de la destruction d’Israël. Les responsabilités sont partagées, car les gouvernements israéliens récents étaient eux aussi hostiles à la construction d’un Etat palestinien, mais c’est sans doute la violence du Hamas, ses attentats suicides, qui a le plus efficacement saboté le processus d’Oslo. Malgré l’opposition de la droite israélienne, s’était dégagée une majorité nette en Israël pour tenter la voie d’Oslo.Mais le 7 octobre a augmenté, dans des proportions invraisemblables, l’anxiété des Israéliens au sujet d’un Etat palestinien à côté de l’Etat d’Israël, du fait du risque islamiste. Cette anxiété touche à présent toute la société israélienne, y compris les personnes de gauche jusque-là favorables aux deux Etats, c’est-à-dire les libéraux qui s’étaient mobilisés sans relâche contre le gouvernement Netanyahou. C’est là tout le problème. La paix suppose qu’existe un Etat palestinien, mais c’est un risque et un pari qui suppose la confiance.Aujourd’hui, l’élimination du Hamas, à gauche comme à droite, est perçue comme la condition indispensable pour en arriver à une nouvelle donne dans l’après-guerre. En Israël, éliminer cet acteur politico-militaire est devenu un objectif consensuel. L’offensive contre le Hamas, avec le risque de pertes civiles, est souvent présentée dans la presse française et européenne comme une vengeance d’Israël. Je ne dis pas que des individus dans ce pays n’éprouvent pas un désir de vengeance, d’ailleurs naturel. Mais cela ne s’est pas traduit politiquement. En Israël prédominent deux objectifs : punir les criminels, ce qui est une affaire de justice, et surtout la nécessité de s’assurer que le 7 octobre ne puisse pas se reproduire. Cela revient à rétablir la dissuasion dans un contexte où des acteurs régionaux rêvent de faire comme le Hamas. Si Israël, après ce qui vient de se produire, ne détruit pas le Hamas, il laissera penser que c’est réitérable. S’il ne rétablit pas sa crédibilité militaire face à une menace globale (Hezbollah, Iran, Irak…), le prochain round risque d’être pire. D’où le sentiment en Israël qu’éliminer le Hamas est un objectif existentiel.Israël est face à un terrible dilemme : renoncer à la guerre ou mener une guerre qui ne peut être que saleMais Israël n’est-il pas en train de perdre lourdement la bataille de l’image, avec des morts civils qui s’accumulent à Gaza ?Dès le 8 octobre, on a écrit dans la revue K., les juifs, l’Europe, le XXIᵉ siècle, qu’il y aurait une étroite fenêtre avant que les opinions publiques ne se retournent contre Israël. Tous ceux qui ont observé les cycles précédents l’ont anticipé. Et, du côté israélien, il y a eu la reconnaissance générale d’une erreur quant à la gestion de Gaza. C’est pourquoi la réaction d’Israël se laissera moins tempérer qu’auparavant, malgré le coup porté à son image. Jusque-là, le statu quo arrangeait la politique israélienne, en faisant entrer des pétrodollars venus du Qatar pour que les Gazaouis vivent de façon à peu près décente. Ils se disaient que le Hamas allait s’adoucir dans cette routine et avec ses responsabilités gouvernementales. Or le Hamas a concentré toutes les ressources mises à sa disposition non pas pour construire un proto-Etat et œuvrer à la prospérité de la population mais pour frapper Israël, tout en maintenant à l’intérieur une dictature islamiste interdisant toute expression divergente et imposant la charia.Aujourd’hui, Israël se retrouve entraîné dans un piège. Il doit mener une offensive militaire contre le Hamas en causant des dommages énormes dans la population civile à Gaza. Avec une asymétrie qu’on ne relève pas assez ici en France. La stratégie du Hamas vise à exposer ses “martyrs” au monde entier. Il conçoit sa population non pas comme étant des citoyens d’une entité gazaouie, mais comme une masse sacrifiable. Tout est fait pour exposer la population au danger, en refusant les conseils d’évacuation de l’armée israélienne, en plaçant des installations militaires à proximité des hôpitaux, des écoles et des infrastructures civiles. En refusant aussi d’obtenir une trêve en échange des otages. Israël est face à un terrible dilemme : renoncer à la guerre ou mener une guerre qui ne peut être que sale. Israël a intérêt à être le plus prudent possible, sachant que la partie adverse n’a aucun égard pour la vie des Gazaouis. Le Hamas espère ainsi renverser le rapport de force, en bénéficiant de la solidarité du monde arabe ou musulman et pour finir de celle des sociétés occidentales, car nous ne supportons pas – à juste titre – les scènes d’enfants morts qu’on sort des ruines causées par les bombardements. Mais soyons clairs : d’un côté, on glorifie le fait d’avoir touché des populations civiles israéliennes. De l’autre, on essaie de minimiser, assez ou pas, c’est une question qui se pose, les pertes civiles, hélas trop nombreuses, mais que l’on déplore. Dans cette bataille médiatique, comme on l’a constaté avec l’épisode de l’hôpital de Gaza, les médias occidentaux accordent autant de crédibilité aux déclarations de l’armée israélienne qu’à celles du Hamas. Or, s’il y a bien sûr une propagande israélienne, celle-ci n’a rien à voir avec celle du Hamas, qui a fait du mensonge une tactique assumée. Le problème, pour l’armée israélienne, c’est qu’elle doit mener son opération lentement, par souci de prudence, tout en sachant que le temps médiatique joue contre elle.C’est la gauche israélienne, massivement opposée à Benyamin Netanyahou, qui a été le plus lourdement frappée par le Hamas dans les kibboutz du sud du pays. Par ailleurs, les progressistes israéliens réalisent qu’une partie de la gauche occidentale les a complètement abandonnés…Il faut d’abord rappeler que les communautés frappées le 7 octobre par le Hamas se situaient à l’intérieur des frontières légales d’Israël, sur des territoires alloués par le plan de partage de 1947. Cette terre désertique, celle du Néguev, est parsemée de kibboutz autour de la bande de Gaza. Le Hamas s’en est ainsi pris à la partie de la population la plus opposée au gouvernement actuel et à la colonisation en Cisjordanie. Les jeunes touchés dans le Bataclan du désert faisaient partie de la jeunesse qui était vent debout contre la réforme judiciaire de Netanyahou. Cela montre bien que la volonté de destruction du Hamas est globale. Il ne fait aucune distinction, comme l’avaient depuis longtemps montré les missiles ciblant les civils de manière indiscriminée. Le 7 octobre n’a fait que révéler la nature profonde du Hamas et du projet politique qu’il incarne.Pour le Hamas, tout Israël est un Etat colonial depuis 1948, puisqu’il n’établit aucune distinction entre les frontières légitimes et les territoires occupés après 1967. Mais le fait qu’une certaine gauche occidentale ait endossé la rhétorique du Hamas a représenté une rupture pour la gauche israélienne. Elle s’est sentie abandonnée, lâchée par ceux-là mêmes qu’elle pensait être ses amis. Tout d’un coup, ses meilleurs alliés se sont révélés être des ennemis. [La sociologue israélienne] Eva Illouz l’a bien raconté dans un entretien accordé au Monde. Pour ma part, j’ai des témoignages innombrables de personnes à gauche en Israël qui disent en substance : “Mais enfin, je voulais comme vous une solution à deux Etats. Pourquoi êtes-vous incapables de voir ce qu’il s’est passé le 7 octobre ?”En Israël, la gauche de gouvernement, dans l’opposition, mais dont une partie a rejoint le cabinet de sécurité, avait sévèrement critiqué la politique de cette coalition qui allie pour l’essentiel droite et extrême droite. Et les manifestants antigouvernementaux n’ont jamais poussé la critique jusqu’à adopter des positions qui pouvaient confiner à des arguments antisionistes, comme la dénonciation d’un supposé “apartheid” en Israël, délégitimant ainsi la nature même du projet sioniste. Tout au contraire, ils sont parvenus à se réapproprier le drapeau national en se posant en héritiers du projet sioniste éclairé, authentique. En revanche, au sein des universités israéliennes, une espèce de jet-set gauchiste, très liée aux universités américaines, a jeté de l’huile sur le feu, en critiquant non pas la droite israélienne, mais les fondements de l’Etat d’Israël. Cette gauche-là se réveille aujourd’hui avec l’ennemi dans son lit. Beaucoup s’en mordent les doigts. Même au sein de la gauche radicale américaine, on constate que des personnalités, souvent juives, ont changé de discours. [La philosophe américaine] Judith Butler a condamné le Hamas, qu’elle défendait auparavant. Bernie Sanders, le ténor de la gauche démocrate parlementaire aux Etats-Unis, s’est opposé à un cessez-le-feu, en déclarant qu’Israël avait le droit de se défendre sans se lier les mains.La gauche française va se fracasser sur la question des juifsDans La France sans les juifs, vous aviez averti en 2019 sur le fait que notre pays se vidait peu à peu de sa population juive, tentée par l’alya. Le climat actuel, très tendu, va-t-il accélérer ce processus ?Oui. Le 7 octobre, les chancelleries occidentales ont quand même pris la mesure de l’événement, y compris en France, malgré sa tradition gaulliste de diplomatie dite “équilibrée”. Mais cela ne peut pas tenir sur le long terme. Le gouvernement va devoir s’aligner sur une position plus neutre. Pour les autorités, il va être très difficile de séparer un jugement sur le conflit entre Israël et le Hamas de celui sur le climat intérieur en France. Dans La France sans les juifs, j’expliquais qu’il y a un terreau qu’on a trop tendance à résumer à ses composantes islamistes, mais qui comprend une sensibilité politique bien plus large défavorable à l’Etat d’Israël, à son existence même. Des populations se sont socialisées dans un environnement hostile à Israël comme aux juifs, considérés comme étant trop protégés et avantagés. C’est le fameux “deux poids, deux mesures”. Israël serait privilégié, de la même manière que les juifs le sont. C’est là que se fait une des jonctions entre antisionisme et antisémitisme.Aujourd’hui, il y a une grande peur chez les juifs de France, qui rasent les murs. Des consignes ont été données pour cacher les signes religieux, kippas ou simples étoiles de David autour du cou. Les enfants juifs qui se rendent à l’école sont harcelés et insultés. C’est un climat très inquiétant. Et les autorités, avec la meilleure volonté, ne peuvent rien faire contre ça, car cela procède d’une déficience dans la régulation sociale qui s’est instaurée depuis longtemps en France. Ce sont des choses qui relèvent non pas de la police, mais de l’éducation et de la citoyenneté. Or, à regarder les prises de position à gauche de l’échiquier politique, surtout celle qui est la plus militante, celle la plus en prise aussi avec les populations perméables à un antisionisme alimenté par un antisémitisme latent, on peut douter que le climat s’apaise. Et plus le climat se détériorera au Moyen-Orient, plus il se détériorera aussi en France.Jean-Luc Mélenchon jette-t-il de l’huile sur le feu ? Il a encore critiqué la marche contre l’antisémitisme prévue dimanche 12 novembre, la qualifiant de “rendez-vous [des] amis du soutien inconditionnel au massacre”…A l’évidence, Mélenchon joue la carte de l’expression politique d’un antisionisme qui se mêle à l’antisémitisme. Il espère capitaliser sur un électorat composé de bobos des centres-villes, à qui il offre un sentiment de supériorité morale, et de populations issues de l’immigration. Alors qu’il ne fait pas de doute que la gauche va se fracasser sur la question des juifs. Et qu’elle n’a aucune chance de se reconstruire tant que son porte-parole le plus sonore pensera pouvoir surfer sur cette vague antisémite, voire l’alimenter.On retiendra donc que l’alliance à gauche a éclaté sur la question des juifs, alors même que la guerre en Ukraine n’avait pas suscité de tels clivages ?Cet été, au moment de l’”affaire Médine”, on a écrit dans la revue K. que la gauche soit s’unirait contre les juifs, soit se fracasserait sur cette question. C’est cette deuxième option qui est en train de se passer… Après la Shoah, l’Europe de l’après-guerre a dû faire un retour sur elle-même. La Shoah a été un moment cathartique, rendu possible uniquement parce que la construction d’une Europe chrétienne, son identité même, depuis le Moyen Age, s’était articulée sur un sentiment d’hostilité à l’égard des juifs, comme l’a bien montré l’historien David Nirenberg. Or, comme l’Europe s’est mondialisée avec la colonisation, toute hostilité à l’égard de l’Occident charrie avec elle le “problème juif” que l’Europe a sécrété. La guerre en Ukraine a provoqué des clivages. Mais c’est sans équivalent dès lors qu’il s’agit des juifs. Quand il en va des juifs, qui plus est de juifs dotés d’un Etat souverain, le problème devient immédiatement mondial. Si les Palestiniens avaient été opprimés ailleurs, par d’autres, les indignations auraient été bien moindres. Qui s’inquiète réellement du sort des Ouïgours en Chine, des Rohingya en Birmanie ou des populations du Darfour ? Nos rues restent silencieuses. Ce n’est qu’avec les juifs qu’on atteint un niveau maximal de dissémination des passions politiques.
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Author : Thomas Mahler
Publish date : 2023-11-09 16:40:00
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