En 2021, Elephant Films ressortait deux de ses plus éblouissants longs métrages : Honor Among Lovers et Merrily We Go To Hell. C’est qu’il devenait urgent de redécouvrir Dorothy Arzner, où plutôt de la re-redécouvrir : cinéaste-phare des années 1930 à Hollywood, retraitée à 45 ans et tombée dans l’oubli, elle fut redécouverte dans les années 1970, en pleine effervescence féministe et nostalgie des vieux studios – pour être à nouveau éclipsée au cours des décennies suivantes, perdue pour l’histoire du cinéma. Un comble quand on sait qu’Arzner fut l’une des deux seules femmes réalisatrices de l’âge d’or hollywoodien (avec Ida Lupino), nous rappelle l’éclairant documentaire qui lui est consacré, Dorothy Arzner – Une pionnière à Hollywood.
Liberté rebelle
Présenté au Festival Lumière et diffusé sur la plateforme OCS, le film des sœurs Clara et Julia Kuperberg – défricheuses de trésors cachés et réalisatrices de nombreux documentaires sur Hollywood – répare cette double injustice en retraçant le parcours de cette femme exceptionnelle, anticonformiste et lesbienne. Entrée à la Paramount à 20 ans comme dactylo, avant d’occuper plusieurs postes (montage, scénario), jusqu’à la mise en scène, elle réalisa la plupart de ses films dans cette parenthèse enchantée entre l’arrivée du parlant et la censure de la fin des années 1930.
Nés dans la période “pré-code”, ses principales œuvres font preuve d’une extraordinaire liberté centrée sur le regard féminin, qu’il s’agisse des héroïnes (nombreuses) ou du regard porté sur elles. Danseuses, aviatrices, employées de bureaux peuplent ses films, sous forme de communautés féminines qu’Arzner ausculte comme une entité organique aux liens complexes (Working Girl ou Dance, Girl, Dance, son film le plus connu.)
Constitué d’archives sonores (la voix tendrement féroce de la cinéaste dans deux entretiens donnés en 1970 et 1975), ainsi que de nombreux extraits de films et photos, le documentaire rappelle aussi combien Arzner était une impitoyable observatrice du couple, sapant ce trompe l’œil du mariage, pour en révéler les gouffres (son grand chef-d’œuvre Merrily We Go to Hell) et les injustices ruinant, à travers le système patriarchal, le corps féminin (le sublime Christopher Strong, avec Katharine Hepburn). Son cinéma était “insane” commente l’un des intervenants – c’est à dire fou et hallucinant pour son époque. Cette folie nous parvient aujourd’hui magique et intacte.
Dorothy Arzner – Une pionnière à Hollywood de Clara et Julia Kuperberg. Sur OCS.
Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/dorothy-arzner-icone-feministe-rehabilitee-600632-14-11-2023/
Author : Emily Barnett
Publish date : 2023-11-14 11:59:25
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