Sur cette vidéo, on voit une femme décrocher des affiches de soutien aux otages du Hamas. Les images mettent en scène Sophie Pommier, ex-collaboratrice du Quai d’Orsay, interpellée par une personne anglophone derrière le téléphone. “Quelle honte ! Tu devrais avoir honte ! Ce sont des enfants qui ont été kidnappés [par le Hamas] !”, s’exclame cette dernière. Sophie Pommier répond : “Ce sont des assassins !”, “Vous savez combien de personnes ont été tuées à Gaza ?” ou encore “Israël assassin !” et “Vive la Palestine !”. Dans un communiqué diffusé le 7 novembre, le ministère des Affaires étrangères a condamné une “attitude, un comportement et des propos totalement indignes qui disqualifient entièrement cette personne”, avant d’indiquer qu’une “enquête administrative sera diligentée à partir de ce jour à la demande de la ministre Catherine Colonna sur les conditions de son recrutement”.”Nous avons désormais connaissance d’autres publications comparant notamment les attaques terroristes du Hamas à la résistance française contre l’occupation nazie. Ils entrent probablement dans la définition de l’antisémitisme adoptée par l’Alliance internationale pour la mémoire de la Shoah, endossée par la France en février 2019″, ajoute le Quai d’Orsay. Effectivement, Sophie Pommier, décorée de la Légion d’honneur en novembre 2017 après une expérience à l’ambassade de France en Irak, écrit. Elle est membre du conseil de rédaction et du comité éditorial d’Orient XXI, l’un des centres de gravité de la sphère propalestinienne en France. Cette revue en ligne participe également à un réseau de médias dans le monde arabe, un projet financé à hauteur de plusieurs centaines de milliers d’euros par l’Agence française de développement (AFD). Certains de ces sites n’hésitent pas à soutenir explicitement le Hamas.”Elle a été choquée”Lancé en octobre 2013, Orient XXI a pour ambition de couvrir “une vaste région allant du Maroc à l’Afghanistan”, indique son site. Ce dernier produit des analyses et se vante de “donner la parole non pas à des pseudo-experts en “terrorisme” ou en “islamologie”, mais à des spécialistes, des journalistes, des universitaires, des chercheurs, des diplomates qui connaissent vraiment la région”. Autour d’Alain Gresh, ancien rédacteur en chef du Monde diplomatique, on compte ainsi parmi les fondateurs Christian Jouret, ancien conseiller politique au Quai d’Orsay, ou encore Henri Mamarbachi, ancien de l’AFP et Jean-Pierre Sereni, ex-directeur du Nouvel Economiste.Orient XXI n’a pour l’instant pas réagi aux propos de sa collaboratrice. En interne, on préfère souligner “le déferlement de haine” auquel fait face Sophie Pommier depuis le 8 novembre. “Menacée de mort et de viol”, l’ex-collaboratrice du Quai d’Orsay a déposé plainte. “Laisser entendre qu’elle est antisémite, comme le fait la déclaration du ministère, est un scandale absolu”, souffle une source à la direction du média. Sophie Pommier doit d’ailleurs prochainement prendre la plume pour s’exprimer dans un texte “que reprendra Orient XXI”, indique cette source.L’offensive du Hamas, un “succès tactique”Sophie Pommier rejoint la ligne éditoriale d’Orient XXI. Le média ne qualifie pas le Hamas d’organisation terroriste et préfère y voir “le droit de résister à l’oppression” du peuple palestinien – selon les mots de son fondateur, Alain Gresh. “A chaque fois que les Palestiniens se révoltent, l’Occident – si prompt à glorifier la résistance des Ukrainiens – invoque le terrorisme, a-t-il écrit dans un article publié le 9 octobre, deux jours après l’attaque. […] La résilience tenace, farouche, entêtée des Palestiniens étonne toujours les occupants et semble choquer bon nombre d’Occidentaux.”Sur ce site, on parle moins des massacres du 7 octobre que du “succès tactique” de “l’offensive du Hamas”. Le 6 novembre, dans son article France. La liberté d’expression bafouée et réprimée, le chercheur Laurent Bonnefoy, membre du comité éditorial d’Orient XXI, pointe ainsi “l’effet de la sidération due au niveau de violence en Israël, (fréquemment désignée comme une “violence première”, c’est-à-dire déconnectée de l’histoire de l’occupation israélienne et de la résistance à celle-ci)”.L’équipe du média affiche sa volonté de se ranger du côté palestinien. Sur les réseaux sociaux, quelques heures après l’attaque du 7 octobre, Sarra Grira, rédactrice en chef d’Orient XXI, ancienne journaliste à France 24, publie un message cryptique en arabe : “Quand Gaza répond à Riyad…”, associé au drapeau palestinien. L’Arabie saoudite était alors en passe de normaliser ses relations avec Israël.Le Hamas, une “organisation politique” dont le programme “varie selon les circonstances”A l’inverse de “la France officielle” qui “soutient sans vergogne l’extrême droite raciste au pouvoir en Israël”, selon les mots de l’éditorialiste Denis Sieffert, dans un billet publié le 28 octobre, la grille de lecture majoritaire à Orient XXI veut que le Hamas soit une organisation de résistance face à la violence de l’occupant. “La question essentielle en Palestine, c’est l’occupation illégale, dénoncée par les Nations unies. On a le droit d’y résister, y compris par les armes, abonde Alain Gresh auprès de L’Express. C’est ce qu’ont fait tous les mouvements de libération avec une utilisation plus ou moins grande de la violence, y compris en Afrique du Sud ou en Algérie, où le FLN a commis des attentats contre les cafés.”L’interprétation interpelle, alors que la France considère le Hamas comme une organisation terroriste. “Contrairement à Al-Qaeda, le Hamas est un mouvement islamiste radical, avec une implantation populaire et nationale, issu des Frères musulmans, dont le développement a, du reste, été abondamment encouragé par les Israéliens pour faire contrepoids à l’OLP dès les années 1980. Mais depuis le 7 octobre, on peut considérer qu’il s’est “daechisé”, pointe auprès de L’Express l’islamologue Gilles Kepel, récent auteur de Prophète en son pays (L’Observatoire). Il est aujourd’hui indéniable qu’ils ont commis une action terroriste inouïe qui combine l’horreur du 11 Septembre avec les imageries de carnage qu’a produite Daech. Le 7 octobre est un acte qui s’inscrit entre la razzia et le pogrom.”Alain Gresh n’accepte pour sa part de qualifier l’organisation de terroriste que “si on appelle Israël de même”. Indiquant “ne pas particulièrement aimer le Hamas”, le fondateur estime qu’il s’agit de “l’une des organisations que les Palestiniens ont choisies. Il faudra donc négocier avec eux”. “Ce sont des organisations politiques dont le programme varie selon les circonstances, ajoute-t-il. Je n’ai pas entendu un responsable européen dire qu’on ne pouvait pas négocier avec le gouvernement israélien parce qu’il s’y trouve des fascistes et des suprémacistes juifs.”Proches de l’islamologue François BurgatOrient XXI a accueilli en son sein plusieurs personnalités clairement pro-Hamas, comme l’ex-directeur de recherche au CNRS François Burgat. L’islamologue était listé parmi les membres du comité de rédaction sur le site d’Orient XXI jusqu’en mai 2023. Auprès de L’Express encore, le spécialiste a affirmé le 19 octobre : “Pour la première fois, pendant quelques heures, Israël a eu des victimes en nombre supérieur aux victimes palestiniennes. C’est fini ! Maintenant, on engrange, des centaines et des centaines de victimes sous les bombes à Gaza […] Je suis désolé, mais [l’attaque du Hamas] était un mécanisme de résistance à une oppression physique militaire.” Non sans dresser, par la suite, un parallèle avec les résistants français “qualifiés de terroristes par les nazis” sous l’Occupation.Depuis 2016, Orient XXI structure par ailleurs un réseau de sept médias “implantés au Proche-Orient et en Afrique du nord”. “Toutes ces publications partenaires sont issues des printemps arabes. Elles ont été créées par des démocrates. Nous avons tenté de renforcer ces structures dans des pays où il devient de plus en plus difficile de les maintenir”, indique Alain Gresh. Parmi elles, on compte par exemple 7iber, fondé en 2007, qui couvre la Jordanie, le média égyptien Mada Masr, ou encore Nawaat, blog tunisien créé en 2004. Chez certains d’entre eux, les positions assumées après le 7 octobre sont virulentes. “Les combats se sont poursuivis dans au moins six localités, dont Sderot (une ville au sud d’Israël), où les résistants se sont barricadés dans le commissariat pendant plus de vingt heures, et l’un d’entre eux a pu s’en retirer malgré le bombardement du commissariat par l’occupation”, est-il par exemple écrit dans un article non signé de 7iber. Le site est coutumier du fait. Dès 2008, un billet publié présentait le Hamas comme un “mouvement de résistance”, désignant uniquement les Israéliens sous le terme de “Sionistes”, une “brutale entité immorale”.Un projet soutenu par l’AFDDans les jours qui ont suivi l’attaque par le Hamas, le site tunisien Nawaat a fait valoir des arguments similaires, évoquant également le “droit des Palestiniens à résister”. “Le décalage entre l’armée occupante et le peuple assiégé est un des gros titres que la résistance palestinienne a réimposé depuis le début de l’opération Al-Aqsa Flood”, peut-on ainsi lire en description d’une vidéo postée sur le site le 10 octobre. Les positions de Nawaat sur le conflit israélo-palestinien ne sont toutefois pas les seules qui accrochent le regard : un billet daté de juillet 2017 est titré : “Il faut exclure la France de la Francophonie”. Son auteur, Sadri Khiari, est un membre fondateur du Conseil national des libertés en Tunisie. En France, il est aussi cofondateur du Parti des indigènes de la République. Un mouvement politique, qui, le 9 octobre, a également pris position sur l’attaque du Hamas, tweetant : “Que la résistance palestinienne qui mène son action avec détermination et confiance dans des conditions héroïques reçoive en ces heures terribles toute notre fraternité militante. La Palestine vaincra, et sa victoire sera la nôtre”.Surprise, ce projet d’encadrement médiatique est soutenu en partie par des fonds publics. De 2018 à 2022, l’Agence française de développement, établissement public, a soutenu l’initiative d’Orient XXI à hauteur de 605 830 euros. Ce 12 décembre 2022, un rapport d’activité soulignait que plus de 180 000 euros supplémentaires étaient à nouveau attribués à Orient XXI pour ce projet.”Dans le cadre de ses activités de soutien à la société civile, l’AFD n’endosse ni les positions publiques, ni les actions militantes que pourraient entreprendre ses bénéficiaires et veille à garder la neutralité qui s’impose à elle en tant qu’établissement public, assume l’AFD auprès de L’Express. Dans le respect de la liberté d’expression, elle se montre vigilante à ce que ses financements ne contribuent aucunement aux débats ou actions de plaidoyer qui mentionneraient, appelleraient ou encourageraient, de façon directe ou indirecte, des positionnements contraires à la loi française ainsi qu’au droit européen”.
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Author : Alexandra Saviana
Publish date : 2023-11-14 16:00:00
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