Après la réforme des retraites, Emmanuel Macron s’attaque à un autre totem de la droite de gouvernement : la réforme de l’immigration. Enfin ! Car voilà désormais sept mois que le projet de loi immigration a été présenté en Conseil des ministres et près d’un an que ses contours ont été brossés par l’exécutif. Décalé pour mener de front la réforme des retraites puis une nouvelle fois ajourné pour laisser au gouvernement cent jours d’apaisement, le parcours législatif de cette réforme reflète les difficultés des responsables politiques à mettre sur la table les problématiques d’immigration. Pourtant il y a urgence à l’heure où, rappelons-le, le rapport annuel du contrôleur général des lieux de privation des libertés rappelait qu’en 2022, sur les 65 076 OQTF prononcées, seules 6,9 % d’entre elles ont pu être exécutées et où les demandes d’asile ont presque été multipliées par sept en vingt-cinq ans. Un dernier sondage souligne que 77 % des Français estiment que la société intègre mal les étrangers et que 81 % d’entre eux voient la lutte contre l’immigration clandestine comme défaillante. Autant de chiffres qui sanctionnent quarante ans de réformes de l’immigration mais surtout de non-dits.Pourquoi avons-nous toujours autant de mal à voter des mesures efficaces pour répondre aux problématiques de l’immigration ? D’abord parce que lors de ces débats, c’est toujours la caricature qui l’emporte sur la modération. En effet, à gauche comme à droite, c’est bien les voix des extrêmes et des démagogues de tout bord qui parviennent à se faire entendre orientant les débats sur deux rives irréconciliables : l’angélisme ou la haine. Les états d’âme des partis de gouvernement sont un autre élément d’explication. Pour ne pas être assimilés à l’un de ces extrêmes, ils ont longtemps préféré opter pour le statu quo et des réformes a minima. Résultat, les questions sensibles ne sont jamais vraiment traitées. L’hyperattractivité sociale de la France pour les immigrés est typique de ces non-dits.Pourtant, le travail de la majorité sénatoriale de la droite et du centre lors de la première semaine d’examen du texte a permis de briser quelques tabous. Tout d’abord, en actant qu’un texte sur la politique d’immigration devait être une réforme purement régalienne. Le remplacement d’un article 3, pure concession du gouvernement à son aile gauche, a le mérite de clarifier l’objectif : lutter contre l’immigration et non pas, via les métiers en tension créer “en même temps” une nouvelle filière d’immigration.Par ailleurs, la réforme a été enrichie par des mesures concrètes : suppression hors urgence de l’aide médicale d’Etat, resserrement du regroupement familial, quotas migratoires pluriannuels, rétablissement du délit de séjour irrégulier. Des dispositions qui ne sont pas prises de gaieté de cœur mais par la nécessité de faire de notre politique d’immigration, une immigration choisie et du parcours d’intégration, un parcours plus efficace. Le gouvernement l’a d’ailleurs bien compris en multipliant les “avis de sagesse” auprès des parlementaires. Des corrections nécessaires mais qui restent non suffisantes tant le problème est grand et a été occulté de trop longues années. Une réforme, une de plus, condamnée à en appeler une autre, de plus grande ampleur cette fois-ci…Les totems de la droiteIl y a fort à craindre que, dès décembre, le projet de loi retournera dans les mêmes travers que les précédentes. Car à l’Assemblée nationale, 239 députés de la Nupes et du Rassemblement national se donneront en spectacle pendant de longues semaines. Côté majorité, certains députés Renaissance ont d’ores et déjà promis de rétablir le projet originel. Charge à Emmanuel Macron de rassembler ses soutiens pour qu’à l’Assemblée nationale les dispositions prises par le Sénat soient conservées et que, à défaut de solutions pérennes pour résoudre les défaillances de notre politique migratoire, ces avancées subsistent. La droite aura, quoi qu”il arrive, eu le mérite pour la première fois depuis longtemps de poser les bonnes questions et le courage de ne pas se laisser enfermer dans les non-dits.Si le chef de l’Etat, avec la réforme des retraites puis celle de l’immigration, a su s’emparer des totems de la droite de gouvernement, force est de constater que pour l’heure, les tabous ne peuvent se briser sans elle. A lui d’en tirer les conséquences.Jean-Français Copé est ancien ministre et maire LR de Meaux
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Author : Jean-François Copé
Publish date : 2023-11-14 10:30:00
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