Tandis que Jean-Luc Mélenchon fustigeait la “manif de ‘l’arc républicain’ du RN à la Macronie de Braun-Pivet”, qui “sous prétexte d’antisémitisme, ramène Israël-Palestine sans demander le cessez-le-feu”, que le RN, ravi, annonçait sa présence à la marche, Emmanuel Macron, lui, cohabitait avec le doute. Que faire ? Battre le pavé et ainsi suggérer que la place d’un chef d’Etat est dans la rue ? Folie, lui a-t-on dit ; “Tu es descendu dans la rue après Paty ? Après des agressions contre les musulmans ? Si tu y vas, tu crées une jurisprudence folle…”, s’est ému un ami. “Il faut agir, pas manifester”, a soufflé un autre, et tant pis si, pour cette fois, François Mitterrand ne peut servir de modèle. 2023 n’est pas 1990. Mais… ne pas marcher est-ce déjà céder ? Casse-tête infini.Dans les moments de crise, le chef de l’Etat exige d’être nourri. SMS interrogatifs distribués avec générosité aux anciens collaborateurs, nouveaux, visiteurs, amis politiques, intellectuels… Vite, des idées, des impressions, des conseils, qui selon l’intéressé lui serviront à “faire son miel”, selon les sondés tomberont dans l’oreille d’un sourd. Le président n’entend peut-être pas mais il écoute. Et ses conseillers sont priés d’en faire autant. Quelques jours avant la marche civique contre la haine et l’antisémitisme, c’est aux éventuels grondements venus des banlieues qu’à l’Elysée, on souhaite tendre l’oreille. Ainsi, deux conseillers d’Emmanuel Macron, le préfet Frédéric Rose, conseiller intérieur et sécurité, et Bruno Roger-Petit, le conseiller mémoire, ont-ils reçu l’ancien membre du Conseil présidentiel des villes, l’humoriste et animateur radio Yassine Belattar, condamné en septembre dernier à quatre mois de prison avec sursis pour menaces de mort et de crime visant plusieurs personnalités du monde du spectacle en 2018 et 2019. “Il est un thermomètre, une personne-ressource, explicite l’un des participants à cet échange. Il fait partie de ces sociologues opportunistes qui peuvent alerter sur l’état d’esprit de certaines parties de la société.”Très attentif à la façon dont le conflit déclenché par le Pogrom du 7 octobre dernier perpétré par les terroristes du Hamas et la riposte dévastatrice de l’armée israélienne peuvent s’exporter dans les banlieues françaises et renforcer les communautarismes, hanté par la conscience d’être à l’Elysée enfermé et éloigné, Emmanuel Macron veille à diversifier ses sources et à prêter attention à ceux qui se revendiquent fins connaisseurs des quartiers. Belattar compte, à ses yeux, parmi ceux-là. Animateur avec son comparse Thomas Barbazan d’un podcast intitulé “Les 30’ Glorieuses”, il se montre, depuis un premier texte publié le 10 octobre sur ses réseaux sociaux, extrêmement préoccupé. “Offensé” même, écrit-il, par “la place de la France dans ce conflit”. “Nous sommes la risée mondiale du traitement médiatique des musulmans et cela aura un jour comme conséquence de voir l’extrême droite arriver au pouvoir.””Les juifs, levez la main”Le 8 novembre, parodiant la chanson Hardcore du groupe de rap Ideal J, Yassine Belattar scande “Hardcore”, tandis que Barbazan chante les couplets remaniés : “En France, les médias rajoutent de l’abjection, les musulmans doivent se plier à l’injonction, les journalistes français condamnent le racisme mais seulement s’il s’agit de l’antisémitisme, on différencie les victimes sur les plateaux.” L’humour comme vecteur de cohésion sociale.Mais, si sa voix compte aujourd’hui et s’il est reçu à l’Elysée, c’est, à en croire un conseiller du président, parce qu’il est “irréprochable”. Le même, républicain et universaliste convaincu, insiste : “J’ai regardé son spectacle, je l’ai trouvé drôle et impeccable sur le fond.” Jouant sur les blessures et les clichés identitaires, Belattar déambule en effet sur une ligne de crête, et n’oublie de citer et de moquer aucune communauté. L’ambiance est bon enfant et la salle rit quand dans les premières minutes, repensées pour coller à l’actualité, il “fait l’appel”, demandant successivement si les blancs, les noirs, les juifs et les Arabes sont dans la salle. “Les juifs, levez la main, n’ayez pas peur, on n’est plus en 39-45 ! lance-t-il. Ce sont nos juifs… Ils ne sont pas comme le reste du monde.” Elliptique.Aux conseillers du président, il a formulé une mise en garde. Attention, leur a-t-il dit en substance, à ne pas commettre l’erreur irréparable qui donnera aux quartiers des raisons de s’enflammer. Puis, il a repris la plume sur Instagram peu avant la marche de dimanche. “Je comprends et je soutiens la communauté juive dans son émotion la plus totale face aux événements du 7 octobre comme je soutiens ce peuple palestinien depuis les bombardements du 8, du 9, du 10, du 11, du 12…”
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Author : Laureline Dupont
Publish date : 2023-11-14 18:23:04
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