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“Pour une vape libre !”: les méthodes fumeuses du lobby du vapotage

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L’industrie de la vape attend l’événement de pied ferme. La COP10, organisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) début 2024 au Panama, pourrait accoucher de nouvelles mesures restrictives contre les produits du tabac et de la nicotine. Depuis la date de l’évènement a été annoncée, en avril dernier, l’inquiétude est palpable. En témoigne la myriade de sites Internet qui alertent sur “la menace de l’OMS” contre la vape. Les géants du tabac sont, eux aussi, sur le pied de guerre. “Les deux industries sont distinctes, elles n’utilisent d’ailleurs pas le même réseau de distribution – celle du tabac privilégie les buralistes plutôt que les vapostores – mais elles ont des intérêts communs, elles partagent le même business, celui de la nicotine”, assure le Pr. Loïc Josseran, président d’Alliance contre le tabac (ACT) – la principale organisation antitabac en France -, médecin chercheur en santé publique à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.”Les ventes de la vape viennent à 41 % des vapostores, à 36 % des buralistes et à 23 % des commerces en ligne”, détaille Romain Laroche, président de la Seita-Imperial Tobacco, n° 2 du tabac en France. Il confirme que son entreprise, comme presque tous les autres géants du tabac, mise sur ce produit, présenté comme “à 95 % moins nocif que la cigarette”. “Oui, la vape est bien moins néfaste que la cigarette, mais cela ne veut pas dire qu’elle est sans risque, quant à ce chiffre de 95 % brandit comme étendard par les pros vape, il n’a aucun fondement scientifique à ce jour”, rétorque Loïc JosseranL’OMS, elle, a banni les deux industries de la COP10, justifiant sa décision par son obligation de : “protéger les politiques de santé publique contre l’ingérence de l’industrie du tabac et de ceux qui représentent leurs intérêts”. De quoi provoquer la colère de Philip Morris, qui a promis de tout de même envoyer ses représentants sur place afin de “dénoncer publiquement l’absurdité d’être exclu”, estimant être “sans doute le partenaire privé le plus utile que l’OMS puisse avoir dans la lutte contre le tabagisme” dans un communiqué. “Vape et tabac, ils seront tous à Panama, et leur lobbying sera intense”, prévient de son côté le Comité national contre le tabagisme (CNCT), un des membres de l’ACT spécialisé sur l’industrie.Un impressionnant kit promotionnel pro vape édité par l’industrie du tabacLes lobbies préparent, en tout cas, le terrain depuis des mois. En témoignent les mails, courriers et propositions d’interview de représentants de l’industrie de la vape que L’Express reçoit quasi quotidiennement. “Moi aussi, je suis ciblé”, constate le Pr Josseran. Le dernier kit promotionnel reçu à la rédaction est un modèle du genre : autocollants, pancartes, distributeur en carton de fascicules appelant à se mobiliser “contre les restrictions”, le tout illustré par une carte de l’Europe où la France est remplacée par un poing serrant une e-cigarette, avec pour slogan “Pour une vape libre !”. Cerise sur le gâteau, un journal de 22 pages – tiré à 25 000 exemplaires ! – singe le travail journalistique avec son édito, son sommaire, ses articles d’analyse et même l’interview d’un addictologue. Cette fois, l’opération n’est pas menée par l’industrie de la vape, mais par la Confédération des buralistes et son journal Le Losange. “Qui sont très largement financés par l’industrie du tabac”, assure le Pr Daniel Thomas, cardiologue et membre du CNCT et de l’ACT.Kit promotionnel pro-vape, réalisé par l’industrie du tabac, reçu à la rédaction de L’Express.”Ils savent cibler les journalistes afin de les convaincre que la vape permet de se passer de la cigarette, mais il ne faut pas oublier que la majorité des vapoteurs fument encore la cigarette (55,5 % selon Santé publique France) et que chez ces vapofumeurs, il n’y a pas de réduction des risques”, rappelle le CNCT, même s’il est vrai que deux études de la très sérieuse revue Cochrane montrent que la vaporette est le dispositif de sevrage du tabac le plus efficace à ce jour. De son côté, le CNCT refuse de mettre en avant le vapotage comme outil de sevrage, sans pour autant militer pour son interdiction, consciente que la vape peut être utile à certains fumeurs.Reste que l’association constate une montée en puissance du lobbying de l’industrie de la vape, surtout depuis qu’elle a publié, en février, un rapport recommandant d’interdire les arômes. Les principales associations pro vape – Fivape, Sovape, la Vape du cœur et Aiduce -, ont ainsi lancé une vaste opération sur les réseaux sociaux à l’aide du hashtag #MerciLaVape. Leur pétition “contre la suppression des arômes, les taxes et le dénigrement” a récolté 70 000 signatures. Elles ont également publié un sondage affirmant que l’interdiction des arômes allait provoquer un retour vers le tabagisme. “Dans le lobby de la vape, il y a des gens honnêtes qui veulent réellement lutter contre le tabac et aider les fumeurs à se passer de la cigarette, mais d’autres ont des intérêts financiers”, estime le CNCT.Plus un cerveau est exposé tôt à une substance addictive, plus il sera accro plus tardLa création des “puffs”, ces cigarettes électroniques jetables à la myriade d’arômes – barbe à papa, marshmallow, licorne, etc. – est un bon exemple. Ce sont de véritables “pièges pour les enfants et les adolescents”, affirme le Pr Gérard Dubois, membre de l’Académie nationale de médecine et professeur émérite de santé publique. “Ils n’ont pas hésité à en faire la publicité sur les réseaux sociaux grâce à des influenceurs présentant la puff comme un dispositif cool”, dénonce encore le CNCT, qui a saisi la justice à cette occasion – la publicité du tabac et de la vape est interdite en France – et a eu gain de cause.Si elles pourraient être interdites prochainement, comme l’a suggéré la Première ministre Élisabeth Borne, les puffs représentent une importante part de marché de l’industrie de la vape. Une étude irlandaise, bien que réalisée sur un faible échantillon, suggère qu’un quart des 10-12 ans interrogés a déjà essayé ce produit et que la moitié des 13-16 ans qui vapotent n’a jamais fumé auparavant. Or tous les chercheurs le confirment, les profils qui ont le plus de mal à décrocher du tabac sont ceux qui ont commencé à fumer avant 20 ans. “Plus un cerveau est exposé tôt à une substance addictive, plus il sera accro plus tard”, rappelle le Pr Josseran. Convertir de jeunes utilisateurs à la nicotine, que ce soit par la cigarette ou par la vape, c’est donc s’assurer un marché pérenne. Même si la vape peut permettre à des fumeurs de sortir du tabac, voire de la nicotine, il ne faudrait pas ignorer l’enfumage des industries.



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Author : Victor Garcia

Publish date : 2023-11-14 15:00:00

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Tags :L’Express

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