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“Sound of Freedom”, brûlot conspirationniste ou simple navet ?

“Sound of Freedom”, brûlot conspirationniste ou simple navet  ?



À la question “Sound of Freedom est-il conspirationniste?”, on a communément ces derniers mois ratifié une réponse admise comme la plus raisonnable, qui consisterait à distinguer que si ses auteurs, sa promo, sa star, son public le sont ouvertement, le film lui-même ne l’est pas – il est juste mauvais, ce qui est un moindre crime. 

Verdict respectueux de la chèvre et du chou mais tout de même plutôt indulgent avec un film qui, par petites touches, répliques passagères, paroles évasives, laisse savamment s’installer une représentation mentale de la clientèle de ses réseaux d’esclavage, à savoir une élite mondialisée de célébrités et de décideurs (“un club réservé aux membres, rempli de riches pervers, de jet-setters et de PDG”). Il nourrit tout aussi insidieusement le corollaire du complot, qui est donc l’inaction complice du pouvoir en place, du “système”, de la société aveuglée et de la bureaucratie passive.

Cheval de Troie

S’il ne va pas plus loin et se garde bien d’expliciter des fumisteries aussi outrancières que les cérémonies pédosatanistes ou le trafic d’adrénochrome, on ne peut pas vraiment affirmer que le film n’y adhère pas en creux. Et il faut donc bien comprendre que si tout un public acquis à ces fadaises a largement plébiscité le film, c’est a minima qu’il ne se sent aucunement contredit par lui, et plus probablement encore qu’il le reconnaît comme un allié clandestin, un cheval de Troie – un geste courageux qui ne pouvait pas aller explicitement plus loin sans s’attirer les foudres de la censure, mais qui lui adresse entre les lignes un regard lourdement entendu.

Ce qui marque devant le film, c’est à quel point il repose sur une image primitivement révoltante (l’innocence souillée, l’enfance volée), qui donne au mal absolu une forme intolérablement concrète et obscène, suscitant en nous un état de scandalisation intérieure qu’il est évidemment impossible de renier, mais qui représente aussi pour le film et pour ses spectateur·rices une forme paradoxale de jouissance inversée. C’est celle de Jim Caviezel lorsqu’il s’appesantit en détail (en interview et non dans le film) sur les “cris” des enfants torturés, qui sont “au-delà de l’imaginable”, trahissant sa sensibilité inconsciente envers une certaine volupté de l’horreur, source d’une forme d’excitation négative irrépressible. C’est exactement l’expérience, par ailleurs totalement voyeuriste, mais aussi purgatoire, et d’une hygiène morale suprême (le bien et le mal n’ont jamais été aussi hermétiques l’un à l’autre), que propose le film à son public. On en ressort lessivé et curieusement conforté.

Une supposée censure

Après avoir ces derniers mois hérité du statut purement fantasmatique de film interdit par le système politico-médiatique que son triomphe américain, boosté notamment par les réseaux d’influence chrétiens et QAnon, lui avait octroyé, Sound of Freedom reproduit en France la même mascarade promotionnelle.

Quelques mois de latence seulement (délai parfaitement classique pour qu’un succès indépendant américain trouve un distributeur français, un visa d’exploitation, cale une date de sortie, etc.) ont suffi pour que nos petits boutiquiers locaux de la mouvance conspirationniste, tel Florian Philippot, fassent fructifier la fake news de sa supposée censure et donc monter l’attente d’une niche qui espère déjà un chef-d’œuvre. Elle ne s’autorisera peut-être même pas à être déçue, acquise par avance à la promotion instrumentalisée d’un film qui à l’instar de Vaincre ou mourir, sorti en début d’année par la même société (Saje Distribution, spécialisée dans le cinéma chrétien), s’est auto-porté aux nues par des moyens strictement extérieurs, grâce à un simulacre de censure assez fort pour masquer sa nature de navet objectif – à tout le moins de produit totalement daté et ringard, mauvais ersatz de vigilantisme à la Liam Neeson sans la moindre scène quelque peu saillante, et dont le point de chute naturel aurait plutôt été une diffusion l’après-midi sur le câble. Mais ça, c’est s’il n’avait pas été censuré…

Sound of Freedom d’Alejandro Gómez Monteverde, en salle le 15 novembre.



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/sound-of-freedom-brulot-conspi-ou-simple-navet-600712-14-11-2023/

Author : Théo Ribeton

Publish date : 2023-11-14 16:40:06

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Tags :Les Inrocks

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