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En Azerbaïdjan, le sort inquiétant des prisonniers arméniens du Haut-Karabakh

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C’est en voyant la photo de son père dans un centre de détention à Bakou, la mine fatiguée et coincé entre deux officiers azerbaïdjanais, que David Vardanyan a appris que son aîné est maintenant prisonnier politique. Nous sommes le 27 septembre, et l’Azerbaïdjan vient de prendre par la force l’enclave arménienne du Haut-Karabakh, objet de conflits depuis plus de trente ans entre ces deux voisins du Caucase. Craignant pour leur sécurité, plus de 100 000 Arméniens qui peuplaient cette république autoproclamée non reconnue quittent alors leur terre ancestrale pour se réfugier en Arménie.Parmi eux, Ruben Vardanyan. Mais lui n’a pas pu passer le check point pour atteindre la frontière arménienne. Il s’est fait rattraper par les autorités azerbaïdjanaises, qui l’accusent de “financer le terrorisme” en Azerbaïdjan, d’être “entré illégalement au Haut-Karabakh” l’année dernière et d’avoir “fourni du matériel militaire aux forces armées de cette république”.Pour le régime azerbaïdjanais, la capture de Ruben Vardanyan est une belle prise. Ancien oligarque russo-arménien ayant fait fortune dans le secteur bancaire, celui-ci a abandonné sa double nationalité pour occuper le poste de Premier ministre de la république du Haut-Karabakh en 2022. Plus grand philanthrope arménien, il est devenu une figure centrale du développement économique de l’Arménie et de sa culture, lui qui est issu d’une famille d’intellectuels survivante du génocide de 1915. Tout un symbole. “La dernière fois que j’ai parlé à mon père, c’était avant que l’Azerbaïdjan ne débute son opération militaire au Karabakh. Depuis, ma mère n’a eu que quelques rares coups de fil avec lui, mais nous n’en savons pas plus sur ses conditions de détention, ni comment il va”, témoigne à L’Express son fils David depuis Singapour, où il réside.”Personne n’est en sécurité”Derrière les barreaux, Ruben Vardanyan se retrouve aux côtés de 54 autres Arméniens du Karabakh. Des civils et militaires enlevés sur les terres disputées entre Arménie et Azerbaïdjan y sont détenus, la majorité depuis la guerre de 2020. En septembre 2023, les autorités azerbaïdjanaises ont également capturé 7 hauts responsables de la république autoproclamée, dont trois anciens présidents.Quelques-uns ont déjà été condamnés à de lourdes peines, à l’image de Vagif Khachatryan, 68 ans, reconnu coupable le 7 novembre de “génocide” et de déportation illégale. Cet ancien militaire a été extirpé d’un véhicule du CICR [NDLR : Comité International de la Croix-Rouge] alors qu’il se rendait en Arménie pour une opération du cœur. Il a écopé de 15 ans de prison.Tous ces détenus craignent de connaître la même sentence. Représentés par des avocats azerbaïdjanais, “il n’y a aucun doute sur le fait qu’ils resteront emprisonnés”, selon Luis Moreno-Ocampo, ancien procureur de la Cour Pénale internationale. “En Azerbaïdjan, il n’existe pas de justice indépendante et les détenus sont souvent torturés”, affirme-t-il. Pour cette raison, David Vardanyan se dit “très inquiet” pour son père, comme pour son pays : “c’est un message envoyé à l’ensemble du monde arménien que personne n’est en sécurité”.Moyen de pressionLa libération de la cinquantaine de prisonniers arméniens fait l’objet de procédures légales menées à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et à la Cour pénale internationale, mais “elles prendront un certain temps avant d’être appliquées”, déplore Siranush Sahakian, représentante des prisonniers de guerre arméniens à la CEDH. Parallèlement, le sort des prisonniers pèse aussi sur les négociations politiques entre Bakou et Erevan. “Nous avons la conviction que les Azerbaïdjanais les utilisent pour faire pression sur le gouvernement arménien, afin qu’il réponde à leurs exigences politiques”, alerte la juriste arménienne.”Il s’agit surtout d’obtenir des huit ex-leaders du Haut-Karabakh des aveux forcé de l’occupation arménienne en Azerbaïdjan, pour faire reconnaître l’Arménie coupable”, analyse Benyamin Poghosyan, président du Centre d’études stratégiques, politiques et économiques de l’Arménie.”Azerbaïdjan occidental”Difficile, dans ce contexte, de parvenir à une normalisation des relations entre les deux pays. La petite république arménienne exige la reconnaissance mutuelle de son intégrité nationale et la démarcation des frontières entre les deux Etats. Dès lors, “si l’Azerbaïdjan reconnaît ces principes, un accord de paix peut être entamé”, appuyait encore le Premier ministre arménien Nikol Pachinian au Forum de Paris pour la Paix, le 10 novembre dernier. Mais face à ces appels, la diplomatie azerbaïdjanaise reste muette.C’est surtout le choix du format que prendront les négociations qui, pour l’instant, bloque le processus de paix. “L’Arménie est favorable à une médiation occidentale par Bruxelles ou Washington, pour obtenir des garanties de sécurité solides en cas de nouvelle violation de cet accord par l’Azerbaïdjan”, explique Benyamin Poghosyan. Mais la partie azerbaïdjanaise rechigne à faire intervenir les Occidentaux et décline chaque opportunité de dialogue.Car l’Azerbaïdjan a certainement d’autres plans. “Pourquoi Ilham Alïev s’arrêterait-il au Haut-Karabakh, lui qui n’a été puni d’aucune manière ? alarme Siranush Sahakian. Le régime azerbaïdjanais continue de faire progresser la haine de l’Arménie et parle d’un Azerbaïdjan occidental”. Beaucoup s’attendent à voir l’Azerbaïdjan attaquer l’Arménie, d’abord par la région du Syunik, qui fait la jonction entre l’Azerbaïdjan continental et son enclave du Nakhitchevan. “La pause dans le processus de négociation crée des dangers supplémentaires pour de nouvelles escalades militaires, en particulier autour des “enclaves” que Bakou présente comme des territoires azerbaïdjanais occupés par l’Arménie, dans le nord ou à la frontière du Nakhitchevan”, souligne Benyamin Poghosyan. L’Azerbaïdjan se laisserait du temps pour, de nouveau, montrer ses muscles.



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Publish date : 2023-11-16 11:00:00

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