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Polémique Meurice : Quand on est transgressif, il faut savoir viser juste, par Xavier Gorce

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C’est l’histoire d’une blague foireuse et, surtout, fautive sur le fond. Puis celle de l’emballement excessif qui l’a suivi. Et cet emballement est un révélateur de plus des lignes de fractures profondes de notre société, de son hystérisation, de la radicalisation des débats. Alors si la blague de Guillaume Meurice elle-même ne mérite pas autre chose que dédain, voire dégoût, l’ampleur de ce qu’elle a provoqué constitue un fait remarquable qu’il faut regarder de plus près pour comprendre de quoi il est question.D’abord qu’est-ce que la satire – dont se réclame Meurice ? Une critique sociale, sociétale, politique ultra-condensée, lapidaire, servie par une tonalité ironique qui vise à provoquer, si ce n’est le rire, au moins le sourire.Le type d’humour peut varier : absurde, grotesque, clownesque, pamphlétaire… En sketch, en texte ou en dessin. Il peut être de parti pris, politiquement orienté (il l’est souvent), contestable, mais pour que cela porte, il faut que le propos soit juste.Or c’est là que tout cloche dans la blague de Meurice. Tous les éléments de cette blague viennent se télescoper de façon catastrophique pour produire quelque chose qui n’est pas loin de la dégueulasserie intellectuelle.Je cite : “Netanyahou […] une sorte de nazi sans prépuce”.Qu’est-ce qui est invoqué ici ?La cible est le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou. On peut bien sûr attaquer le kleptocrate, qui conserve le pouvoir par toutes les alliances possibles même avec les pires franges de l’échiquier politique, qui s’assoit sur les principes démocratiques en tentant d’étouffer la justice, sa politique colonialiste en Cisjordanie… la liste est longue !”Gloubiboulga” pour un bon motMeurice, lui, le traite de nazi. C’est l’insulte suprême, le point Godwin que l’on peut parfois utiliser, mais avec précaution car c’est l’arme de destruction massive d’un débat.Mais dire que c’est un nazi juste après que des actes d’une barbarie absolue se soient déroulés le 7 octobre (qui, eux, revêtent exactement la même volonté d’anéantissement que la Shoah), c’est implicitement renverser complètement les rôles de façon abjecte et relativiser, voire trouver une justification, à l’horreur absolue.Ensuite, il est décrit comme sans prépuce. Ce qui le ramène à sa “nature” de juif par le sexe et la religion. C’est, d’une part, de l’essentialisation par le physique qui n’a pas grand chose à envier à l’usage des nez et doigts crochus dans la caricature antisémite. On se rappelle aussi la recherche d’enfants juifs pendant la guerre en les déculottant, la nudité dans les camps et toute les humiliations déshumanisantes auxquelles cette désignation par le prépuce, ou plutôt son absence, peut évoquer. D’autre part, parler de prépuce fait encore l’amalgame entre politique, religieux, identité… Rappelons que tout juif n’est pas israélien, que tout israélien n’est pas juif, que tout juif n’est pas religieux, ni circoncis etc…Meurice fait un gloubiboulga de tout ça pour un bon mot intrépide qui unit les contraires (nazi-prépuce). Comme un gamin qui dit pipi-caca à l’école. Et comme un gamin, il s’est fait taper sur les doigts.Pour sa défense, il invoque l’esprit Charlie et se dit transgressif et outrancier : “C’est mon boulot”. Bon, la transgression quand on fait de l’humour de gauche pour un public de gauche, ça demeure un concept assez relatif.Pour l’esprit Charlie, on peut s’en revendiquer mais tout dépend ce que l’on met dedans. Et pour Riss, son directeur, c’est vite vu : “L’esprit Charlie a bon dos : ce n’est pas une poubelle que l’on sort pour y jeter ses cochonnerie”. Fin du sketchJe n’ai rien contre la transgression et l’outrance, bien au contraire. En dessin satirique, je suis fan de Reiser, Vuillemin. Desproges bien sûr, et bien d’autres qui poussent assez loin l’humour “incorrect”. Mais c’est comme en balistique (c’est de saison) : la puissance, c’est bien, c’est efficace. Mais il faut que la visée soit bonne. Sinon on arrive très très loin de la cible.*Xavier Gorce est dessinateur de presse et collaborateur régulier pour Le Point.



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Publish date : 2023-11-16 04:57:24

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