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Budget allemand censuré : “Il va y avoir un conflit au sein du gouvernement”

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Le coup porté au gouvernement d’Olaf Scholz est rude et risque de créer une nouvelle crise politique chez nos voisins. Dans une décision rendue publique mercredi 15 novembre, la Cour constitutionnelle a estimé que l’exécutif allemand avait contourné les règles budgétaires en allouant un fonds destiné en premier lieu à la lutte contre la pandémie de Covid-19 à un autre fonds consacré à la transformation et au climat. L’addition est lourde : les 60 milliards d’euros ciblés ne pourront plus être utilisés et le gouvernement va devoir rogner sur son budget. En Allemagne, une règle, appelée “frein à l’endettement”, régit l’utilisation des recettes et la gestion des dépenses. Il plafonne à 0,35 % du PIB le déficit budgétaire annuel autorisé, limitant ainsi les écarts. La justice considère que la redirection du fonds Covid est contraire au “frein à l’endettement”.Pour l’économiste Marcel Fratzscher, président de l’Institut de recherche économique de Berlin, si cette décision devrait avoir de lourdes conséquences politiques, le gouvernement allemand ne devrait toutefois pas avoir de mal à trouver une solution de secours. Il estime par ailleurs que cela devrait être le moment pour réformer la règle du “frein à l’endettement”, au vu des besoins futurs de transformation du pays dans les domaines du climat, du numérique ou encore de l’éducation.L’Express : Quelle est l’importance de cette décision de la Cour constitutionnelle allemande ?Tout d’abord, le gouvernement allemand aura 60 milliards d’euros – 1,5 % du PIB -, en moins à dépenser, en particulier dans le domaine du climat et de la transformation. Mais dans l’immédiat et pour les prochains mois, il n’y a pas de menace. Il faudra qu’il décide à un moment ou à un autre de recourir à une autre exemption du “frein à l’endettement” l’année prochaine. C’est une option qui consiste à dire : “D’accord, nous faisons une exception, car nous avons besoin des 60 milliards qui ne sont pas disponibles dans le cadre du budget”.Cette prise de position était-elle inattendue ?Oui, car il y a déjà eu des cas dans le passé où des personnes ont poursuivi le gouvernement devant la Cour constitutionnelle au regard du “frein à l’endettement”. Jusqu’à présent, la Cour constitutionnelle s’était toujours rangée de son côté. C’est donc une surprise qui constitue une atteinte à la réputation du gouvernement. L’utilisation de ce fonds est vue comme de l’incompétence. C’est certainement une victoire pour le parti conservateur, dont les membres ont intenté un procès. Il est important de se rappeler que le débat sur le financement des besoins de transformation futurs est très controversé en Allemagne.Que dit cette décision sur la politique budgétaire allemande ?Avec le recul, il montre que notre gouvernement a dépensé beaucoup d’argent. Les Allemands ont tendance à oublier qu’il n’y a pratiquement aucun autre pays dans le monde, à part peut-être les Etats-Unis, qui a distribué autant d’argent pendant la pandémie et désormais avec la crise de l’énergie. Une grande partie de ces fonds n’est pas allée aux citoyens, mais aux entreprises. 60 milliards d’euros, ce n’est pas rien, mais c’est peu par rapport à tout ce qui a été dépensé ces trois dernières années.Pour ce qui est de l’avenir, il y aura un conflit au sein du gouvernement. Le ministre des Finances et chef du parti libéral, Christian Lindner, est probablement assez satisfait de cette situation parce qu’il pense qu’il va pouvoir montrer qu’il est ferme et dire : “Nous devons économiser”. Il veut profiter de cette occasion pour signaler sa rigueur, même si, d’une certaine manière, il est le principal responsable de ce fiasco.Cet épisode illustre-t-il l’ordolibéralisme allemand ?La Cour constitutionnelle n’a pas dit qu’il fallait mener telle ou telle politique. Elle a simplement conclu que ce n’était pas conforme aux règles. Cela déclenche en revanche un débat encore plus intense sur ce que nous allons faire du frein à l’endettement. Est-il encore opportun ? Est-il encore judicieux alors que l’économie allemande est à la traîne sur d’importants projets de transformation, sur le numérique, la protection du climat, l’énergie, ou encore l’éducation. L’industrie, elle, est en difficulté.Est-ce le moment d’avoir une politique encore plus restrictive ? Il est important de faire la distinction entre les politiques budgétaires structurelles et le soutien à la crise. En ce qui concerne le soutien à la crise, le gouvernement allemand est allé très loin et a apporté une aide considérable. Pour les dépenses structurelles, le gouvernement allemand n’a pas été bon, tout comme ses prédécesseurs au cours des 20 dernières années.En quoi cette décision différencie-t-elle l’Allemagne de la France ?Je ne pense pas qu’il y ait une grande différence. La France est assez responsable. Chaque gouvernement est confronté à une décision très difficile, qui consiste à limiter les dépenses ou, du moins, à ne pas trop augmenter la dette publique. Et les niveaux de dette publique ont augmenté partout en Europe au cours des trois dernières années, y compris en Allemagne. D’autre part, il faut investir dans l’avenir.En ce sens, nos deux gouvernements luttent chacun à leur manière. Le gouvernement français est parfois plus courageux, par exemple avec la réforme des retraites, qui est plus urgente en Allemagne qu’en France. Nous, nous avons un problème démographique beaucoup plus important. L’Allemagne a également besoin de grandes réformes en matière de fiscalité, de sécurité sociale, comme je l’ai dit. Et ces réformes ne se font pas.Cela va-t-il compromettre la transition énergétique souhaitée par le pays ? Le gouvernement allemand doit maintenant trouver 60 milliards d’euros…Les ministres des Finances allemands sont très créatifs. Il y a quatre semaines, le ministre allemand a déclaré qu’il n’y avait plus d’argent pour financer le plan d’action national allemand pour la garantie de l’enfance. Il s’agit d’un programme visant à réduire la pauvreté des enfants et à redéfinir les allocations familiales. Il y a eu un grand conflit au sujet de seulement 4 milliards d’euros par an.Or la semaine dernière, le gouvernement a déclaré qu’il allait réduire les coûts de l’énergie pour les entreprises de l’ordre de 10 milliards d’euros par an au cours des prochaines années. Et le ministre des Finances a déclaré : “Oh, je viens de trouver 10 milliards supplémentaires dans mon budget”. Cela témoigne donc d’une grande créativité… J’ai l’impression que le gouvernement va essayer d’esquiver la balle que la Cour suprême lui a tirée dessus en disant : “Ecoutez, ce fonds pour le climat et la transformation dispose encore d’argent. Il génère des revenus, par exemple grâce à la taxe sur le CO2, et il n’est donc pas nécessaire de réduire les dépenses dans l’immédiat.”



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Author : Thibault Marotte

Publish date : 2023-11-17 08:24:43

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Tags :L’Express

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