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“Random Access Memories”(Drumless Edition) : une réédition dispensable ?

“Random Access Memories”(Drumless Edition) : une réédition dispensable ?



Sympa pour Quinn, John “JR” Robinson et Omar Hakim, percussionnistes et batteurs crédités au générique de Random Access Memories (2013). Ces derniers, musiciens de sessions émérites et collaborateurs historiques de types comme Michael Jackson, Quincy Jones, Miles Davis, Nile Rodgers ou encore David Bowie, viennent d’être évincés de l’ultime album de Daft Punk, sacrifiés sur l’autel d’une deuxième édition en un an du monolithe indépassable du duo français, qui n’en finit plus de célébrer ses dix ans.

De quoi parle-t-on ? Après une édition anniversaire publiée en mai, augmentée d’un disque rassemblant une rareté sortie à l’époque au Japon seulement (Horizon), des chutes de studio et l’inédit inespéré Infinity Repeating en duo avec Julian Casablancas + The Voidz, le groupe autodétruit le 22 février 2021 dévoile Random Access Memories (Drumless Edition), version alternative de leur chef-d’œuvre sans les batteries et les percussions. Et pour le même prix en plus, puisque cette histoire sort en CD et vinyle. La belle affaire.

Mise en ligne d’archives

Les honnêtes citoyen·nes sont en droit de se demander si l’exploitation du filon mémoriel de RAM ne va pas un peu trop loin. Que Guy-Manuel de Homem-Christo et Thomas Bangalter soient des gestionnaires de patrimoine hors pair est une évidence. Ils sont allés à bonne école. Depuis leur split aussi sourd que spectaculaire, ils ont notamment entrepris un précieux travail de mise en ligne de leurs archives. Précieux, parce qu’il témoigne d’un instant dans l’histoire de la pop en France et d’une époque, mais aussi d’une évolution formelle vers le tout analogique – ce qui nous renseigne sur l’œuvre du duo en tant qu’elle peut être perçue comme un manifeste critique dans sa globalité. C’est dans cette logique que se sont inscrites les publications de captations vidéo, d’images rares et des éditions anniversaires augmentées de Homework (25th Anniversary Edition) l’année dernière, de Random Access Memories cette année et celle à venir du mésestimé Human After All (2005) en 2025.

Jusqu’ici, il s’agissait essentiellement d’un travail de documentation et d’amendement. Mais avec l’annonce de la sortie d’une version sans batterie de RAM, on a altéré les masters, modifié l’œuvre. Voilà une tout autre démarche qui ne s’explique pas seulement par des raisons mercantiles, mais presque, j’oserais dire, par des considérations d’ego et dans un souci de prolonger le travail d’hommage à la musique de studio entrepris avec ce disque au casting quinze étoiles.

Un produit de luxe dispensable ?

En d’autres termes, Random Access Memories (Drumless Edition) est un produit de luxe dispensable et le monde se portera toujours aussi mal après sa sortie. Néanmoins, si, comme moi, la plongée dans les secrets de fabrication de cet album anachronique vous a ému·e ou simplement intéressé·e – que ce soit à travers les pastilles vidéo distillées au fil du temps, qui donnent la parole aux protagonistes de cette grande aventure, ou par l’entremise de l’émission spéciale concoctée par France Inter cet été avec la participation exclusive et rare des deux zigotos –, alors ce gadget lucratif est peut-être fait pour vous.

Pourquoi ? Parce que l’album expurgé de ses sections de batteries et de percussions, c’est le parti pris symphonique qui se fait jour encore un peu plus. C’est le travail sur les arrangements, la délicatesse des pianos, la rondeur des claviers et le groove de la basse qui sautent aux oreilles. Toutes ces choses que l’on savait déjà, en réalité, mais qui prennent ici une autre dimension. Presque paradoxalement, l’édition drumless de RAM est aussi un hommage aux drums, dont on mesure l’ampleur à la réécoute de la version originale. Ça s’entend particulièrement sur le morceau de clôture, Contact, auquel les batteries donnait des allures de trip type Galaxy Express 999 épique et frénétique, et qui, sans elles, laisse transparaître toute la lumière du vortex en le ramenant à ses ambitions kubrickiennes, dans une grande scène finale, solennelle, à la 2001, l’Odyssée de l’espace (1968). Et puis, si vous êtes batteur·euses, peut-être arriverez-vous à vous réapproprier Random Access Memories, allez savoir.

Dispensable, donc. Mais pas hors-sujet, RAM sans les drums. Après la destruction des robots, l’autopsie de leur mécanisme. La saga continue.

Édito initialement paru dans la newsletter Musiques du 17 novembre. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !



Source link : https://www.lesinrocks.com/musique/random-access-memoriesdrumless-edition-une-reedition-dispensable-601284-17-11-2023/

Author : François Moreau

Publish date : 2023-11-17 11:45:35

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