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Allemagne : pourquoi la cuisine outre-Rhin a-t-elle si mauvaise réputation ?

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Cette chronique raconte la petite ou la grande histoire derrière nos aliments, plats ou chefs. Puissante arme de soft power, marqueur sociétal et culturel, l’alimentation est l’élément fondateur de nos civilisations. Conflits, diplomatie, traditions, la cuisine a toujours eu une dimension politique. Car comme le disait déjà Bossuet au XVIIe siècle, “c’est à table qu’on gouverne“.Les réseaux sociaux sont parfois cruels. Lors de la visite en octobre dernier d’Emmanuel Macron en Allemagne pour rencontrer le chancelier Olaf Scholz, un internaute poste deux photos qui en disent long sur le rapport à la gastronomie de chaque côté du Rhin. D’un côté, le dîner fastueux donné par le président français à Versailles en l’honneur du roi Charles III, et de l’autre, le couple élyséen pris de haut-le-cœur devant un fischbrötchen, un sandwich de poisson fumé typique du nord de l’Allemagne qu’on mange sur le pouce au marché…En matière de cuisine, l’Allemagne souffle le chaud et le froid. 334 restaurants ont été couronnés d’un “macaron” dans la dernière édition du Michelin qui salue “la grande diversité et l’excellence qui caractérisent la scène gastronomique allemande”. Ce pays, qui a vu naître les plus grands musiciens – Bach, Beethoven ou Schubert pour ne citer qu’eux – a aussi enfanté du maestro Eckart Witzigmann, élu cuisinier du siècle en 1990 par le Gault et Millau. Mais sur cette terre de gibier, on trouve aussi… le mettigel, régal de mauvais goût qui met en scène un hérisson sous forme de viande de porc crue assaisonnée avec des olives pour faire les yeux, et des morceaux d’oignons pour faire les pics.Un “Mettigel” en plastique est posé sous une cloche de verre lors de l’exposition “Future Food” au Musée allemand de l’hygiène, en mai 2020.Si la haute voltige culinaire des étoilés de Berlin ne saurait être remise en cause, elle est à mille lieues de l’assiette du quotidien, aussi triste et grise que Hanovre en hiver. Pêle-mêle : le wiener schnitzel (escalope de veau panée), les 1 500 variétés de saucisses (currywurst, bratwurst, bregenwurst), la très célèbre kartoffelsalat ou bien encore l’apfelstrudel (une pâtisserie aux pommes). En matière de plats étouffe-chrétiens, la France n’a pas de leçons à donner mais force est de constater que la finesse a un peu de mal à passer le Rhin. Comment expliquer ces destins contraires (et contrariés) des deux voisins ? Laissons de côté l’incroyable terroir français et ses produits qui n’existent nulle part ailleurs. Passons aussi sur la passion immodérée des Gaulois pour les banquets. Oublions aussi les rois de France qui ont élevé les “arts de la table” à un rang inégalé à l’époque…L’aristocratie allemande se met à embaucher les meilleurs chefs françaisAu sortir de la Révolution de 1789 et du règne de Napoléon en 1815, la France a très rapidement perçu le potentiel diplomatique de ses cuisiniers comme un formidable levier de rayonnement. Jean Anthelme Brillat-Savarin, le plus célèbre des auteurs culinaires français, voit poindre au tout début du XIXe siècle les prémices d’un tourisme gastronomique. L’aristocratie allemande se laisse allécher et se met à embaucher les meilleurs chefs français dans ses châteaux. C’est notamment le cas du roi de Prusse, Frédéric II qui se faisait remplir la panse par le célèbre chef périgourdin André Noël (1726-1801), capable d’envoyer jusqu’à 80 plats pour les VIP de l’époque, dont la fameuse “bombe de Sardanapale”, une délicieuse variante du chou farci. L’époque considère qu’on ne fait de bonne chère qu’avec des cuisiniers de France. Le 7 juillet 1913, l’illustre Auguste Escoffier, le pape de la cuisine française, donne un repas mémorable sur un paquebot de luxe où se trouve le roi Guillaume II. Au menu : hors-d’œuvre à la russe, melon cantaloup, consommé froid madrilène, velouté parmentier…Mais ces repas orgiaques sont réservés à une petite élite, tandis que la population se gave de patates, l’ingrédient phare, symbole de la sobriété absolue, raconte Karl Heinz Götze, professeur titulaire de littérature et de civilisation allemandes à l’université de Provence (Aix-Marseille I) dans une note passionnante issue des “Cahiers d’études germaniques”. L’alimentation est aussi historiquement un terrain d’affrontements religieux entre catholiques et protestants. Dans ses écrits, Martin Luther (1483-1546) n’a cessé de dénoncer la gourmandise – voire l’ivrognerie – des moines qui pensent plus à se goinfrer qu’à l’aumône. La littérature allemande, du courant sentimental et néo-humaniste, abonde de références à la cuisine française. L’auteur Matthias Claudius (1740-1815) n’hésite pas à lier “la décadence de l’empire romain, l’adultère, la naissance de l’opéra, l’existence des avocats et des castrats à la consommation de rôti de bœuf et de vin”. Pire encore, cette profusion de nourriture provoquerait des “graves maladies”, selon Melchior Adam Weikard (1742-1803), adepte du rationalisme radical, dans ses “Conseils d’hygiène et de santé destinés aux dames et aux messieurs”. Dans leurs écrits, Friedrich Nietzsche tout comme Heinrich Heine ne sont pas très tendres avec la cuisine allemande et ses “mets insipides”…Berlin, une capitale du végétarianisme et du véganismeRécemment, un Allemand qui vit à Paris m’a raconté une anecdote : “Lorsque mes amis viennent ici, ils regardent le prix et la taille dans l’assiette avant de s’asseoir.” En clair, un bon plat doit être roboratif et pas cher. Fort heureusement, cette apathie culinaire n’a pas gagné toute l’Allemagne. Le cosmopolitisme de la capitale allemande a permis de s’ouvrir à une cuisine internationale et fait de Berlin l’une des principales capitales mondiales de la cuisine végétarienne et vegan.La consommation de saucisses, et de viande en général, est en chute libre. Comme le disait Otto von Bismarck (1815-1898), le chancelier allemand, “moins les gens savent comment les saucisses et les lois sont faites, mieux ils dorment”. Cette époque est révolue. Les Allemands sont sensibles au bien-être animal et à l’écologie. Et si nos voisins d’outre-Rhin finissaient par se démarquer avec leur “schnitzel veggie” ou leur “salade de cervelas au soja” ?Nos conseils :Un livre pour vous réconcilier avec la cuisine allemande :The German Cookbook, Alfons Schuhbeck, 2018, Phaidon (en anglais, non traduit).Deux restaurants pour manger le meilleur de l’Allemagne :Wunderbär, 16 rue Beaurepaire, 75010 Paris.Le Stube Verdeau, 23-25-27, passage Verdeau, 75009 Paris.



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Author : Charles Carrasco

Publish date : 2023-11-19 10:50:00

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