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“J’y pense chaque instant” : en Israël, le cauchemar des otages devient une obsession nationale

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A peine le pied posé en Israël, la première image coupe le souffle. Dans l’aéroport international Ben Gourion, déserté de ses 80 000 voyageurs quotidiens, une haie d’honneur attend les quelques visiteurs internationaux : sur une allée de 600 mètres, des rangées de photos des 239 otages capturés par le Hamas le 7 octobre, avec leur nom, leur ville d’origine et un seul message : “Ramenez-les à la maison”. Une petite fille blonde dodeline entre les visages d’Agam Goldstein, adolescente de 17 ans kidnappée chez elle avec ses deux petits frères, ou de Maya Goren, 56 ans, dont le mari a été tué lors de l’attaque. Seul un mot de son père empêche la petite fille d’embrasser les affiches, qu’elle caresse une à une.”Ces otages, c’est le nuage qui restera pour très longtemps au-dessus de nos têtes”, réfléchit à haute voix Michael, à la terrasse d’un café de Jérusalem. Le cinquantenaire, kippa blanche sur les cheveux, repense à Gilad Shalit, ce soldat israélien retenu pendant cinq ans par le Hamas, de 2006 à 2011. “A l’époque, tout le pays a souffert au quotidien avec lui, retrace Michael. Pour un seul otage, c’était un calvaire national, les télévisions en parlaient tous les jours. Alors aujourd’hui, plus de 200 personnes… Je ne connais pas un Israélien qui ne pense pas chaque jour à leur souffrance, à leur peur.”Netanyahou au centre des critiquesD’après les proches des otages, un homme en Israël n’aurait pas suffisamment ces victimes en tête depuis le 7 octobre : le Premier ministre, Benyamin Netanyahou. Alors, ils ont investi le quartier du pouvoir à Jérusalem, installant leurs stands à mi-chemin entre la Knesset, la Cour suprême et la résidence du Premier ministre. Ici, tous les murs sont tapissés de photos des otages et d’autocollants affichant le visage de Netanyahou recouvert d’une trace de main en sang.Armée d’un énorme rouleau de scotch dans une main et d’un drapeau israélien plus grand qu’elle dans l’autre, Ofra Rozman, 73 ans, recolle une à une les affiches abîmées par 42 jours d’attente. “Je déteste les voir dégradées, ce sont nos enfants !”, se motive cette grand-mère, dont les trois petites-filles sont engagées dans l’armée. Pour chaque otage dont elle répare l’affiche, Ofra a une petite histoire. “Celui-ci est un travailleur philippin, vous imaginez venir travailler aussi loin de chez vous et finir dans cet enfer ?”Elle s’arrête devant le portrait de Noa Marciano, une soldate israélienne capturée le 7 octobre et dont le corps a été retrouvé près de l’hôpital al-Chifa à Gaza, en début de semaine. Elle avait 19 ans. “Quelle tristesse pour Israël, souffle Ofra, en touchant la photo de la jeune militaire. Et le pire, c’est qu’il n’y a personne avec qui négocier. En face, il n’y a que des terroristes, aucun espoir.” A ses côtés, son mari, Izac, renchérit : “Je ne sais pas si notre gouvernement peut faire quoi que ce soit pour les otages, mais le résultat est là : après 42 jours, ils n’ont rien obtenu. Ils ont bombardé, ils ont tué, mais la situation n’a pas changé.”Les deux septuagénaires ne connaissent pas directement d’otages à Gaza, mais ils sont venus de Kfar-Saba, au nord de Tel-Aviv, pour soutenir les familles sans nouvelles de leurs proches. “Quand plus de 200 personnes sont enlevées dans un pays de neuf millions d’habitants, c’est inconcevable, explique Ofra. On connaît tous quelqu’un dont un proche est retenu à Gaza. Israël est comme une grande famille.”La marche des familles des otages vers JérusalemCe samedi 18 novembre, plusieurs milliers de personnes se pressent à Jérusalem, vers le bureau de Benyamin Netanyahou. Il y a cinq jours, les familles des otages ont lancé une grande marche depuis Tel-Aviv pour rallier la capitale et faire pression sur le gouvernement, afin que le retour de leurs proches devienne la priorité des autorités. Marchant le long des routes, dormant dans des tentes, leur pèlerinage a été suivi par l’ensemble du pays.Avec son sac à dos et une deuxième paire de baskets sur les épaules, Noy Sharf doit s’asseoir sur un rocher en arrivant devant la Knesset, à Jérusalem. La jeune femme de 25 ans, étudiante en psychologie, a profité de la fermeture de son université, dans le nord d’Israël, pour rejoindre la marche des familles des otages. Elle tient dans la main une pancarte avec le visage de l’une de ses meilleures amies, Romi Gonen, dont le sourire sur la photo contraste avec la mine sombre de Noy. “C’est une fille intensément heureuse, toujours à rigoler et à faire la fête, décrit la marcheuse. Le Hamas l’a capturée pendant la rave party du Negev et nous n’avons absolument aucune nouvelle depuis. J’y pense chaque jour, chaque minute, chaque instant.”Noy Sharf (à gauche) a participé à la marche pour la libération des otages, entre Tel-Aviv et Jérusalem, le 18 novembre 2023.Derrière elle, la foule s’est massée autour d’un podium. A la tribune, des proches des otages racontent leur calvaire, celui de leur famille, et réclament des explications au gouvernement. Les discours sont entrecoupés par les milliers de manifestants qui scandent “achshav” – “maintenant” en hébreux. Tous racontent que, depuis le 7 octobre, les autorités ne leur ont rien communiqué, pas même du soutien. “En 42 jours, le Premier ministre n’a pas trouvé le temps de parler aux proches des otages, de les rencontrer, tempête Yael Vardi, petite brune venue de Tel-Aviv, dont une amie de 77 ans se retrouve prisonnière dans la bande de Gaza. Netanyahou dit que notre première mission est de détruire le Hamas, puis de ramener les otages. Mais ça devrait être l’inverse ! Les otages avant tout ! Et après, on peut continuer la guerre…”Dans la foule de marcheurs, la colère contre Netanyahou et ses ministres se veut unanime. Seule une poignée de “pro-Bibi” est venue contester les critiques visant le Premier ministre, faisant monter la tension dans l’assemblée. Devant cette scène, Ran Metzger secoue la tête. “Quand il y a la guerre en Israël, tout le monde s’attend à une union sans faille et que l’on se taise, pose ce consultant en logistique. Mais au contraire, c’est le moment de crier, c’est le moment d’avoir des dirigeants dans lesquels nous pouvons avoir confiance.” Lui réclame le départ immédiat de Netanyahou et a installé son lit dans la rue, devant le bureau du Premier ministre depuis trois jours, avec son frère Gug. “Nous rentrerons chez nous quand Netanyahou rentrera chez lui”, ajoute ce dernier. Les parents des deux frères ont été enlevés par le Hamas le 7 octobre.Gug et Ran Metzger, dont les deux parents sont otages du Hamas à Gaza, lors d’un rassemblement devant la Knesset, à Jérusalem, le 18 novembre 2023.A respectivement 80 et 78 ans, Tamar et Yoram vivaient depuis 1974 dans le kibboutz de Nir Oz, en bordure de la bande de Gaza, quand celui-ci a été attaqué. Lui, ancien vice-président d’une grande compagnie de peinture, continuait de cuisiner pour les familles du village. Elle, enseignante à la retraite, est malade et peut à peine marcher, selon ses deux fils. Depuis le 7 octobre, Ran et Gug n’ont reçu qu’une fois des nouvelles de leurs parents, par l’une des otages libérée par le Hamas. “Elle a vécu pendant deux semaines avec eux, dans des cellules souterraines, raconte Ran Metzger. Tout ce que l’on sait, c’est qu’ils sont arrivés à Gaza en un seul morceau, qu’ils sont nourris et ont pu voir un médecin. Par contre, ils n’ont aucune lumière extérieure depuis 42 jours. Chaque jour qu’ils passent en captivité augmente la probabilité de ne jamais les revoir.” Seulement quatre otages ont été relâchés par le Hamas, dont deux Américaines, et une autre a été libérée par l’armée israélienne. Plusieurs ont été retrouvés morts.Samedi soir, après la dispersion de la grande marche des familles, Benyamin Netanyahou s’est adressé à elles, mais seulement durant une conférence de presse. Son message : “Nous marchons avec vous […] et quand il y aura quelque chose à dire, nous vous le dirons.”



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Author : Corentin Pennarguear

Publish date : 2023-11-19 09:10:41

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Tags :L’Express

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