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“La Rivière” de Dominique Marchais : un très beau film sur les enjeux écologiques actuels

“La Rivière” de Dominique Marchais : un très beau film sur les enjeux écologiques actuels



Jean Cocteau disait : “Le cinéma filme la mort au travail” (la phrase est célèbre). Le fait est que jamais peut-être un film n’aura inspiré ce sentiment à un spectateur.

Dominique Marchais, depuis vingt ans, filme la nature et surtout les paysages ruraux et leur organisation (Le Temps des grâces, La Ligne de partage des eaux, Nul homme n’est une île).
Avec La Rivière, le documentariste s’attache aux gaves, ces rivières qui descendent des Pyrénées pour se jeter dans l’Adour, puis l’océan Atlantique, entre Tournas et Anglet, entre les Landes et le Pays basque, tout près de Bayonne.

Grâce à la parole des êtres humains qui vivent et travaillent sur ou dans ces rivières (paysan·nes, pêcheur·ses, scientifiques, étudiant·es, agents territoriaux, militant·es associatif·ves, etc.), il décrit la destruction d’un paysage, sans jamais juger ni condamner personne – même si la puissance de certains lobbys est dénoncée, comme celui de l’hydro-électricité, de la pêche intensive ou de l’agriculture du maïs dans l’estuaire de l’Adour.

En suivant un saumon

Tout part du saumon. Grâce à l’oreille interne d’un saumon, où s’inscrivent chaque jour les éléments de sa vie, des scientifiques peuvent retracer son existence entière. Depuis sa naissance dans l’eau pure des montagnes hispano-françaises, sa descente vers l’océan, son périple avec ses petites, mais puissantes, nageoires jusqu’au Groenland ou les îles Féroé, puis son retour vers l’Adour, dirigé par les souvenirs que ses oreilles ont enregistrés. Là, soit il est pêché par des filets industriels, soit il commence à remonter les gaves pour revenir frayer là où il est né.

Hélas, l’accumulation des barrages l’empêche de rejoindre les lieux de sa naissance, et on trouve de moins en moins de saumons dans les gaves… D’autant plus que le niveau de l’eau, souvent polluée par les intrants des herbicides, baisse. Parce que les glaciers fondent jusqu’à disparaître, parce que l’agriculture, et notamment celle du maïs, très importante dans la région, pompe jusqu’aux nappes phréatiques pour irriguer ses terres, etc. La biodiversité se rétrécie, les insectes disparaissent, les oiseaux aussi, les ruisseaux sont à sec. Comment notre ami saumon pourrait-il faire ?

Comment lui rendre la vie plus rose ?

C’est tout cela qui est filmé et qu’expliquent calmement tous les interlocuteurs, très conscients de la situation, et même des enjeux économiques (parce que les industries font vivre beaucoup de monde, et personne ne l’oublie, dans La Rivière). Comment revenir en arrière, aider le saumon (mais aussi la truite, attention !) à remonter les rivières ? Surtout, c’est ici que ressurgit la phrase de Cocteau : Dominique Marchais filme longuement la beauté de la rivière, du brouillard, de l’eau qui coule doucement ou rageusement selon les lieux, et que nous nous disons que ce que nous voyons n’est déjà plus. Ou ne sera plus demain. Que le cinéma, ce génie, capte le présent, mais pas l’avenir.

Demeurent tous ces gens rencontrés, motivés, parfois attristés, mués par une colère froide, mais qui, envers et contre tout, gardent l’espoir d’une reconstruction de la nature (comme cet agriculteur bio, qui croise lui-même ses espèces, qui cultive un maïs tellement beau, et peu consommateur d’eau, qu’il en sourit en le regardant), et agissent quotidiennement dans ce but, ne serait-ce qu’en nettoyant les rivières, en les débarrassant des détritus ou des arbres tombés dessus pour que le petit et brave saumon puisse aller s’ébattre et se reproduire plus haut.

À la fin, un spécialiste des papillons tend de grands draps au bord de la gave, comme un écran de cinéma, pour capturer, pour les étudier, de nuit, les espèces qui vivent encore là et viennent s’y projeter dans la lumière électrique qui les attire. Et il en trouve encore. Alors, comme une petite luciole pasolinienne, symbole du retour à une civilisation éclairée, l’espoir renaît. La Rivière est un très beau film.

La Rivière de Dominique Marchais. En salles le 22 novembre 2023.



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/la-riviere-de-dominique-marchais-un-tres-beau-film-sur-les-enjeux-ecologiques-actuels-601567-21-11-2023/

Author : Jean-Baptiste Morain

Publish date : 2023-11-21 10:36:41

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