L’Elysée isole, la fonction isole, même la politique, finalement, isole. Les plus déconnectés des présidents de la République ont dû s’apercevoir qu’on n’entrait pas au Palais comme dans un moulin et que les informations parvenaient à leurs oreilles, parfois diminuées, souvent déformées. Bien sûr, l’ère des sondages a donné l’illusion à certains qu’une lecture sourcilleuse de la dernière étude parue pouvait offrir une idée assez précise de l’état de l’opinion sur tel ou tel sujet testé. Emmanuel Macron, lui, ne s’y trompe pas. Il a beau parcourir avec assiduité les notes des instituts, lire la presse et réviser son petit Fourquet illustré, il sait ces outils insuffisants pour cerner ce peuple français éruptif et fracturé.Alors, “il veille à avoir 1 000 capteurs”, souffle l’un de ses conseillers. Qu’il sollicite au gré de ses envies et des tensions qui agitent le pays. C’est ainsi que l’animateur et humoriste, Yassine Belattar, a, quelques jours avant la marche contre l’antisémitisme, franchi les grilles élyséennes pour rencontrer deux conseillers du chef de l’Etat, selon une information de L’Express. Parce qu’il importait au président de “prendre le pouls des quartiers”, qu’il craint de voir s’embraser depuis que l’attaque terroriste du Hamas et la réplique de l’armée israélienne y ont ravivé les tensions. Et parce que Belattar est, selon l’Elysée, une “personne-ressource”.Que l’intéressé tienne des propos ambigus sur le conflit et son traitement médiatico-politique en France, qu’il crée, a priori, plus de rancœurs que d’unité n’a pas suffi à provoquer l’annulation du rendez-vous. S’il vous plaît… dessine-moi l’opinion. Même quand il s’agit de donner un crayon à celui qui semble souffler sur les braises ? “Perdre un seul capteur lui donnerait l’impression de les perdre tous”, poursuit notre interlocuteur cité plus haut. Mais choisir, hiérarchiser, n’est-ce pas le métier des conseillers ? Quelle naïveté ! Lucide, Emmanuel Macron se sait coupé des réalités, alors… dessinez-lui toutes les opinions ! Ecoutez sans rien manquer, à gauche, à droite, au milieu, en bas… Voici que le “en même temps”, originellement défini comme “le meilleur de la droite et de la gauche”, devient vicié. Ecouter, certes, mais entendre, vraiment ? Ce président n’a pas de passé si ce n’est celui, forcément biaisé, de six années vécues dans ce qui fut longtemps appelé le Château. Mais il a la certitude de “connaître le pays pour deux”. La certitude, ou l’illusion.
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Author : Laureline Dupont
Publish date : 2023-11-21 10:30:00
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Macron, l’opinion et ses “capteurs” : ce que révèle la polémique Yassine Belattar
