Il est 20 heures et le dossier qui doit être validé par le boss ce soir avant d’être présenté demain en comité est toujours bloqué chez un membre de l’équipe. Le N + 1 se crispe et on cherche à relire en urgence la troisième partie sur laquelle le collègue charbonne depuis deux semaines. Seulement, il a disparu de la circulation. Volatilisé depuis 2 heures après ce dernier mail rassurant : “il me reste quelques corrections, tu l’as dans 10 minutes”. Depuis, rien. Il a préféré télétravailler pour terminer au calme et on ne peut même pas lui courir après dans les couloirs. Le chef est hors de lui, il va falloir se coller à cette partie après une journée de dingue. On croise un veinard qui rentre chez lui et auquel on raconte sa déveine. “Ah ? Il t’a planté ? Le mensonge c’est son truc. Tu ne savais pas ? Il va t’inventer un scénario de fou. Mais n’espère rien ce soir, et rattrape le temps perdu car sinon tu seras viré”. Comment ai-je pu me faire berner à ce point ? Des mensonges et des bêtises/Qu’un enfant ne croirait pas/Mais les nuits sont mes églises/Et dans mes rêves j’y crois, décrivait, lucide dans un autre domaine, Patricia Kaas. Pour Jean-Pierre Mercier, créateur de Challenge-Action (société de formation et de conseil), le menteur est l’un des pires collègues que l’on puisse avoir et c’est un élément particulièrement toxique au sein d’une entreprise.Intuition et logiqueAllergique aux menteurs, Jean-Pierre Mercier met en avant deux qualités pour les détecter : l’intuition et la logique. La première nécessite d’écouter sa voix intérieure, son ressenti, quasiment son instinct primaire spontané, lié à son cerveau reptilien en mode survie. “Il faut se méfier quand quelque chose ne sonne pas, quand il y a quelque chose de bizarre, même si on n’arrive pas à identifier ce qui ne va pas”, précise-t-il. En étant aux aguets, la logique suit ou précède l’intuition : il faut appliquer sa propre méthodologie pour ne pas se laisser embarquer dans le conte de fées du menteur. “Rester vigilant, en décalage”. Eviter de succomber à la séduction du collègue parfait avec des solutions et un sourire enjôleur pour tout. Vérifier pourquoi il y a un trou sur son CV et la raison pour laquelle il a brusquement changé de cap professionnel.Les vrais menteurs ont le génie pour ciseler une histoire qui correspond aux biais cognitifs de l’interlocuteur à embobiner. Jamais ils ne révéleront frontalement leur vraie nature, préférant la dissimuler. “Un menteur ment tout le temps”, assène Jean-Pierre Mercier. Alors mieux vaut éviter la terrible erreur de casting.Attention à l’inversion accusatoireLorsqu’un manager est persuadé que son collègue est un menteur, il faut lui parler. Il n’a pas le choix. La première étape est de bien préparer cette discussion, rester logique, bien présenter des faits. Si on reproche des absences, les prouver, les dater. Se documenter avec des faits. Puis, prendre contact “dans un climat positif”, insiste l’expert. “Il ne faut pas le mettre en éveil”. Soit on attaque avec : “j’ai constaté que tu es en retard”, soit on ouvre le débat. C’est plutôt cette solution que préconise l’expert : “gagner sa confiance pour le laisser s’enferrer”. On avance les chiffres, les absences, les faits. C’est le moment le plus délicat de la discussion où le menteur peut exploser de colère ou sortir ses larmes. Il peut aussi rebondir très vite et jouer la diversion. Mais le vrai menteur n’avouera jamais et se victimisera par l’inversion accusatoire : “qu’est-ce que tu cherches exactement ? Pourquoi me fais-tu cela ?”.Difficile dans ces conditions de garder son calme. La solution ? “On s’en sépare, ce sont des plaies”, affirme, définitif, Jean-Pierre Mercier. Quand ils mentent au plus haut niveau de l’entreprise, ils la mettent en danger. Si les chiffres sont faux, car les menteurs se protègent et se valorisent, on peut imaginer que les décisions qui en découlent auront un impact économique et social désastreux sur l’ensemble des équipes. Moralement, ce n’est pas mieux : protéger un menteur, c’est faire du mal à ceux qui font leur travail correctement. Toutefois, le manager ne doit pas se tromper : celui qui ne tient pas ses promesses ou ne dit pas la vérité, pesant le pour et le contre pour protéger quelqu’un par exemple, opte pour le péché véniel. De même, l’affabulateur ou celui qui cache son incompétence par de la gentillesse peuvent être repêchés. “Il faut les amener à avouer leur faiblesse et les aider à se structurer… On commet tous des petits mensonges pour ne pas faire de mal”, conclut Jean-Pierre Mercier. Alors, dans l’entreprise comme ailleurs, plutôt mentir que médire ?
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Author : Claire Padych
Publish date : 2023-11-21 04:00:00
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