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“Split” d’Iris Brey : un manifeste vibrant sur le “female gaze” et une série réussie

“Split” d’Iris Brey : un manifeste vibrant sur le “female gaze” et une série réussie



Critique cinéma et séries, notamment aux Inrocks, mais aussi essayiste et théoricienne, Iris Brey a importé et creusé la notion de female gaze, c’est-à-dire de regard féminin au cinéma, dans un essai important (Le Regard féminin – Une révolution à l’écran) paru en 2020. S’établissant contre une approche patriarcale et phallocentrée de la production audiovisuelle (autrement dit le male gaze), jusque-là archi-dominante, l’ouvrage avançait des réflexions concrètes pour court-circuiter cet ordre établi. En passant de l’autre côté de la création, la journaliste reconvertie en showrunner s’attache à suivre scrupuleusement les notions qu’elle a elle-même établies pour faire de sa série – Split, développée pour la plateforme France·tv Slash – un cas reluisant de female gaze appliqué.
Lors d’un tournage, Anna (Alma Jodorowsky), cascadeuse de 30 ans, tombe amoureuse de la star qu’elle double. C’est Ève (Jehnny Beth), chanteuse célèbre et actrice en devenir, depuis longtemps outée. Si elle se croyait heureuse dans son couple avec Nathan (Ralph Amoussou), par ailleurs chef opérateur sur le tournage, Anna se sent soudainement troublée par ce désir ardent qui s’impose à elle et la questionne, lui faisant reconsidérer sa supposée hétérosexualité.
De la naissance du désir à son acceptation
De ce pitch somme toute commun, Iris Brey tire un manifeste vibrant sur le regard féminin, qui n’oublie néanmoins jamais d’être une série. Car si Split empile les motifs et les caractéristiques du female gaze, elle les incorpore de manière organique à cette histoire d’amour qui parvient, malgré son format ramassé (cinq épisodes de moins de 20 minutes) à radiographier finement les étapes et remous d’un cheminement : celui qui conduira Anna, de la naissance d’un désir impérieux à son acceptation, à voguer depuis l’hétérosexualité vers le lesbianisme. Car “quitter son mec pour une meuf, c’est quitter l’hétérosexualité”, la prévient l’une de ses amies lesbiennes. Et d’ajouter : “C’est quitter un système.”
Ce système, qui a fait la part belle au male gaze, est méthodiquement démonté par Iris Brey, qui offre à sa série un bel écrin : le tournage dans un château (et ses jardins) d’un biopic sur Musidora, vamp prototypique et star du muet, déjà mise à l’honneur l’an dernier par Assayas dans sa réadaptation sérielle d’Irma Vep. Cette fiction dans la fiction occasionne de belles séquences, que la réalisatrice saisit par touches pointillistes, usant de split screens pour scruter les détails et dédoubler à l’écran le trouble amoureux en germe entre une actrice et sa doublure.
Dans une conférence donnée à Lausanne en 2021, Iris Brey estimait que “rendre érotiques le partage et la réciprocité est peut-être la chose la plus urgente à faire aujourd’hui”. Prophétie pleinement réalisée par Split, qui fait du désir partagé d’une femme pour une autre (et donc d’un regard doublement féminin) son objet d’étude autant que le moteur de son récit, et parvient, au gré de scènes de sexe à l’érotisme velouté, à le porter à incandescence.
Split d’Iris Brey, avec Alma Jodorowsky, Jehnny Beth, Ralph Amoussou. Sur France·tv Slash, le 24 novembre.



Source link : https://www.lesinrocks.com/series/split-diris-brey-un-manifeste-vibrant-sur-le-female-gaze-et-une-serie-reussie-597851-21-11-2023/

Author : Léo Moser

Publish date : 2023-11-21 08:00:00

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Tags :Les Inrocks

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