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Dépression : “40 % des patients ne répondent pas aux antidépresseurs”

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C’est une des figures les plus reconnues de la neurobiologie française.Mardi 21 novembre, Jocelyne Caboche, directrice de recherche au CNRS, récipiendaire de la légion d’honneur, médaillée du CNRS, a reçu le prix Marcel Dassault – Fondation fondamentale pour ses travaux prometteurs sur de nouvelles molécules permettant de lutter contre la dépression sévère, alors que les traitements actuels subissent un important taux d’échec. Entretien.L’Express : La dépression reste encore peu prise en charge dans nos sociétés. Pourtant, on va à la pharmacie dès le moindre rhume. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?Jocelyne Caboche : C’est une maladie difficile à diagnostiquer, y compris par le patient. Quelle est la différence entre la baisse d’humeur, la déprime, la dépression ? Souvent, on considère que c’est le signe d’une faiblesse, on a donc tendance à ne pas en parler. D’autant plus qu’il y a une large méconnaissance des traitements, des modes d’actions, des délais avant efficacité. Tout ceci nuit à la prise en charge.Le médecin peut aussi avoir des difficultés à reconnaître la dépression. Les symptômes, tels qu’ils sont définis, décrits, dans le DSM, l’ouvrage de référence, sont complexes et divers : il peut s’agir d’une perte de plaisir, d’anxiété, de troubles métaboliques, d’une perte de poids, de libido. Il faut détecter au moins deux de ces symptômes, et qu’ils soient constants, tous les jours pendant une semaine, pour détecter une dépression. Difficile de s’y retrouver.A quel point ces dépressions sont-elles répandues ?Les troubles majeurs dépressifs affectent les fonctions psychologiques et diminuent la qualité de la vie. Environ 350 millions de personnes sont affectées dans le monde. Le nombre de cas a bondi de 25 % depuis la crise sanitaire. Ce sera la première cause d’invalidité socio-économique et médicale à l’horizon 2030. C’est une affection particulièrement diagnostiquée dans les pays développés, mais cela s’explique surtout par l’accès aux dépistages, qui est bien plus simple et courant dans ces zones du monde.Quels sont les traitements disponibles actuellement ?Les antidépresseurs agissent systématiquement sur les taux de mono-amine, ces substances naturelles, comme la sérotonine, la dopamine ou la noradrénaline que le cerveau envoie dans la synapse entre deux neurones pour réguler leur activité. Pour se réguler et jauger quelle quantité de ces neurotransmetteurs est nécessaire, le cerveau en recapture une partie.Les antidépresseurs de première génération empêchent ce mécanisme de recapture. Ainsi, le cerveau se met à produire plus de mono-amines. Ceux de deuxième génération suppriment les mono-amines oxydase, des enzymes chargées de faire le ménage, de dégrader la sérotonine ou la noradrénaline. Là encore le but est d’augmenter les taux. La troisième génération mélange les deux actions.Mais ces molécules ne sont pas idéales. Leurs délais d’action sont très longs. Il faut au moins quatre semaines avant que les antidépresseurs fassent effet. Environ 40 % des patients ne répondent pas à ces molécules. Et il existe des effets secondaires importants, qui entraînent des arrêts de soins prématurés. En réalité, peu de gens voient leur qualité de vie s’améliorer à la suite de ces prescriptions.De nouvelles molécules apparaissent, comme la S-Kétamine. Elle agit en une injection intranasale, et a un effet antidépresseur immédiat. Mais c’est un agent dissociatif hallucinogène. Il faut donc être sous surveillance médicale pour être pris en charge. Restent également les électrochocs, toujours utilisés pour stimuler l’activité cérébrale dans les zones atteintes par la dépression. Mais là encore, c’est un processus très contraignant car invasif : un acte chirurgical est nécessaire.Que proposez-vous ?Avec les recherches que nous menons à l’Institut de Biologie Paris Seine – Sorbonne, et avec la start-up que nous avons créée, MElkin Pharmaceuticals, nous essayons de comprendre les mécanismes intimes, cellulaires, moléculaires, qui gouvernent les maladies psychiques au sein du cerveau. Au lieu d’influer sur les taux hormonaux, nous voulons agir directement sur les neurones, à l’intérieur de la cellule. Ainsi, nous espérons que l’action sera plus ciblée, et donc plus efficace et durable.En réalisant des autopsies, nous avons découvert que les personnes dépressives produisent plus de protéines ELK-1*. Nous avons développé un peptide, PElk, capable de bloquer ces fonctions chez la souris, puis testé ces effets chez ces animaux soumis volontairement à un état dépressif, par l’intermédiaire d’un stress chronique. Après plusieurs injections, leur état s’est amélioré. Et en combinaison avec le PElk, les antidépresseurs ont un effet plus rapide.Agir sur la concentration de cette substance dans le neurone constitue donc une piste prometteuse, et réellement novatrice, qui pourrait réduire les délais d’action des traitements. D’autant plus que durant les tests, aucune toxicité n’est apparue. Nous avons déposé des brevets. Mais il reste encore beaucoup d’étapes avant un potentiel traitement. Il va falloir trouver des molécules stabilisées, au mode d’administration garantissant qu’elles ne soient pas trop dégradées par l’organisme…*Antidepressive effects of targeting ELK-1 signal transduction, Nature Medicine, 2018.



Source link : https://www.lexpress.fr/sciences-sante/depression-40-des-patients-ne-repondent-pas-aux-antidepresseurs-FDGZR6BL6JHZRKV2WZ5QFKLG5M/

Author : Antoine Beau

Publish date : 2023-11-22 13:44:32

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Tags :L’Express

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