En marketing, on appelle cela “l’effet waouh”, ce moment magique où l’annonce d’une campagne de pub ou la sortie d’un nouveau produit provoque ce petit frémissement, ce sentiment enivrant proche de la sidération. En politique aussi, l’effet waouh est recherché. Depuis plusieurs jours, l’Elysée fait monter la pression, distillant au compte-goutte les informations. Ce jeudi 23 novembre, à Chartres, lors d’un déplacement sur le thème de la réindustrialisation, Emmanuel Macron devrait annoncer le plus gros investissement industriel dans le secteur de la santé de ces cinq dernières années, celui du laboratoire danois Novo Nordisk. Un chiffre à plusieurs centaines de millions d’euros et qui pourrait même tutoyer le milliard… Waouh donc ! Déjà, en janvier dernier, ce spécialiste des traitements contre le diabète avait investi 130 millions d’euros dans son usine historique d’Eure-et-Loir pour tripler sa capacité de fabrication de stylos injecteurs d’insuline. Aujourd’hui, il s’agirait de créer de nouvelles lignes de production dédiées à de nouvelles aires thérapeutiques, et pourquoi pas au fameux Wegovy, un coupe-faim dérivé d’un médicament contre le diabète, qui connaît un succès mondial fulgurant.Alors que la France a fait de la santé, aux côtés des batteries électriques, des semi-conducteurs ou de l’hydrogène, l’un des secteurs clés du renouveau de sa politique industrielle, cette annonce claque. Avec les giga-usines de ProLogium à Dunkerque (5,2 milliards d’euros d’investissement), de STMicroelectronics à Crolles (7,5 milliards d’euros), celles d’Eastman ou encore de Verkor, c’est l’image d’une France attractive et conquérante qui se dessine. Une France qui se réconcilie enfin avec ses usines.Voilà pour la belle histoire. La vérité est – un peu – plus aride.D’abord parce que la compétition européenne pour attirer ces projets gigantesques est redoutable. C’est finalement en Allemagne qu’un autre laboratoire pharmaceutique, l’américain Lilly, concurrent de Novo Nordisk, a annoncé, il y a quelques jours, un investissement de 2,3 milliards d’euros. Et c’est la Hongrie qui devrait accueillir la méga-usine de voitures électriques du constructeur chinois BYD, un projet sur lequel salivait le gouvernement français et qui promet d’être aussi important que celui de Tesla à Berlin.La course aux subventionsDans cette bataille européenne, le montant des subventions publiques fait souvent la différence. Pour attirer le taïwanais ProLogium, l’Etat français et les collectivités locales auront promis quelque 1,5 milliard de subventions. Et lorsque Berlin a décroché en juin le projet d’Intel à 30 milliards d’euros dans les semi-conducteurs, le gouvernement allemand a mis sur la table près de 10 milliards de cadeaux…Ensuite, parce que derrière les annonces très médiatisées de ces méga-usines, la réalité de la réindustrialisation de la France est aussi plus contrastée. Selon les dernières données du cabinet Trendeo, les ouvertures d’usines sont certes plus importantes que les fermetures depuis deux ans, mais le solde reste lilliputien. Pire, les recours très nombreux de riverains ou d’associations écologistes poussent encore certains patrons à jeter l’éponge. Ainsi, le groupe Le Duff a renoncé au printemps dernier à implanter en Bretagne sa nouvelle usine Bridor : les croissants de ce géant français de l’agroalimentaire seront cuits au Portugal. Récemment, dans l’Aisne, le projet du danois Rockwool de construire une usine de fabrication de laine de roche a déclenché la colère des habitants. Et tant pis si ce matériau est très utile pour isoler les bâtiments… Comme quoi, la réindustrialisation doit encore se frayer un chemin dans les esprits.
Source link : https://www.lexpress.fr/economie/politique-economique/reindustrialisation-emmanuel-macron-et-le-syndrome-de-leffet-waouh-WBF4CTAYWNBQHI7LVZGDJLC5XA/
Author : Béatrice Mathieu
Publish date : 2023-11-22 10:00:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.