Approchant de ses 60 ans (il va les fêter en 2024), le Théâtre Sorano – illustre fief des arts scéniques à Toulouse – connaît une stimulante nouvelle jeunesse grâce à son directeur actuel, le metteur en scène Sébastien Bournac. À la tête du lieu depuis janvier 2016, celui-ci y développe avec passion un projet orienté en priorité vers l’accompagnement et la mise en valeur de la jeune création théâtrale.
Investi dans plusieurs réseaux de soutien aux compagnies en devenir, dont le réseau interrégional Puissance Quatre, le Sorano organise par ailleurs un festival, initié en novembre 2016 et joliment baptisé Supernova, qui permet d’explorer cette foisonnante nébuleuse juvénile. Cousin toulousain du festival Impatience proposé par le Centquatre-Paris (les deux étant partenaires), Supernova apparaît aujourd’hui comme l’un des événements phares en France dédiés à la scène émergente.
S’étendant sur près de trois semaines, l’édition 2023 rassemble une douzaine de pièces, visibles au Sorano et dans diverses autres salles de la ville rose (ThéâtredelaCité, Théâtre Garonne, RING…). Après avoir largement traversé ce “laboratoire sensible de futures esthétiques singulières” (pour reprendre les mots de Sébastien Bournac), le festival touchant à sa fin, l’on peut dresser un bilan global tout à fait positif.
Énergie de (sur)vie
Quatre créations se détachent plus particulièrement. Tout d’abord, La Nuit se lève, au fort pouvoir de remuement. Avec autant de tact que de détermination, le collectif Les Palpitantes s’empare ici d’un sujet ô combien sensible – l’inceste – pour générer une expérience chorale saisissante de justesse, très musicale, portée par cinq comédiennes réellement palpitantes (dont l’autrice et metteuse en scène, Mélissa Zehner) et innervée par une incoercible énergie de (sur)vie.
Dans un registre tout autre, Travol’Time réunit sur le plateau une jeune femme (Adeline Fontaine) et un jeune homme (Alexis Ballesteros) vivant à la campagne et rêvant d’un show qui représenterait leur quotidien sous la forme d’une comédie musicale américaine, avec John Travolta comme figure totémique. Inventive et enlevée, souvent drôle, la pièce offre une évocation très originale de la vie rurale – nourrie du vécu d’Adeline Fontaine – et livre une ode sous-jacente à la magie transcendante de la scène.
Belle bizarrerie
Avec Heimweh/Mal du pays, le metteur en scène helvète Gabriel Sparti, “exilé” en Belgique, observe un homme qui découvre un pays hiératique ressemblant étrangement à la Suisse et se confronte à trois autochtones d’un flegmatisme inébranlable. Inscrite dans un dispositif scénographique minimaliste, la pièce suit une trame très ténue et cultive un humour burlesque tout en retenue, au bord de l’absurde. Le jeu savoureusement décalé des quatre interprètes ajoute encore à la belle bizarrerie de cette satire pince-sans-rire.
De leur côté, les quatre interprètes d’En une nuit – qui signent ensemble l’écriture et la mise en scène de la pièce – imaginent avec nous ce que pourrait être un spectacle inspiré par la figure de Pier Paolo Pasolini et centré sur son assassinat (dans la nuit 1er eu 2 novembre 1975). Partageant les questionnements de leur processus créatif, donnant à voir le théâtre en train de se faire, brouillant la frontière entre le réel et son double, ils et elles s’attachent avant tout à restituer par ce biais distancié l’inaltérable puissance contestataire – à la fois politique et poétique – de Pasolini. Entre enquête et mise en abîme, une pièce captivante, menée à un rythme allègre, sur un artiste hors normes.
Festival Supernova, jusqu’au 25 novembre à Toulouse, Théâtre Sorano.
La Nuit se lève, du 31 janvier au 2 février 2024 à Grenoble, MC2 ; le 9 mars 2024 à Montpellier, Théâtre des 13 Vents ; le 27 avril 2024 à Sète, Théâtre Molière.
Travol’Time, du 31 janvier au 6 février 2024 à Tarbes, Le Parvis ; les 8 et 9 février à Couffoulens, Théâtre dans les vignes ; le 4 avril 2024 à Nîmes, Le Périscope ; le 6 avril 2024 à Foix, L’Estive ; le 24 mai 2024 à Paris, L’Étoile du Nord.
Heimweh/Mal du pays, du 28 au 30 novembre à Saran, Théâtre de la Tête noire, en co-accueil avec la Scène nationale d’Orléans.
En une nuit, les 15 et 16 décembre à Paris, Plateaux sauvages (Festival Impatience).
Source link : https://www.lesinrocks.com/arts-et-scenes/a-toulouse-le-festival-supernova-invite-a-decouvrir-le-theatre-de-demain-602004-23-11-2023/
Author : Jérôme Provençal
Publish date : 2023-11-23 16:15:20
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