Une première percée diplomatique, au 47e jour de la guerre. Israël et le Hamas ont annoncé dans la nuit de mercredi avoir conclu un accord prévoyant, à partir de vendredi, une trêve de quatre jours et la libération de 50 otages israéliens en échange de 150 prisonniers palestiniens. La concrétisation des efforts diplomatiques entrepris depuis des semaines par Doha avec Washington et Le Caire pour négocier une pause – pour l’heure temporaire – dans ce conflit déclenché par l’attaque sans précédent du groupe terroriste contre l’Etat hébreu, le 7 octobre. “Cela montre que les canaux de discussion fonctionnent et que les intermédiaires jouent leur rôle”, estime Etienne Dignat, chercheur associé au Centre de recherches internationales de Sciences Po (CERI) et auteur de La rançon de la terreur : Gouverner le marché des otages (PUF, 2023).L’Express : Quel regard portez-vous sur l’accord qui a été conclu mercredi entre le Hamas et Israël ?Etienne Dignat : Si cette libération se met bien place – car on voit qu’un report d’un jour a été décidé -, alors ce sera un signal positif. Il est rare de voir se concrétiser un échange de prisonniers aussi massif dans ce type de situation. Cela montre que les canaux de discussion fonctionnent et que les intermédiaires jouent leur rôle. Surtout, il s’agit à mon sens d’un accord qui satisfait tout le monde. Israël d’abord, dans la mesure où cela lui permet d’obtenir le retour de femmes et d’enfants qui avaient été pris en otage le 7 octobre. C’est évidemment un enjeu très important pour la population israélienne.Plus largement, cet accord est bienvenu pour les Occidentaux. Il devrait leur permettre de libérer certains de leurs citoyens, sans avoir eu besoin d’être en première ligne pour négocier, ni avoir eu à faire des concessions en leur nom propre.Et pour le Hamas ?En ce qui concerne le Hamas, il est aussi bénéfique. Cela lui permet tout d’abord de relâcher une forme de pression. Déjà une pression militaire, parce qu’il y a une trêve, mais aussi une pression vis-à-vis de sa population qui subit de plein fouet les attaques israéliennes. Ensuite, cela lui donne l’occasion de sortir d’une posture de passivité. Si, jusqu’à présent, il ne faisait que subir la réponse militaire israélienne, cet accord lui permet de montrer qu’il est capable d’obtenir des concessions de la partie adverse et qu’il est un acteur sur lequel il faut compter. Il réaffirme ainsi son leadership à Gaza, mais aussi vis-à-vis de l’Autorité palestinienne.Que peut-il se passer après les quatre jours de trêve ?C’est difficile à dire. Benjamin Netanyahou a affirmé qu’il était décidé à reprendre les combats une fois la trêve terminée. Toutefois, les Israéliens ont indiqué qu’ils étaient prêts à accorder des jours de trêve supplémentaires, si de nouvelles libérations d’otages se profilaient. La porte semble donc rester ouverte, et on ne peut pas exclure que la trêve se prolonge dans le temps.Cet accord peut-il être un premier pas en vue d’une issue politique à ce conflit ?C’est très difficile à dire tant les positions semblent antagonistes. Mais on peut espérer que les canaux de discussion qui ont été mis en place lors de cette première phase de négociation continueront à être utilisés pour mener d’autres pourparlers en vue de libérer plus d’otages ou obtenir un cessez-le-feu. Tant qu’il y a du contact, cela fait partie de l’éventail de possibilités. Par le passé, on a pu observer dans d’autres pays, comme en Colombie, que les libérations d’otages avaient ouvert la voie à des négociations plus amples. Ce processus peut-il se produire de la même manière ici ? Il est trop tôt pour affirmer.Emmanuel Macron a affirmé mercredi œuvrer “sans relâche pour que tous les otages soient libérés”. Est-ce un scénario envisageable ?Cette demande a effectivement été formulée par le président français, et on le comprend aisément : tous les pays impliqués, que ce soit la France, les Etats-Unis, Israël ou le Qatar visent la libération de tous les otages. C’est cependant un objectif difficile à atteindre pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les otages ne sont pas tous détenus par le Hamas. Certains le sont par le Djihad Islamique, ou d’autres groupes armés, ce qui complique les négociations. Ensuite, il n’est pas non plus certain qu’Israël accepte les nouvelles concessions qui pourraient lui être demandées, surtout si les profils des prisonniers à libérer changent.A cela s’ajoute le fait que le Hamas n’a probablement pas intérêt à libérer tous les otages. En effet, tant qu’il en conserve, il conserve une capacité de chantage. Il devrait donc plutôt en libérer au coup par coup, afin de garder un moyen de pression pour obtenir, par exemple, de l’aide humanitaire ou du carburant.La question de la libération des combattants est-elle particulièrement délicate ?Absolument. En ce qui concerne les soldats, les choses sont plus compliquées pour trois raisons. La première, c’est que, dès le départ, le gouvernement israélien s’est focalisé sur la libération des civils. La deuxième, c’est que le Hamas considère les soldats comme des ennemis par nature, parce qu’ils portent l’uniforme israélien. Dès lors, il sera moins enclin à les libérer. La troisième chose, c’est que le Hamas cherchera probablement à faire jouer un principe d’équivalence, c’est-à-dire à demander la libération de ses propres combattants en échange de la libération des soldats israéliens. Or, cela semble difficilement acceptable pour Israël compte tenu des grandes craintes sécuritaires qui traversent la société depuis l’attaque du 7 octobre.Cet accord conforte-t-il le rôle du Qatar comme médiateur sur la scène internationale ?Le Qatar est le pays qui ressort comme le grand gagnant de ces négociations. Il apparaît comme un acteur indispensable, qui a de bons réseaux et est capable, sur certains dossiers, d’obtenir ce que les Occidentaux ou leurs alliés demandent. En jouant, par ailleurs, un rôle de médiateur que ces derniers ne voulaient ou ne pouvaient pas jouer. Ces négociations sont donc un moyen pour le Qatar de maintenir de bonnes relations avec l’ensemble des parties et de s’affirmer comme un acteur diplomatique important. Ce qu’il ne manquera pas de rappeler en temps voulu lorsqu’il en aura besoin. Au vu de son voisinage régional complexe, il est important pour ce petit pays du Golfe de consolider ses alliances.
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Author : Paul Véronique
Publish date : 2023-11-23 06:45:00
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