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Françoise Coste : “Si Ronald Reagan revenait dans l’Amérique de Trump, il ne reconnaîtrait rien”

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Spécialiste du Parti républicain, l’historienne Françoise Coste est l’auteure de Reagan (Perrin), une biographie consacrée à l’ex-locataire de la Maison-Blanche (1981-1988). Aujourd’hui considéré comme un “grand président”, celui-ci fut l’inventeur de la formule “Let’s make America great again”, reprise par Donald Trump. Tout juste rentrée d’un voyage d’étude dans le sud des Etats-Unis, Françoise Coste redoute la tournure que prendrait un éventuel second mandat de Trump.L’Express : Donald Trump réussira-t-il son come-back ?Françoise Coste : Avec 40 points d’avance sur ses concurrents républicains, je ne vois pas comment il pourrait perdre les primaires qui démarrent dans deux mois. Son ex-vice-président Mike Pence s’est retiré de la course en octobre. D’autres devraient jeter l’éponge prochainement. En janvier, les précandidats ne seront qu’une poignée. Même pour Nikki Haley, dont la percée est réelle mais limitée, rattraper Trump semble mission impossible.D’après moi, cette ancienne ambassadrice à l’ONU (2017-2018) se positionne pour le poste de vice-présidente. Afin d’être légitime aux yeux de Trump, elle doit rester dans la course le plus longtemps possible, au moins jusqu’au New Hampshire, courant janvier.Pourquoi le petit New Hampshire (1,3 million d’âmes) compte-t-il pour elle ?Parce qu’elle est d’origine indienne et que c’est un Etat peuplé à 97 % de Blancs, à l’image de l’électorat républicain. Si elle y est performante, Trump y verra un signal positif. Nikki Haley a déjà fait ses preuves en Caroline du Sud, où elle a été élue gouverneure en 2010 et 2014 (les Blancs y représentent 67 % de la population), mais il faut vérifier si elle est “bankable” hors de son Etat natal.Trump ou Biden : votre pronostic ?Le bilan économique (plein emploi, inflation jugulée, croissance) de Biden est très bon. Parmi les pays riches, les Etats-Unis sont celui qui a le mieux rebondi après le Covid. En raison des procédures judiciaires contre Trump, le président sortant devrait faire la course en tête, largement. Mais nous ne sommes plus dans un monde logique. En 2016, tout le monde se gaussait de Trump et pensait que la victoire d’Hillary Clinton ne serait qu’une formalité. Rien de tel aujourd’hui.Les événements au Moyen-Orient favorisent-ils Trump ?Les sondages révèlent l’inquiétude des juifs américains vis-à-vis des manifestations propalestiniennes sur les campus. Ils sont très reconnaissants à Biden pour son soutien à Israël. A l’inverse, les moins de 30 ans lui reprochent ce positionnement. Une fracture se creuse entre générations, côté démocrate. Certains jeunes s’abstiendront ou voteront pour le candidat indépendant (et hors système) Robert F. Kennedy Jr – qui a pourtant flirté avec l’antisémitisme en suggérant que le Covid épargnait les juifs – plutôt que donner leur voix à Biden. Ce sera un vote protestataire, comparable à celui pour Jean Lassalle en France en 2022.A quoi ressemblerait Trump 2 ?Ce serait Trump 1 mais en pire parce qu’il sera plus aguerri et que, désormais, il connaît les institutions. Lors du premier mandat, il s’était entouré de membres de l’establishment républicain pour compenser son inexpérience. Il y avait aussi les généraux Jim Mattis (secrétaire à la Défense) et H.R. McMaster (conseiller à la sécurité nationale) pour le guider sur les questions internationales, sans oublier l’austère et méthodique général John Kelly (chef de cabinet). Ces garde-fous ne sont plus là.Sa présidence serait-elle “illibérale” ?Trump rejette les institutions. Il a déjà annoncé qu’il poursuivra en justice Biden et ses conseillers. On ignore dans quel but ; ce serait une simple vendetta. A la Chambre des représentants, le nouveau speaker [NDLR : président de l’assemblée], l’ultraconservateur Mike Johnson élu le 25 octobre, présiderait, s’il est reconduit, une majorité qui partage avec Trump la conviction erronée que Biden a été élu frauduleusement en 2020. Il n’est pas seul : le 6 janvier 2021, pas moins de 150 élus de l’actuelle Chambre des représentants et une dizaine de sénateurs ont refusé de valider l’élection de Biden…Par ailleurs, Trump renouera avec ses attaques contre la presse, alors que le “quatrième pouvoir” a longtemps été un pilier fondamental de la démocratie américaine. Des tensions sont aussi à prévoir avec l’état-major de l’armée, qu’il déteste parce que le haut commandement l’a bloqué sur plusieurs sujets. Trump voulait quitter l’Otan ? Le Pentagone l’en a dissuadé. Trump voulait attaquer l’Iran ? Les généraux l’ont tempéré. Trump voulait organiser une parade militaire à Washington sur le modèle du défilé du 14-Juillet ? Les généraux ont freiné des quatre fers parce que ce n’est pas dans la tradition américaine. Aux Etats-Unis, l’armée est en effet très légaliste. Par tradition, elle respecte la primauté des civils sur les militaires. Ce n’est pas un hasard si elle est restée du côté de la Constitution lors de l’insurrection du Capitole. Trump, lui, a affirmé récemment n’avoir jamais rencontré des personnes plus idiotes que les généraux américains, notamment le chef d’état-major Mark Milley [NDLR : parti en retraite le 29 septembre] qui, selon lui, aurait mérité… la peine de mort !Les procédures judiciaires peuvent-elles arrêter Trump ?Le cas de la Géorgie est le plus intéressant, car c’est un procès au niveau de l’Etat. Cela signifie qu’en cas de condamnation, Trump ne pourrait pas s’autogracier ainsi qu’il veut le faire pour les procès devant les tribunaux fédéraux. Surtout, il ne pourrait pas davantage faire pression sur le gouverneur pour qu’il l’amnistie. La Géorgie est l’un des deux seuls Etats sur 50 où le gouverneur ne dispose pas du droit de grâce.Que penserait Ronald Reagan de Donald Trump ?Si Reagan [NDLR : 1911-2004] revenait aujourd’hui, il ne reconnaîtrait rien : ni le Parti républicain de Trump, ni le débat politique, ni son pays. Contrairement à son lointain successeur, il avait foi en l’Otan. Se détourner de l’Europe pour laisser le champ libre aux Russes lui paraîtrait abject. Quoi qu’on pense de lui, Reagan respectait les institutions et chérissait l’idéal démocratique. S’il n’avait pas été réélu en 1984, jamais il n’aurait fomenté une insurrection devant le Capitole pour rester au pouvoir.Françoise Coste, historienne et biographe de Ronald Reagan.



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Author : Axel Gyldén

Publish date : 2023-11-23 04:30:00

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Tags :L’Express

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