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L’appel de médecins, nutritionnistes et chefs : “Stop aux dictatures alimentaires !”

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Pas une saison ne passe sans que des recommandations alimentaires, souvent à des fins marketing, se multiplient en s’appuyant sur des données insuffisantes et discutables. Ces recommandations et les conduites alimentaires qui en découlent peuvent entraîner des conséquences sérieuses pour ceux qui les suivent, tant notre santé est liée à ce que nous mangeons. Rappelons que 40 % des cancers sont attribués à notre mode de vie et à l’environnement. Le tabac et l’alcool sont responsables du plus grand nombre de cas de cancers évitables, suivis par le surpoids et l’obésité. Parmi ces facteurs, la majorité regroupe donc des facteurs nutritionnels sur lesquels il est possible d’agir.Nous, médecins, nutritionnistes, chefs cuisiniers, scientifiques, usagers… prenons la plume aujourd’hui pour nous ériger contre ces recommandations qui pousseraient une partie de nos concitoyens à basculer vers une radicalité dans l’observance de certains “régimes”, sans aucune compréhension des risques qu’ils peuvent prendre. Nous souhaitons rappeler ici les informations vérifiées, scientifiques et essentielles sur l’alimentation dans un contexte où les fake news inondent les réseaux.Des raisons médicales, dont l’obésité, peuvent justifier de modifier son alimentation. En France, 1 personne sur 2 est en surcharge pondérale et 1 sur 6 en situation d’obésité. Si sans doute 10 % des cas d’obésité seraient d’origine génétique, la grande majorité est liée aux conditions et modes de vie dont une mauvaise alimentation.Depuis 2021, en France, l’obésité est considérée comme une maladie chronique mais ne bénéficie pas de la prise en charge à 100 % dans le cadre d’une affection de longue durée (ALD). Cette reconnaissance en ALD pourrait permettre aux patients concernés de bénéficier, avant même la survenue de complications (maladies cardiovasculaires, diabète, hypertension artérielle et nombreux cancers), d’une prise en charge médicale adaptée et d’une véritable éducation thérapeutique.Non transformésParmi les autres situations justifiant une alimentation spécifique, figurent les intolérances alimentaires et certaines allergies. L’intolérance au lactose et à une partie des produits laitiers concernerait environ 30 % de la population en France. Par ailleurs, de nombreuses personnes souffrent de douleurs digestives en ingérant du gluten particulièrement présent dans le blé et les produits qui en contiennent. L’exclusion du lactose et celle du gluten doivent cependant être médicalement encadrées, car pouvant entrainer des carences.Enfin, les avancées de la recherche fondamentale semblent montrer que le régime cétogène, en réduisant les aliments contenant des glucides, pourrait, pour certains patients vivant avec un cancer (entre 6 et 10 % d’entre eux), constituer une piste pertinente en complément des traitements habituels.Une alimentation saine passe essentiellement, à l’instar des régimes méditerranéens, par des produits frais, variés et non transformés : légumes, fruits, produits céréaliers peu raffinés (contenant fibres et vitamines), légumineuses, poissons et, de façon plus modérée, laitages et viandes. C’est bon pour la santé, car c’est une façon de se passer des additifs que renferment la plupart des aliments transformés (conservateurs, colorants, agents de texture…). C’est bon pour le portefeuille, à qualité égale, les produits non transformés étant moins coûteux que ceux qui le sont. Et enfin, c’est bon pour la planète (moins d’agriculture intensive, moins d’emballages, produits locaux et de saison…).Nous appelons à retrouver le plaisir de cuisiner ces produits sélectionnés, de prendre le temps de les déguster ensemble, assis autour d’une table. Car une bonne assimilation dépend aussi d’une bonne digestion et donc de la façon d’ingérer les aliments.Information fiableRappelons que les quatre piliers de notre alimentation sont le fer, le calcium, les phytonutriments (fruits et légumes) et les acides gras essentiels. Or les aliments ne se valent pas tous : pour combler nos besoins en fer, certains aliments peuvent être riches en fer peu assimilable (épinards, légumes secs cuits) alors que d’autres en contiennent des quantités importantes bien assimilables (viande, poisson ou foie) ; de même pour le calcium, 150 ml de lait de vache (180 mg de calcium) équivalent à 600 grammes de légumes secs. De ce fait, ceux qui suivent un régime végétalien ou végétarien doivent être extrêmement vigilants. Les risques liés aux carences en fer, en calcium ou encore en vitamine B12 (présente uniquement dans les produits d’origine animale) sont bien documentés (anémie et fatigue, ostéoporose et fragilité du squelette, troubles neurologiques, …). Les conséquences de ces carences sont majeures chez l’enfant.Il est urgent de diffuser, notamment auprès des populations les plus défavorisées qui souffrent le plus de troubles nutritionnels, une information fiable sur l’alimentation. Celle-ci doit concerner les cantines scolaires (c’est dès l’enfance que les habitudes se prennent), les entreprises, les Ehpad, et tous les lieux de collectivité rassemblant des personnes, quel que soit leur milieu socio-économique. A cet égard, on ne peut que saluer le Nutri-Score qui est un outil utile pour guider le consommateur dans ses choix alimentaires. Mais il faut aller plus loin. Nous connaissons, par exemple, les ravages des sodas trop sucrés ; il y aurait un message de santé publique simple à marteler partout : tout ce qui n’est pas de l’eau est un aliment !Avec une posture mesurée, nous sommes convaincus qu’il est possible de trouver un mode d’alimentation “œcuménique” qui permette d’allier hédonisme et bénéfices pour notre santé et pour notre planète. Selon Katerina S. Stylianou, chercheuse en diététique à l’université du Michigan, en remplaçant seulement 10 % de l’apport calorique quotidien provenant de la viande (notamment bœuf et charcuterie) par des fruits, des légumes, des noix, des légumineuses et certains fruits de la mer, on pourrait ainsi obtenir des améliorations substantielles de la santé (48 minutes de vie gagnées/personne/jour) et une réduction de 33 % de l’empreinte carbone alimentaire.S’il faut rompre avec l’alimentation typiquement occidentale (“Western diet”) qui conduit l’humanité au surpoids et à l’obésité et ruine notre planète, il convient de ne pas passer, sans réflexion ni prudence, à des régimes d’exclusion qui exposent à de graves carences.Par des contributeurs du livre blanc de la Fondation de l’Académie de Médecine, “Alimentation aujourd’hui et demain” : Pr Catherine Buffet* (ancien Chef de service Hépato-gastro-entérologie à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre), Pr Gabriel Perlemuter* (chef du service d’hépato-gastro-entérologie et nutrition à l’hôpital Antoine Béclère université Paris-Saclay), Olivier Roellinger (chef cuisinier étoilé), Pr Richard Villet* (chirurgien viscéral, secrétaire général de la Fondation de l’Académie de Médecine), Pr Judith Aron-Wisnewsky (médecin nutritionniste à l’hôpital Pitié-Salpêtrière), Pr Antoine Bioy (enseignant chercheur (Paris 8) et responsable scientifique AMCA), Olivier Bohuon (président de la Fondation de l’Académie de Médecine), Dr Marie-Christine Boutron-Ruault (médecin interniste, hépato-gastroentérologue, nutritionniste à l’Institut Mutualiste Montsouris),Anne Buisson (directrice de l’AFA Crohn RCH France), Isabelle Bretegnier (diététicienne-formatrice, présidente de la SCIC Nourrir l’Avenir), Pr Florence Campeotto (pédiatre gastro-entérologue à l’Hôpital Necker-Enfants malades), Danielle Castellotti (présidente de la Fondation Sandrine Castellotti), Pr Bernard Charpentier* (président honoraire de l’Académie Nationale de Médecine- président honoraire de la Fédération Européenne des Académies de Médecine (FEAM)), Camille Corman (fondatrice de 1Food1Me, Le Français de la Nutrition Personnalisée), Dr Odile Cotelle (médecin généraliste et attaché de consultation de l’Hôpital Antoine-Béclère),Hugues Ducoin (fondateur du Restaurant-Traiteur apéti), Dr Jacques Fricker (nutritionniste, AIHP. Ph.D., M.D.), Dr Frédéric Fumeron (épidémiologiste-généticien, maître de conférences émérite), Carole Galissant (directrice Transition alimentaire et Nutrition Sodexo France), Pr Olivier Goulet (chef du service de Gastroentérologie-Hépatologie-Nutrition de l’Hôpital Necker-Enfants malades), Brigitte Jolivet (présidente de l’AFDIAG – Association Française des Intolérants Au Gluten), Anne-Sophie Joly (présidente du Collectif National des Associations d’obèses), Pr Georgia Malamut (gastro-entérologue et hépatologue de l’hôpital Cochin), Pr Jean-Pierre Michel* (professeur émérite de la Faculté de Médecine de Genève), Jean-Louis Peyraud (chargé de missions à la Direction Scientifique Agriculture INRAE), Dr Didier Rémond (docteur en nutrition et en physiologie), Pr Nadine Vivier (présidente honoraire de l’Académie d’agriculture de France).*Membre de l’Académie nationale de médecine



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Publish date : 2023-11-23 06:30:00

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