Plus d’un quart des Français seront à un moment ou à un autre confrontés à une anxiété pathologique au cours de leur existence. Pourtant, il n’existe toujours pas, aujourd’hui, de traitement spécifique à ces troubles souvent très handicapants. Les médecins prescrivent généralement des antidépresseurs, mais les rechutes sont fréquentes à l’arrêt des comprimés. Difficile toutefois d’imaginer faire mieux sans comprendre les mécanismes qui dérèglent la machinerie de notre cerveau, encore très mal connus. C’est toute l’ambition d’Anne Beyeler, une neurobiologiste franco-suisse installée au neurocentre Magendie de Bordeaux, et passionnée par la biologie des émotions.En se plongeant dans la “microcircuiterie” cérébrale à l’échelle des neurones, cette chercheuse espère identifier les différentes structures impliquées dans le contrôle de l’anxiété, et découvrir pourquoi certains individus y sont plus sujets que d’autres. Une recherche très fondamentale, menée en laboratoire sur des modèles animaux, mais qui pourrait peut-être permettre de déboucher sur des traitements ciblés, et curatifs. Pour ce projet, la jeune femme vient d’obtenir le soutien de la Fondation Bettencourt-Schueller, dont le jury sélectionne tous les ans sept chercheurs en milieu de carrière et leur apporte 2,5 millions d’euros sur cinq ans.”Notre approche est basée sur des observations faites chez l’humain en imagerie fonctionnelle. Il a été montré que différentes régions cérébrales, le cortex insulaire et l’amygdale, sont suractivées chez les patients anxieux par rapport à une population d’individus sains”, explique-t-elle. Mais la résolution des outils d’imagerie n’est pas suffisamment fine pour pousser les investigations au niveau cellulaire et identifier les neurones impliqués. Lors de premiers travaux menés sur des animaux avec un niveau d’anxiété normal, son équipe avait déjà pu montrer qu’en diminuant l’activité du cortex insulaire, on réduisait le niveau d’anxiété chez les souris placées dans une situation stressante.L’espoir de traitements plus ciblésPour aller plus loin, la chercheuse va utiliser un modèle animal d’anxiété pathologique, en limitant chez des souriceaux âgés de 2 à 10 jours l’accès à des ressources de nidification et de litière, ce qui les place en condition de stress. “Notre hypothèse est que certains circuits de la sérotonine seront affaiblis chez les individus vulnérables”, détaille la chercheuse. Si tel est le cas, ce ne serait toutefois pas uniquement le “câblage” entre les neurones qui serait en cause, mais également l’intensité du signal transmis d’une partie à l’autre du cerveau. En étant altérés par le stress, ces circuits induiraient de l’anxiété.Des techniques anatomiques et d’ingénierie moléculaire permettront à son équipe de tester cette idée. Soit par de l’imagerie, grâce à des manipulations génétiques rendant plus ou moins fluorescents certains neurones selon leur activité. Soit en activant ou en inhibant des neurones. “Le but est de regarder comment ces circuits peuvent être dérégulés et induire des comportements pathologiques”, poursuit-elle.Si son hypothèse se vérifie, la scientifique imagine alors tenter de mimer les caractéristiques de résilience chez des animaux vulnérables pour les rendre à leur tour résilients. “Ce serait une preuve de concept pour une éventuelle recherche translationnelle chez l’humain”, espère-t-elle. Alors que l’industrie pharmaceutique s’est pour l’instant largement retirée du champ de la psychiatrie, les chercheurs fondamentaux, eux, ne baissent pas les bras. De quoi redonner l’espoir aux patients de voir un jour de nouveaux traitements arriver sur le marché.
Source link : https://www.lexpress.fr/sciences-sante/pourquoi-sommes-nous-angoisses-les-travaux-prometteurs-dune-scientifique-GT3U7N5WZFEGBC3IR4O33G4BKI/
Author : Stéphanie Benz
Publish date : 2023-11-23 16:15:00
Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.