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Pourquoi The Alchemist est le producteur rap de l’année ?

Pourquoi The Alchemist est le producteur rap de l’année ?



Les années passent, les projets s’empilent, la menace de la routine pointe le bout de son nez et pourtant rien de tout cela ne semble avoir d’emprise sur The Alchemist. Alors que le hip-hop finit de célébrer son cinquantième anniversaire cette année, l’émérite sampleur à la barbe grisonnante défie les affres du temps en affichant une productivité stakhanoviste doublée d’une inspiration transcendée sur ces douze derniers mois. Alan Daniel Maman, de son vrai nom, a beau avoir œuvré avec, à peu près, tous les ténors de la sphère rap US depuis la fin des années 1990 – de ses collaborations avec Prodigy de Mobb Deep, Nas, Curren$y, Action Bronson, Freddie Gibbs et la nébuleuse Griselda, ses piges deluxe pour des géants comme Kendrick Lamar et Lil Wayne, ou encore son rôle de DJ attitré pour Eminem à une autre époque – ce n’est pas en 2023 que l’oncle Al sera rassasié de marquer l’histoire du double H.

En surfant sur 2023

Malgré la discrétion et l’humilité du bonhomme, son style de production racé aux contours psychédéliques, abondamment abreuvé en samples, a su envoûter et s’adapter à toute une nouvelle génération de rappeur·ses qui n’ont que faire de la tendance. C’est probablement ce qui a permis à The Alchemist de ne pas connaître le creux de la vague, lui qui a débuté sa carrière en 1997. S’il élève le digging au rang d’art sur chacune de ses sorties, à la manière d’un Madlib ou du regretté J Dilla, l’alchimiste de la boucle se sent aujourd’hui challengé, au point qu’il n’est plus rare de le voir poser des seize mesures sur ses propres beats ou sur ceux des autres.

Sa dernière livraison, l’EP Flying High, Part 2 sorti au début du mois, marque même une petite révolution dans les habitudes du producteur. Pour la première fois sur l’un de ses projets solo, il se retrouve à la fois au four et au moulin en débitant sur chacune de ses productions, toujours bien entouré d’une garde rapprochée d’invités qu’il connaît bien (Conway the Machine, Action Bronson, Oh No…). En bon charbonneur qu’il est, l’infatigable Californien s’affaire déjà à la suite. L’occasion toute trouvée pour s’arrêter un instant sur la riche année de ce héros de l’ombre désormais prêt à briller.

L’art de se réinventer

Il est bien compliqué de tenter de résumer la discographie d’ALC, longue comme le pur de cali kush qu’il a toujours vissé au coin du bec, tant son influence outrepasse les questions d’étiquettes esthétiques. Une chose est sûre, on ne sait jamais vraiment où nous emmènera le prochain virage de cet épicurien toujours planqué en studio, uniquement animé par le fait de produire continuellement en (presque) toute indépendance. Ce déclic, Alan D. Maman l’a eu à la suite de la sortie de son deuxième album publié par le label E1 Music, Chemical Warfare en 2009, qu’il désavoue sans rechigner aujourd’hui. Avec l’avènement des plateformes de streaming sur Internet à l’aube des années 2010, dont la pionnière DatPiff aura été un véritable vivier lors de ces années dorées pour le rap, The Alchemist a trouvé un moyen de distribuer sa musique sans interférence d’un quelconque middle man.

C’est ce changement de paradigme à la faveur des artistes qui lui a permis d’ouvrir son champ des possibles, en s’autorisant tout ce qu’un esthète de son rang peut s’autoriser. Ainsi, depuis la fin de la dernière décennie, le rapper’s best friend est sur une lancée d’albums collaboratifs tout bonnement impressionnante. On est en mesure de se demander comment l’alchimiste parvient à délivrer autant de qualité coup sur coup à chaque projet.

La légende vivante underground Roc Marciano, le duo lugubre Armand Hammer ou encore son acolyte de Détroit Boldy James – par deux fois pour ce dernier – ont eu la chance ces dernières années de se faire servir une ambiance sur mesure par cet artisan dévoué du hip-hop. Avec pas moins de trois brillants albums collaboratifs cette année, ajoutés à cela deux courts formats de bonne facture en son nom et des placements malins pour des protagonistes du game (Drake et Travis donc), on ne prend pas trop de risque en avançant que The Alchemist est sans doute en train de connaître son prime.

Digger caméléon

L’une des forces incontestables d’Your Boy Al, qui peut expliquer à elle seule sa longévité au haut niveau d’un genre hautement concurrentiel, c’est son habilité à sculpter ses samples pour présenter son invité sous son meilleur jour, sans jamais le dénaturer. Au printemps dernier, The Alchemist offre à Larry June – le crooner qui redonne de la vitalité au rap de la Bay Area en vantant les plaisirs simples de la vie, un verre de jus d’orange frais à la main – l’opportunité d’étendre sa palette de rappeur feel good sur le très cinématographique The Great Escape. Un bien bel ouvrage à ranger parmi les meilleurs albums de luxury rap de mémoire récente, aux côtés d’une bonne partie de la discographie de Rick Ross.

Quelques mois plus tard, à la toute fin de l’été, la rumeur d’un tant attendu projet commun entre l’ex-Odd Future Earl Sweatshirt et ALC refait surface, après avoir été aperçu par une poignée de fans hardcore sur un obscur site. L’objet tant convoité, répondant au nom de Voir Dire, débarque finalement début octobre sur toutes les plateformes de streaming dignes de ce nom. Le résultat est à la hauteur de la rencontre de ces deux canailles adeptes d’un rap minimaliste, cathartique et poussiéreux, où la lumière ne transperce jamais l’épais nuage planant au-dessus des instrumentales cryptiques concoctées par le producteur californien. Deux petites semaines avant, fin septembre, The Alchemist commettait un nouveau forfait aux côtés des rappeurs new-yorkais MIKE et Wiki avec Faith Is a Rock, un dix titres aux beats apathiques, mais forcément riche en samples formant un écrin de choix pour la gouaille des deux jeunes MCs.

On pourrait continuer encore longtemps à souligner chez qui et pourquoi ses boucles lancinantes nous on fait tourner la tête cette année, tant le légendaire beatmaker n’a eu de cesse d’immiscer sa patte si singulière et pourtant indéfinissable dans tous les bons coups. Pourvu qu’il ne s’arrête pas de sitôt.



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Author : simondasilva

Publish date : 2023-11-23 14:03:21

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