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Quand les fantômes, vampires et serial killers nous parlent de nous

Quand les fantômes, vampires et serial killers nous parlent de nous



Si les histoires de fantômes ne semblent plus du tout intéresser les écrivains, la cinéaste Jonna Hogg les a ravivées – très inspirée des célèbres ghost stories de Rudyard Kipling et M.R. James – pour créer The Eternal Daughter, un film magnifique sur la perte, le deuil, et encore les liens fille-mère. Si Bret Easton Ellis inventait, avec le serial killer d’American Psycho, le visage d’un ultralibéralisme déshumanisé jusqu’à la psychopathie, son nouvel opus publié cette année, Les Éclats, a échoué à produire autre chose qu’une pâle copie du premier, ne délivrant plus aucune vision sur l’époque, son idéologie et sa politique, pour se réduire à un ample parc d’attractions “serial killer” pour des lecteurs envisagés par l’auteur même comme des touristes revisitant une œuvre muséifiée – soit vidée de tout contenu politiquement subversif.

Cette année, c’est du côté du cinéma que le thème du serial killer aura été renouvelé, grâce à The Killer de David Fincher. Autour, non plus d’un fou, mais d’un psychopathe professionnel, un tueur engagé pour flinguer en série, froidement, des cibles inconnues contre d’importantes sommes d’argent. Brillant, Fincher le filme longuement dans les aéroports, prenant sans cesse des avions, louant des voitures, faisant son sac, préparant son passeport, devenant ainsi la métaphore des gestes accomplis par n’importe quel·le habitant·e middle class de la planète, la flinguant à force de prendre des avions dans tous les sens. Les psychopathes sans empathie, c’est nous, nous dit Fincher, consommant des voyages à tout-va. Touristes, sans merci, cyniques, égoïstes.

Au pied des Carpates

Cette rentrée, un roman, pourtant, est passé inaperçu, qui pourrait rivaliser dans la subversivité de son propos avec ces films. Avec Ceux qui ne meurent jamais, la Roumaine Dana Grigorcea reprend le thème du vampire pour en faire l’emblème très politique d’une société qui se vampirise elle-même et vampirise son peuple. Dans une très belle maison à B., au pied des Carpates, qui appartient à sa famille, une jeune peintre revient passer des vacances, dans une micro-société cosmopolite, romantique et fantaisiste très empreinte d’une culture Mitteleuropa disparue, mais que l’écrivaine ravive avec mélancolie. Des apparitions étranges ne font que se succéder.

Finalement, un cadavre sera découvert empalé dans un cimetière. C’est alors que les autorités, des anciens du Parti communiste, vont avoir l’idée de détruire cette partie des Carpates pour y construire un parc à thème “Dracula”. Devenant les vampires d’une légende réécrite pour créer du “roman de gare américain”. C’est très beau – l’atmosphère onirique rappelle celle du Maître et Marguerite de Boulgakov –, c’est caustique, c’est ironique, c’est drôle aussi très souvent. Virginie Despentes nous confiait en interview avoir le projet d’écrire un livre de vampires. On l’attend avec impatience.

Dana Grigorcea : Ceux qui ne meurent jamais (Les Argonautes), traduit de l’allemand par Elisabeth Lande. 262 p, 22,90 €. En librairie.

Édito initialement paru dans la newsletter Livres du 23 novembre. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !



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Author : Nelly Kaprièlian

Publish date : 2023-11-23 07:24:00

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Tags :Les Inrocks

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