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Bras de fer entre Béchu et Le Maire autour du Black Friday : où habites-tu, macronie ?

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Qui diable faut-il écouter ? Qui diable faut-il croire ? Est-ce Emmanuel Macron, qui trompettait il y a un peu plus d’un an et demi, en plein entre-deux tours de l’élection présidentielle dans son discours de Marseille, que ce “quinquennat sera écologique ou ne sera pas” ? Est-ce Emmanuel Macron qui devant les maires de France a, à plusieurs reprises selon Politico, qualifié la campagne de l’Ademe pour le Black Friday de “connerie” ? Sans doute et l’un, et l’autre. En même temps. C’est en tout cas ce dont doit être persuadé le chef de l’Etat, défenseur dévoué du sens de la nuance, fervent militant de la gradation. Mais à force de s’adapter à ses auditoires, aux contingences, à ses séquences politiques thématiques – la semaine “écologie” succédant à la semaine “industrialisation”, succédant elle-même à la semaine “revitalisation de l’économie”… -, la nuance est parfois à deux petits doigts de se transformer en ambivalence. Ce n’est pas la première fois. Seulement, cela fait maintenant six ans…Récapitulons. L’Elysée, Matignon et les ministres de Bercy – dont les premiers concernés Bruno Le Maire et la ministre chargée des TPE, PME, de l’Artisanat et du Tourisme Olivia Grégoire – ont découvert, les yeux écarquillés, la nouvelle campagne de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) contre la surconsommation, lancée la veille du Black Friday. On peut y voir, notamment, un “dévendeur” conseiller à un client de ne pas acheter de nouveaux polos dans un magasin, puisque le sien est en parfait état… Bref, une ode à la sobriété. Rappelons-nous “la fin de l’abondance”, dixit Emmanuel Macron, qui marque notre nouvelle ère en plein bouleversement. Validés en amont par le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, les quatre spots ont créé une vague de protestation chez les associations de commerçants de proximité, jusqu’à Michel-Edouard Leclerc, dont les enseignes, c’est bien connu, favorisent le textile français, le circuit court et luttent de toutes leurs forces contre la “fast fashion”.”On ne va pas faire l’écologie contre les gens”Au sein du ministère de l’Economie aussi, on s’étrangle. Sur Franceinfo, Bruno Le Maire a qualifié la campagne de “maladresse”, arguant que les mises en scène dans des magasins physiques faisaient le jeu des plateformes numériques ; le téléphone d’Olivia Grégoire, lui, sonne sans discontinuer depuis deux jours. Chacun défend sa clientèle, surtout au moment où le président de la République conclut une semaine consacrée à la vie économique et la compétitivité du pays. Un épisode de plus dans les relations tumultueuses entre le ministère de l’Ecologie et Bercy : il suffit de feuilleter le livre de la journaliste Justine Reix, La Poudre aux yeux (JC Lattès), pour se faire une idée de leurs ambitions divergentes, voire contradictoires. “Il faut prendre conscience que ces sujets angoissent les Français, on doit être responsables, on ne va pas faire l’écologie contre les gens, il faut les embarquer”, considère-t-on dans l’entourage de Bruno Le Maire, où les lubies qui s’apparentent à une forme de décroissance n’ont pas tellement bonne presse. Une preuve, aussi, de la qualité de l’huile qui fait fonctionner les rouages des différentes composantes du gouvernement… “Ça pose quand même la question du pilotage général, glisse un ministre de plein exercice qui confirme l’ire de l’Elysée et Matignon. Pourquoi tout ça n’est pas plus interministérialisé ? Ne serait-ce qu’avec Bercy, ils ont des défauts, mais tout de même…”Puisque gouverner n’est pas seulement prévoir mais aussi établir des priorités, il est judicieux de se poser la question de celles du gouvernement et d’Emmanuel Macron. La croissance et le plein-emploi ? Le virage écologique ? En raillant publiquement les spots validés par Christophe Béchu sans prendre le soin, par la suite, de faire nuancer son propos par ses équipes élyséennes, le chef de l’Etat a choisi son camp. “L’écologie pragmatique”, comme on le scande souvent en macronie ? Encore faudrait-il connaître ses contours. Son sens. À l’aune de cette nouvelle péripétie gouvernementale, et des précédentes, on peut se risquer à une définition : qui dit “pragmatique” dit “qui n’embête pas les Français”, pour paraphraser élégamment Georges Pompidou. À l’exception de la réforme totémique des retraites, l’exécutif semble avoir comme ligne directrice cette devise, reliquat, notamment, du mouvement des gilets jaunes. Tant pis s’il faut pour cela discréditer un ministre de l’Ecologie qui, une fois n’est pas coutume, avait passé le mur du son (et passé outre les consignes de Matignon de retirer les spots pro-sobriété). Tant pis si leur message principal, et capital pour toute bonne politique écologique qui se respecte, s’en trouve appauvri. Qui disait, déjà, qu’il fallait savoir “prendre son risque” ?



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Author : Erwan Bruckert

Publish date : 2023-11-24 19:11:12

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Tags :L’Express

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