*.*.*
close

Compétitivité : la question ne doit pas être laissée aux économistes, par Nicolas Bouzou

logo




Dans notre démocratie du court terme, le règlement de l’urgence préside aux analyses et aux décisions. Le gouvernement éteint les incendies avec sa lance à argent public. L’Etat consacre la plus grande partie de ses ressources à étouffer les départs de feu qui pourraient mener à un embrasement social. Les entreprises ont du mal à se projeter. Cette focalisation sur l’immédiat laisse se développer un risque gigantesque : ne pas voir les mouvements de fond, plus lents, mais susceptibles de causer à notre nation des dommages difficilement réparables. Ainsi en est-il de la question de la productivité, laissée aux économistes, alors qu’elle constitue le sujet n° 1 pour l’avenir de notre prospérité.Cette productivité mesure ce que chacun d’entre nous génère comme richesse pour le pays, en un temps donné – une heure ou une journée. D’après le Conseil national de la productivité (CNP), dirigé avec rigueur par Natacha Valla, la productivité de notre travail est en berne depuis la survenue du Covid. Elle est inférieure de 6,5 % à son niveau prépandémique. La productivité de la France est basse, et elle ne remonte pas. Concrètement, ce blocage, s’il perdure, signifie que nos revenus sont condamnés à stagner.Les trois raisons du déclinLe CNP, dans son rapport publié en octobre dernier, voit à cette contre-performance trois raisons. La première, c’est le télétravail. Les chefs d’entreprise n’ont pas encore réussi à bien “régler” le fonctionnement à distance. Entre les salariés qui ne travaillent pas assez à la maison, ceux qui travaillent mal, ou les métiers, dans la créativité ou l’innovation, qui s’en accommodent difficilement, le management peine à faire du télétravail un levier d’efficacité. C’est même plutôt l’inverse pour le moment.La deuxième raison est liée au 1,2 million d’emplois créés depuis la pandémie. C’est évidemment une fantastique nouvelle sur le plan social. Simplement, la plus grande partie de ces créations d’emplois concerne des jeunes en apprentissage et des personnes peu formées, ce qui tire la productivité vers le bas.La troisième raison, moins connue, est d’ordre statistique. La France a souffert pendant longtemps d’une fiscalité sur les entreprises particulièrement lourde – les choses se sont arrangées depuis six ans – qui a entraîné des transferts de sièges sociaux à l’étranger. Ces délocalisations se traduisent par l’enregistrement de profits et la réalisation d’investissements intangibles, en logiciels par exemple, en dehors de France, même si la géographie industrielle de ces entreprises ne bouge pas. Autrement dit, on produit toujours en France, mais les profits et une partie des investissements sont localisés à l’étranger. Ces délocalisations “virtuelles” se traduisent par des chiffres de productivité plus bas que si les sièges sociaux étaient restés dans l’Hexagone. Cette distorsion est statistique, mais elle vaut la peine d’être notée si l’on veut comprendre nos mauvais chiffres.Les espoirs de l’IALe constat du CNP est donc globalement négatif. On pressent toutefois, de manière évidente, les voies du redressement. Les entreprises doivent former et accompagner leurs managers, et peut-être réduire un peu la part du temps télétravaillé, pour augmenter la motivation et la production des salariés. Les jeunes apprentis et les nouveaux embauchés peu diplômés vont acquérir progressivement de l’expérience. Les délocalisations sont moins fortes aujourd’hui que par le passé, la fiscalité des sièges sociaux s’étant normalisée : il ne faut surtout pas y toucher.Surtout, l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) générative, à la mode ChatGPT, doit nous permettre de faire exploser les gains de productivité. Aujourd’hui, les quelques entreprises qui utilisent l’IA exploitent 10 % de ses potentialités. Quant aux services publics, n’en parlons pas. Quel hôpital utilise l’IA pour les prises de rendez-vous des patients ou la planification des interventions ? Aucun. La prospérité est possible. Mais intéressons-nous collectivement aux lames de fond qui dessinent le futur, et pas seulement aux vaguelettes.*Nicolas Bouzou est économiste et essayiste



Source link : https://www.lexpress.fr/economie/politique-economique/competitivite-la-question-ne-doit-pas-etre-laissee-aux-economistes-par-nicolas-bouzou-MMMYEKTFWNFRVMUXNU6CVC7FME/

Author : Arnaud Bouillin

Publish date : 2023-11-24 04:52:28

Copyright for syndicated content belongs to the linked Source.

Tags :L’Express

..........................%%%...*...........................................$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$--------------------.....