Chaque fin d’année, le même refrain : “Une COP pour rien”, “tout ce que nous faisons, c’est parler, parler, parler”. Sans compter les désormais inévitables procès en “greenwashing”. Autrement dit, les Conférences des Nations unies sur le changement climatique (COP) ne suscitent plus l’enthousiasme d’antan. Et les révélations de nos confrères de la BBC à trois jours seulement de l’ouverture de la COP28 qui se tient à Dubaï du 30 novembre au 12 décembre, risquent d’en faire bondir plus d’un.Et pour cause, d’après les informations publiées sur le site du média britannique ce lundi 27 novembre, les organisateurs de la COP28 auraient profité de l’événement pour conclure des marchés dans les énergies fossiles. Du blanchiment d’énergies polluantes en somme. De quoi donner du grain à moudre à certains défenseurs de l’environnement qui qualifient, depuis des mois, l’événement “d’arnaque climatique”.Des “points de discussion” sur des projets pétroliers”Des documents d’information divulgués révèlent des plans pour discuter d’accords sur les combustibles fossiles avec 15 pays”, nous apprennent les journalistes de la BBC qui ajoutent que “l’équipe des Emirats arabes unis n’a pas nié avoir utilisé les réunions de la COP28 pour les discussions commerciales”, en arguant que “les réunions privées sont privées”.Destinés à être remis au Sultan Al Jaber, le président de la COP28, les documents mentionnent notamment des “points de discussion” sur divers contrats, dont certains portent sur des énergies fossiles. En particulier avec Adnoc, la compagnie pétrolière d’Etat des Emirats arabes unis, dont le PDG n’est autre que… le Sultan Al Jaber, qui dirige également l’entreprise d’énergie renouvelable, Masdar.Pourtant, en octobre dernier, le directeur général de la COP28, Majid al-Suwaidi, avait déclaré lors d’une conférence de presse que l’équipe du sommet sur le climat des Emirats arabes unis était “entièrement indépendante” d’Adnoc et de Masdar. “Le fait que le Sultan Al Jaber occupe un certain nombre de postes à côté de son rôle de président désigné de la COP28 est de notoriété publique et nous avons été transparents dès le départ”, a de son côté déclaré l’équipe de la COP28 dans un communiqué envoyé à la BBC, qui appuie son enquête sur des documents recueillis par des journalistes du Centre for Climate Reporting (CCR).Un président de COP accusé de conflits d’intérêtsPourtant, les documents consultés par nos confrères britanniques mettent en lumière la prépondérance d’Adnoc et de Masdar dans les discussions précédant l’événement. A l’intérieur, on y découvre par exemple qu’Adnoc se dit “prêt à évaluer conjointement les opportunités internationales de GNL [gaz naturel liquéfié]” au Mozambique, au Canada et en Australie. Il est également question de solliciter “un ministre colombien” afin de lui préciser que le pétrolier se “tient prêt” à aider la Colombie à développer ses énergies fossiles.Des révélations qui risquent de jeter un pavé dans la mare. D’autant qu’il incombe traditionnellement au président de la COP de faire pression sur les pays afin que les objectifs pris soient le plus ambitieux possible en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).”Tenter de conclure des transactions commerciales pendant le processus de la COP semble être une violation grave des normes de conduite attendues d’un président”, souligne la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Et de rappeler que les présidents des COP sont “censés agir sans parti pris, préjugés, favoritisme, caprice, intérêt personnel, préférence ou déférence, et être strictement basés sur un jugement sain, indépendant et équitable”.Contrats sur des livraisons de GNL, projets de combustibles fossiles…Et Adnoc ne s’arrête pas là. L’entreprise pétrolière cible 13 autres pays, dont l’Allemagne et l’Egypte. L’objectif ? Les inciter toujours plus à investir dans des projets de combustibles fossiles. “Le ministre brésilien de l’Environnement devait être sollicité pour ‘obtenir l’alignement et l’approbation’ de l’offre d’Adnoc pour la plus grande société de traitement du pétrole et du gaz d’Amérique latine, Braskem”, explique le média britannique qui revient également sur l’offre de 2,1 milliards de dollars d’Adnoc pour acheter une participation clé.En outre, l’entreprise compte réaffirmer à l’Allemagne sa capacité d’approvisionnement en GNL, et incite l’Arabie saoudite et le Venezuela à assurer “qu’aucun conflit n’existe entre le développement durable des ressources naturelles d’un pays et son engagement envers le changement climatique”.Des révélations qui ternissent l’image de la COP28Mais dans cette affaire, une part de flou demeure. Notamment sur le nombre de fois “où le Sultan Al Jaber et ses collègues ont soulevé les points de discussion lors des réunions de la COP28 avec des gouvernements étrangers”. “Nous savons qu’au moins une fois, un pays a donné suite aux discussions commerciales soulevées lors d’une réunion organisée par l’équipe de la COP28 des Emirats arabes unis”, précisent les journalistes à qui 12 pays ont confirmé qu’aucune discussion sur les activités commerciales pendant les réunions n’avait eu lieu.Les documents divulgués montrent toutefois que le président de la COP28 avait été informé de l’idée de “solliciter le soutien du gouvernement” pour doubler la taille d’un parc éolien au large des côtes de Sheringham, dans le Norfolk, dans lequel Masdar a un intérêt. Sollicité par l’AFP, un porte-parole de la COP28 assure que “les documents évoqués dans l’article de la BBC sont inexacts et n’ont pas été utilisés par la COP28 lors de réunions”. Interrogé par la BBC, le président de la COP20 au Pérou en 2014, Manuel Pulgar-Vidal, craint que ces révélations ne viennent ajouter de la défiance à la défiance, et ralentissent les progrès en matière de lutte contre le changement climatique. “Si un président de la COP essaie d’apporter un intérêt particulier, [y compris] un intérêt commercial, cela pourrait conduire à l’échec de la conférence”, a-t-il déploré.
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Publish date : 2023-11-27 17:53:22
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