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Allociné infiltré par la fachosphère : “une menace pour la pluralité du cinéma”

Allociné infiltré par la fachosphère : “une menace pour la pluralité du cinéma”



Après Amin de Philippe Faucon, Les Engagés d’Émilie Frèche ou Rodéo de Lola Quivoron, c’est autour d’Avant que les flammes ne s’éteignent d’être touché par une offensive de sabotage menée par la “fachosphère”. La méthode est toujours la même : submerger la plateforme de cinéma de très faibles notes et de critiques virulentes, tout en pourrissant le film sur les réseaux sociaux pour dissuader les éventuel·les spectateur·trices d’aller le voir en salle. Ainsi, avant même la première séance de 9 h du mercredi 15 novembre, le film récoltait déjà la désastreuse moyenne spectateurs de 1,4/5 (depuis, celle-ci est remontée à 2/5).

Alors que la Société des réalisatrices et réalisateurs de films et que Camélia Jordana, l’actrice principale du film, se sont déjà exprimées au sujet de ces attaques, le producteur du film, Michaël Gentile, est revenu pour nous sur ce phénomène inquiétant qui l’a impressionné “par sa violence, sa force et sa très bonne organisation.”

Stratégies de désinformation et insultes racistes

Selon le producteur d’Avant que les flammes ne s’éteignent, l’offensive d’extrême droite s’est menée “selon trois voire quatre angles différents”. Le premier concerne le sujet même du film. Pour rappel, le long-métrage suit le combat de Malika (Camélia Jordana) pour obtenir un procès suite à la mort de son petit frère lors d’une interpellation judiciaire. S’il fait écho à un sujet d’actualité brûlant, celui des violences policières et leur impunité, il n’est pas pour autant l’adaptation littérale de l’affaire Adama Traoré.

Une association fallacieuse s’est rapidement répandue sur les réseaux sociaux, comme nous l’explique Michaël Gentile : “La première attaque consistait à dire que le film est un biopic concentré sur l’affaire Adama Traoré. C’est totalement faux, le film est une fiction absolue, qui résonne avec une vingtaine de cas différents, jusqu’à l’affaire Nahel récemment. On a fait attention à ce que le film ne soit proche d’aucune affaire. On a d’ailleurs été en contact avec le Comité Adama pour leur assurer qu’on ne voulait pas s’approprier la mémoire du défunt.”

Le financement en question

Le deuxième angle vise le mode de production du film : l’argent des impôts et des aides publiques auraient permis de financer un film anti-police qui fait l’apologie de la délinquance. Aux yeux du producteur, il s’agit encore là d’une fake news : “Comme tous les films français, le film a bénéficié de quelques aides de l’État. Mais nous n’avons pas eu l’avance sur recette et l’argent public représente une part minime dans le budget du film : il s’agit d’une aide à la diversité et du soutien de la région Grand Est et de la métropole de Strasbourg – cela représente 16 % du budget.”

Sur les réseaux sociaux, les attaques se sont particulièrement concentrées sur Camélia Jordana, victime d’une vague d’insultes racistes et misogynes. L’actrice a déjà pris la parole via Instagram : “Après avoir chanté à la panthéonisation des résistant·es de la Seconde Guerre mondiale, après avoir posé en Marianne au sein nu en couverture de L’Obs, après avoir chanté en hommage aux victimes du 13 novembre, je ne laisserai personne remettre en doute ma place et mon appartenance à mon pays et à la République. Que cela plaise ou non, j’incarne la France d’aujourd’hui !”

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La guerre des étoiles sur Allociné

Enfin, la dernière attaque a été menée sur Allociné et a pris la forme d’une sorte de “fusil à deux balles” : “On s’est aperçu que juste avant la sortie, une multitude de compte nouveaux s’est créée afin d’inonder Allociné pour attribuer deux notes à deux films sortis le 15 novembre : 5/5 à Sound of Freedom et une note de 0,5 pour Avant que les flammes ne s’éteignent.” Le premier film, adulé par la droite complotiste, obtient ainsi la note spectateur de 4,2 contre la très mauvaise moyenne presse de 1,9 ; tandis que le rapport s’inverse pour le second qui obtient la moyenne presse de 3 contre 2 pour la note spectateurs.

Dans les deux cas, on remarque également un nombre inhabituellement haut de notes spectateurs : 1351 pour le premier et 1502 pour le second, alors que les films sortis la même semaine en obtiennent beaucoup moins (au moment où nous écrivons : Vincent doit mourir en récolte 523, Little Girl Blue 314, How to Have Sex 607, tandis que ces trois films enregistrent respectivement 23 000, 26 000 et 34 000 entrées pour leur première semaine d’exploitation contre 18 000 entrées pour le film de Mehdi Fikri, selon Le Film français). Par ailleurs, ce nombre était anormalement élevé avant même les premières projections du film : “C’est arrivé le matin même de la sortie, ils ne pouvaient pas l’avoir vu. Il n’a été diffusé qu’aux festivals de Toronto et de Rome et a eu peu d’avant-premières.”

Une même tactique avait été adoptée à la sortie de Rodéo de Lola Quivoron, dont la moyenne spectateurs est de 1,8 contre 3,6 pour la presse, ou dans une logique inverse, pour Vaincre ou Mourir, le film produit par le Puy du Fou sur la guerre de Vendée, qui obtient l’hallucinante moyenne spectateurs de 3,7 contre 1,3 pour la presse.

“Une vraie menace pour la pluralité du cinéma.”

Suite à cette instrumentalisation de la notation Allociné à des fins politiques, le site cinéphile a pris une mesure : un avertissement s’affiche sur la fiche des films concernés indiquant que “la répartition des notes spectateurs sur ce film est inhabituelle” et renvoie vers un “décryptage de la rédaction”. Mais aux yeux de Michaël Gentile, cette initiative est bien insuffisante.

Lorsque l’on recherche le film sur Google seule la moyenne spectateurs est affichée et celle-ci n’est pas accompagnée de l’avertissement du site. Au-delà du cas particulier de son film, il alerte “sur la manière dont ces notes peuvent être manipulées” et souligne que “tout cela n’est qu’un début et va se reproduire pour d’autres films.”, avant de conclure : “Il s’agit d’une vraie menace pour la pluralité du cinéma.”



Source link : https://www.lesinrocks.com/cinema/allocine-infiltre-par-la-fachosphere-une-menace-pour-la-pluralite-du-cinema-602518-29-11-2023/

Author : Robin Vaz

Publish date : 2023-11-29 11:04:23

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