Comment pensez-vous que l’élection de Javier Milei va impacter le cinéma argentin à court et à moyen termes?
À l’heure actuelle, nous ne savons pas s’il va tenir sa promesse de campagne, à savoir fermer le centre national du cinéma argentin. Nous ne savons même pas si c’est légalement possible pour lui de faire une chose pareille. En Argentine, on ne sait jamais. Il a aussi promis de supprimer les ministères de l’Éducation et de la Culture. Au Brésil, Bolsonaro est parvenu à réduire drastiquement les fonds, donc il est probable que ça arrive aussi ici.
Avez-vous été surpris par sa victoire?
En Argentine, il faut être prêt à tout. J’espérais que ça se passe autrement évidemment. Notre pays est très instable, alors si vous mettez à sa tête une personne instable, ça devient assez inquiétant.
Vous sentez-vous en danger en tant que cinéaste?
Non, je suis inquiet pour les générations de jeunes cinéastes argentin·es à venir, qui ont, plus que moi, besoin du soutien de l’État, à la fois pour la formation et pour le financement des premières œuvres. De mon côté, et même si j’ai bénéficié de fonds étatiques pour tous mes films précédents, je ne compte plus vraiment sur les financements publics argentins puisque mes films sont coproduits largement à l’étranger aujourd’hui. Pour mon prochain film, le septième, je vais de plus essayer de travailler avec des moyens aussi réduits que possible, pour contourner cette problématique du financement.
C’est d’autant plus triste que le cinéma d’auteur argentin était, jusqu’à aujourd’hui, dans un état de grâce et rayonnement assez fous avec vos films, mais aussi La Flor, Trenque Lauquen ou Los Delincuentes…
Vous savez, quand vous vivez dans un état en crise, cela stimule la créativité des artistes. Au dernier Festival de San Sebastian, nous avions plus de 25 films toutes sections confondues, c’est incroyable! Même moi, je ne savais pas d’où sortaient tous ces films. Cette nouvelle vague correspond aussi à une crise financière, comme la vague de cinéma argentin du début des années 2000. Nous autres cinéastes, nous nous réveillons dans des temps troubles comme ceux que nous nous apprêtons à vivre. Nous allons adapter nos outils à la situation, aussi terrible soit-elle. Il va falloir être sur nos gardes comme jamais.
Pensez-vous qu’il va aussi y avoir des mouvements sociaux d’ampleur ?
Oui, je pense qu’il va y avoir des manifestations. Mais pour moi, ce sont deux choses différentes. Je ne me considère pas comme un cinéaste politique. Je viens d’une famille de paysans et je peux vous assurer que leur inquiétude aujourd’hui, ce n’est pas le cinéma, mais plutôt l’éducation des enfants, la santé et la sécurité sociale qui risquent d’être ravagées par notre nouveau président. Il ne faut pas non plus tout mélanger.
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Author : Bruno Deruisseau
Publish date : 2023-11-30 15:37:47
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