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La CJR, ce garde-fou raisonnable dont notre pays a besoin, par Denys de Béchillon

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Les calculs de rentabilité tenant lieu de boussole morale au gauchisme français, il ne faut pas s’étonner de voir les Insoumis et leurs supplétifs écolo-socialistes hurler comme ils le font contre la relaxe d’Eric Dupond-Moretti : s’ils attaquent la Cour de justice de la République (CJR), c’est probablement qu’elle a fait quelque chose de bien. Plus encore, c’est sans doute que son maintien se justifie.Ô, certes, la CJR aurait pu s’y prendre autrement. Juger par exemple que le déclenchement d’une investigation administrative ne peut jamais constituer l’élément matériel du délit de prise illégale d’intérêt vu que le seul objet d’une enquête est de rechercher la vérité sur des faits. Le cœur de son raisonnement se discute aussi, selon lequel l’élément intentionnel de l’infraction (la conscience de la commettre) ne saurait être mécaniquement révélé par son élément matériel (le fait que Dupond-Moretti ait eu, dans son ancienne vie d’avocat, maille à partir avec le magistrat visé). Vu que notre droit impose de réunir ces deux critères, d’aucuns penseront qu’il est bon en soi de pouvoir débattre de chacun d’eux et de résister à la tentation de les réduire à un seul. D’autres estimeront au contraire que ce type de déduction automatique évite bien des appréciations oiseuses sur ce qu’est une “conscience suffisante” de commettre l’infraction. Mais, jusqu’à un certain point, peu importe.Si la Cour était dans l’embarras du choix des bonnes raisons de relaxer le ministre, l’essentiel est peut-être qu’elle ait trouvé le courage de le faire, et donc de ne tomber dans aucun des deux écueils qui la menacent : ici la condamnation avec dispense de peine ; là, la punition infligée dans le doute pour complaire aux (nombreux) amateurs de décapitation politique. Le premier l’aurait exposée au risque – suicidaire – d’apparaître vouée à l’absolution des puissants. Le second aurait rapproché la perspective d’un pays enivré par les joies du cirque et devenu impossible à conduire parce que paralysé par la trouille pénale des gouvernants.Trois bonnes raisonsLa CJR avait été conçue pour au moins trois bonnes raisons : 1) vu le principe de séparation des pouvoirs, l’action politique doit relever aussi – si ce n’est d’abord – d’une appréciation politique ; 2) l’activité ministérielle ne ressemblant à rien d’autre, il faut éviter toute incompréhension relative au fonctionnement réel du gouvernement par des juges dont le métier n’est pas de vivre en son sein ; 3) la justice ne doit pas se trouver instrumentalisée à des fins politiques. C’est pour tout cela que l’on a résolu de créer une juridiction spéciale, panachée de magistrats et de parlementaires, mais aussi d’interdire le mécanisme de la constitution de partie civile : nul ne doit pouvoir imposer la tenue d’un procès injustifié contre un membre du gouvernement. Devant la CJR, les requêtes des victimes sont donc filtrées par une commission indépendante. Rien n’est incohérent là-dedans même si, comme toujours, le système n’est pas parfait. On n’aurait pas tort de se dire, entre autres, que la seule qualité de parlementaire élu par ses pairs n’offre pas la garantie d’une connaissance et d’une compréhension suffisantes du fonctionnement ministériel et qu’il s’en faut même de beaucoup. Mais laissons…La CJR juge les seuls actes accomplis par les ministres dans l’exercice de leurs fonctions. Ces fonctions, comme ces actes, engagent ce qu’il y a de plus singulier et de plus irréductible dans l’Etat. On doit donc ne jamais en juger comme de n’importe quoi d’autre. Il faut ne rien comprendre à l’intérêt public pour exiger l’application du droit commun aux membres du gouvernement. Aujourd’hui plus que jamais, le principe s’impose d’un traitement à part. L’avalanche des requêtes à la CJR – plus de 19 000 pour la seule crise du Covid – montre une évolution inquiétante de la demande sociale. La tendance à la judiciarisation de la vie politique s’emballe. Ne nous voilons pas la face. Le pays a plus que jamais besoin de garde-fous raisonnables pour ne pas se condamner à l’impuissance et au culte bavant du spectacle. La CJR, quoi qu’on en dise, fait partie du lot.*Denys de Béchillon est constitutionnaliste et professeur de droit à l’université de Pau.



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Author : Denys de Béchillon

Publish date : 2023-12-02 15:00:00

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