“2023, c’est d’abord l’année de mon nouvel album, Tirer la nuit sur les étoiles, qui ouvre un nouveau chapitre. C’est un disque que j’ai adoré faire – du plaisir total –, et en France pour une fois. Les retours critiques et publics ont été magnifiques, c’est pourtant difficile de surprendre après plus de quarante ans de carrière. 2023, ça a été aussi la préparation du show, qui a été tellement chronophage et qui m’a occupé jusqu’à la première date, hier soir à Caen.
Sans oublier l’album d’Isabelle Adjani où je chante en duo avec elle, le tribute à Daniel Darc… Ce fut donc une année très très chargée. Au lendemain de ce premier concert et sans avoir presque dormi, je me sens comme sur un nuage. Une première, c’est à la fois une libération et le verdict du public… La setlist, les arrangements avec le quatuor à cordes, les lumières, les visuels, il faut tout libérer d’un seul coup. C’est toujours vertigineux de poser un orteil sur scène.
Des figures que l’on croit toujours éternelles
Passé les trois premières chansons, j’en ai profité pleinement. Il y a tellement d’affection des spectateurs, comme si quelque chose était en train de se transformer. Cette première date au Zénith de Caen m’a rappelé les concerts que j’allais voir d’artistes installés, alors que “l’installation” me terrorise.
Cela tient peut-être aussi à la setlist, qui, outre cinq titres du nouvel album, est un véritable juke-box. Le moment de lâcher-prise s’est produit en chantant Sur mon cou, une vraie récréation vocale. Avec mes musiciens, on a tissé de tels liens depuis plusieurs tournées ensemble que je suis d’abord le chanteur du groupe.
En 2023, j’ai successivement perdu ma mère et Jane Birkin. Ce sont des figures que l’on croit toujours éternelles. J’ai eu ce sentiment après la disparition de Dani, à l’été 2022. À l’enterrement de Jane, qui était magnifique, Charlotte Gainsbourg a dit qu’elle se sentait orpheline.
Et c’est exactement ce que je ressentais aussi, en venant de perdre ma mère. Et juste avant de partir en tournée, nous avons perdu notre régisseur, mort brutalement dans sa chambre d’hôtel. Ce fut donc une année de très grandes joies et de très gros chagrins. Ma vie a toujours été contrastée. Depuis toujours, je vis les montagnes russes.
Damon Albarn et la Palme d’or
La couverture de votre numéro best of a été l’occasion de rencontrer Damon Albarn – on ne s’était jamais rencontrés. Quand j’habitais à Londres en 1995, j’écoutais beaucoup l’album Parklife de Blur. J’ai toujours été bluffé par ses multiples prises de risque, quand Damon Albarn est allé chercher d’autres voies artistiques. C’est vraiment un aventurier. Comme toujours, c’est un plaisir de retrouver Charlotte Gainsbourg pour qui j’ai une très grande affection et qui fait partie d’une famille dont je me sens très proche.
Charlotte enchaîne les films aussi pointus que populaires, c’est une très grande actrice. Et toute sa production discographique est impeccable. Par manque de temps, je n’ai toujours pas vu Anatomie d’une chute de Justine Triet, mais j’avais beaucoup apprécié ses précédents films. Et même si je connais moins précisément son travail, elle me semble avoir un parcours assez rigoureux et une écriture différente des autres. Il me tarde de voir sa Palme d’or.
L’état du monde me terrifie. Tout explose partout, et c’est précisément en ces périodes de chaos que les artistes ont un rôle à jouer, pas forcément de commentateurs de l’actualité. Car nous sommes sans cesse assaillis d’informations mais il est très difficile de trouver l’information juste. Il n’y a plus jamais de neutralité, ni de nuances ou le moindre recul.
Je me méfie toujours de m’embarquer dans des prises de position à l’emporte-pièce sur des sujets aussi brûlants. Dans cette actualité effrayante, je me réfugie beaucoup dans la musique des autres, comme les disques de Khruangbin qui me font le plus grand bien.
J’attends mon prochain disque de chevet
J’écoute toujours mes amis d’Unloved, le collectif Sault, mais aussi l’album de Sons of Raphael, le dernier enregistrement de Philippe Zdar, ainsi que l’application Radiooooo en me connectant sur UK…
La musique est de plus en plus décomplexée, avec l’envie de tout essayer. C’est l’anti-cloisonnement que j’ai connu à mes débuts, quand je prenais un malin plaisir à brouiller les pistes. L’avantage de la période actuelle, c’est son ouverture absolue.
Aujourd’hui, c’est l’artiste qui importe, pas le genre musical dans lequel il s’exprime. Il y a tellement de sorties que c’est parfois difficile de s’y repérer, mais quand un album est fait pour moi, il finit toujours par me trouver en chemin. Alors j’attends mon prochain disque de chevet.
Enfin, 2024 sera encore une année assez prenante, entre la suite de la tournée, notamment les festivals, et la production d’un album pour quelqu’un d’autre que moi. Et même si je n’ai pas encore le droit de dire son nom, il s’agira, comme à chaque fois que je l’ai fait, de prendre le bébé du début à la fin. J’aime être dans l’action et je mesure chaque jour ma chance que ça dure depuis aussi longtemps. Je dois avoir de bonnes étoiles au-dessus de ma tête…”
Tirer la nuit sur les étoiles – Only for You (Barclay/Universal). Sortie le 8 décembre. En tournée française et à l’Accor Arena, Paris, le 22 décembre.
Source link : https://www.lesinrocks.com/musique/2023-vue-par-etienne-daho-de-tres-grandes-joies-et-de-tres-gros-chagrins-601263-05-12-2023/
Author : Franck Vergeade
Publish date : 2023-12-05 07:00:00
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