Parmi les nombreux·ses artistes réuni·es pour ce Chaillot Expérience #3 – Daniel Linehan, Flora Détraz, Ashley Chen et Peter Steven, Emmanuelle Huynh et Jocelyn Cottencin, Paul Maheke ou Liz Santoro – , on retrouve Smaïl Kanouté.
Une fois de plus, la rencontre entre les cultures est au cœur de sa démarche. Cette fois-ci, c’est la découverte, grâce à une exposition au musée du quai Branly en 2022, de la communauté des Blacks Indians et de leurs parades spectaculaires à la Nouvelle-Orléans, qui sert de détonateur. Une tradition qui remonte à 150 ans et se perpétue aujourd’hui encore lors des parades de Mardi Gras. Lors d’une résidence avec la Villa Albertine, il a rencontré plusieurs tribus des Blacks Indians à la Nouvelle-Orléans.
Mardi Gras
Ces communautés afro-américaines, descendantes d’esclaves affranchi·es, rappellent à travers leurs costumes la façon dont les autochtones d’Amérique ont accueilli les esclaves affranchi·es pendant la traite négrière. “À la Nouvelle-Orléans, Mardi Gras c’est une fête où les gangs réglaient leurs comptes parce qu’ils étaient déguisés, raconte Smaïl Kanouté. Petit à petit, les afro-américains se sont déguisés en amérindiens pour préserver ce lien avec eux, notamment en créant des costumes qui leur rendent hommage, mais qui relèvent aussi d’influences créole, européenne, africaine, brésilienne. Ce costume leur permet de se reconnecter à une origine africaine qu’ils ne connaissent pas. Le travail de perles, sequins, tissage, provient de l’Afrique de l’Ouest, ce sont des costumes d’initiés vaudous qui dansent pour des divinités. Je les ai reconnus dès que je les ai vus : on ne voit pas les visages des personnes qui dansent avec ces costumes et sont incorporés par des ancêtres ou des esprits qui veulent transmettre des messages aux vivants. On les appelle les eggun. Les Black Indians le transposent à l’histoire de l’Amérique.”
Pas peu fier d’être “le premier non afro-américain à avoir été intronisé dans la communauté des Black Indians”, Smaïl Kanouté décline, comme toujours, son projet en multipliant les approches, à la fois documentaire et artistique, en présentant un film, Yellow Pocahontas/Black Indians et une performance. “Je fais désormais partie d’une des tribus, les Yellow Pocahontas Hunter dans lesquelles ils pratiquaient le vaudou. Ils ont toujours ce désir de retour en Afrique et de rencontrer les communautés vaudoues. Big Chief Darryl Montana des Yellow Pocahontas Hunters Tribe m’a légué le costume que je porte dans le film. Il l’a créé avant l’ouragan Katrina et l’a mis quelques heures après l’ouragan pour aller reconstruire sa nouvelle maison. C’est le fils du légendaire Allsion ‘Tootie’ Montana, qui a défendu la cause et les droits de défiler des Black Indians jusqu’à sa mort en 2005. Big Chief a aujourd’hui 63 ans et fait des costumes chaque année depuis 50 ans.”
Super Sundays
Dans sa performance, Smaïl Kanouté raconte comment s’est déroulée son intronisation en tant que “chief scout”. “Chaque année, on crée un nouveau costume pour une parade. Après Mardi Gras, il y a les Super Sundays, des rassemblements de toutes les communautés des Black Indians dans les différents quartiers de la Nouvelle-Orléans et j’ai pu défiler durant l’un d’eux. Les chants mélangent des langues amérindiennes, le créole, l’anglais et reprennent les codes du hip-hop, du rap et du blues. Ces communautés servent aussi à pacifier les choses.” Le métissage culturel comme garant du lien social.
Chaillot Expérience #3 du 8 au 9 décembre à Chaillot
Édito initialement paru dans la newsletter Scènes du 4 décembre. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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Author : Fabienne Arvers
Publish date : 2023-12-05 18:46:51
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