C’est une histoire aussi improbable que véridique. En 1827, un groupe de six Indiens Osages arrivent en France. A leur arrivée, ils sont accueillis avec autant de curiosité que d’enthousiasme et ont même l’honneur de rencontrer le roi Charles X. Mais peu à peu, ils sont oubliés, abandonnés et leur situation devient précaire. Impossible pour eux de rentrer aux Etats-Unis. Les voilà errant sur les routes de France jusqu’en novembre 1829. Epuisés, affamés, trois d’entre eux – Petit Chef, Grand Soldat et Femme Faucon – arrivent à Montauban, dans le Tarn-et-Garonne, où réside l’ancien évêque de la Louisiane française. Aussitôt, le prélat, le maire et la population entière se mobilisent et financent leur retour en Amérique.VOUS SOUHAITEZ RECEVOIR CETTE LETTRE D’INFORMATION ? >>Cliquez iciDeux siècles plus tard, l’épisode n’a pas été oublié. Une association, baptisée Oklahoma-Occitania, a été créée en 1989 et organise régulièrement des rencontres entre Osages et Occitans. La ville de Montauban, elle-même, est jumelée avec Pawhuska, la principale ville de cette tribu indienne. Une amitié exceptionnelle qui vient de faire l’objet du film de Francis Fourcou, Un pont au-dessus de l’océan.Entre-temps, les Osages ont connu un destin exceptionnel. Originaires du Missouri, ils furent déplacés dans la seconde partie du XIXe siècle vers des terres rocailleuses et difficiles à cultiver du nord de l’Oklahoma. Mais le destin est parfois farceur. Au tournant des XIXe et XXe siècles, on découvre dans le sous-sol de leur réserve… l’un des plus grands gisements pétrolifères des Etats-Unis ! Les Osages deviennent immensément riches… et jalousés par des Blancs. Dans les années 1920, plusieurs dizaines de meurtres ont lieu dans la réserve. Ils resteront impunis avant que le FBI, nouvellement créé, n’y mette un terme.Ce dernier épisode a inspiré le dernier long métrage de Martin Scorsese, Killers of the Flower Moon, avec en vedettes Robert de Niro et Leonardo DiCaprio. Coïncidence ? Le film du réalisateur américain est sorti presque en même temps que celui de Francis Fourcou. Deux films aux moyens disproportionnés mais qui posent la même question : celle de la résistance des langues et des cultures menacées.”Lutter pour la survie de nos cultures”Certes, les deux situations ne sont pas comparables en tout point. “La violence de la situation sociale, du racisme, l’état de la langue, les génocides qui ont touché les Indiens d’Amérique n’ont rien à voir en intensité avec la condition des Occitans d’aujourd’hui”, reconnaît volontiers Francis Fourcou. En revanche, un parallèle peut être établi concernant la question de l’appropriation culturelle. Aux Etats-Unis, les Blancs européens ont quasiment fait disparaître la civilisation indienne. Chez nous, l’Ile-de-France a imposé la sienne sur l’ensemble du territoire. Telle est d’ailleurs l’analyse du chef Osage Jim Gray : “Nous avons vécu les mêmes expériences, assure-t-il dans Un pont au-dessus de l’océan. Vous êtes devenus une partie de la France. Nous sommes devenus une partie des Etats-Unis. Nous savons ce que c’est de lutter pour la survie de nos cultures.”La situation linguistique est plus dramatique aux Etats-Unis puisque la langue osage ne comptait plus que trois locuteurs natifs en 2002. Mais une prise de conscience s’est produite. Un alphabet a été élaboré, des écoles bilingues ouvertes, des cours pour adultes mis en place. Aujourd’hui, la langue compte quelque 500 locuteurs. Ce n’est pas énorme, mais la pente s’est inversée de manière spectaculaire. En France, la situation est inverse : si l’occitan recule, il compte encore plusieurs centaines de milliers de pratiquants réguliers.Le plus curieux est cependant ailleurs : alors que ces deux films abordent des thèmes proches, ils ne provoquent pas les mêmes réactions chez nous. A Paris, on s’apitoie volontiers sur les Indiens d’Amérique, ces martyrs de l’histoire victimes d’impitoyables Blancs colonisateurs. A propos du film de Scorsese, le critique cinéma de L’Obs s’extasie ainsi devant “la puissance de sa charge contre le racisme génocidaire des pionniers”. En revanche, on méprise les défenseurs des langues minoritaires de France, considérés au mieux comme des amateurs de folklores ringards, voire de dangereux communautaristes menaçant la République. Réintroduire les langues régionales ? “Son équivalent en zoologie consisterait à réintroduire le dinosaure dans le quartier de la Défense”, assurait le philosophe Michel Onfray dans Le Monde en 2010.Cela dit, il serait trop facile de se contenter de dénoncer le méchant Etat français et l’indifférence de l’intelligentsia tricolore à l’endroit de notre diversité culturelle interne. Car il appartient aussi à chacun d’agir à sa mesure. Avec une grande honnêteté, le romancier Benoît Séverac raconte la mésaventure qui lui est arrivée lors d’un voyage en terre indienne. “J’ai rencontré l’inventeur de l’alphabet osage et celui-ci m’a demandé : ‘Tu t’intéresses à ma culture parce qu’elle est victime de l’hégémonie blanche, un peu comme vous en Occitanie avec le centralisme parisien ? Merci. Mais toi, que fais-tu pour ta culture ? Parles-tu ta langue ?'” Interloqué, Benoît Séverac a été contraint de répondre par la négative. “Cela a été un choc, un déclic, se souvient-il. J’ai été bousculé. Et l’entrevue était terminée.”De retour en France, il s’est inscrit à des cours d’occitan. Aujourd’hui, il le parle.RETROUVEZ DES VIDÉOS CONSACRÉES AU FRANÇAIS ET AUX LANGUES DE FRANCE SUR ma chaîne YouTubeA LIRE AILLEURSQuébec : les frais de scolarité vont doubler pour les étudiants anglophonesAu Québec, le français perd du terrain au profit de l’anglais. Aussi le gouvernement a-t-il décidé de mettre fin à une politique qui subventionnait des étudiants venant sur place étudier en anglais avant de repartir. Avec les millions de dollars ainsi récupérés, la Belle Province veut investir dans le réseau universitaire francophone et accueillir davantage d’étudiants internationaux parlant français.Le département du Lot attaqué en justice pour ses anglicismesOh my Lot, la marque du Département, et Lot of saveurs, un événement culturel du Grand Cahors, sont dans le viseur de l’association FRancophonie AVenir. Celle-ci a déposé des requêtes devant le tribunal administratif de Toulouse. En cause, selon elle : le non-respect de l’article 14 de la loi Toubon qui stipule que “l’emploi d’une marque […] d’une expression ou d’un terme étrangers est interdit aux personnes morales de droit public dès lors qu’il existe une expression ou un terme français de même sens”.Un projet pour étudier le français tel qu’il se parleDirigé par Laure Anne Johnsen et Mathieu Avanzi, le projet participatif Vos Vocaux vise à collecter des messages vocaux partagés sur l’application WhatsApp afin d’étudier le français réellement parlé par les francophones. Pour en savoir plus et participer, il est possible de visiter ce site Internet : www.vosvocaux.ch et de cliquer sur ce lien depuis votre téléphone.La grande histoire de la langue des signesDe son enseignement par l’abbé de L’Epée à sa reconnaissance comme langue à part entière en 2005 en passant par son interdiction par le congrès de Milan, en 1880, le site en ligne Cheminez, “le média des langues et des cultures, d’ici et d’ailleurs”, revient sur la longue histoire de la langue des signes en France.Fañch, Artús, Martí : c’est toujours nonInterrogé par le députéRN du NordPierrick Berteloot, le ministère de la Justice vient de réitérer son veto : pas question d’accepter les “signes diacritiques” (qui distinguent) dans l’état civil, comme le n tildé du prénom breton Fañch ou l’accent aigu du prénom occitan Artús et du prénom catalan Martí. Si le ministère se réfugie derrière une décision du Conseil constitutionnel de 2021, il faut rappeler qu’il avait de lui-même adopté cette position dès 2014, alors que Christiane Taubira était garde des Sceaux.Colloque à Montpellier sur les minorités régionales“La revendication des ‘minorités régionales’ en France depuis 1945, en Occitanie et ailleurs” : c’est sur ce thème que se tiendra un colloque universitaire les 7 et 8 décembre à l’université Paul-Valéry de Montpellier, sur le site Saint Charles – salle des colloques 2.À ECOUTERParis 2024 mise sur les languesEn prévision de l’arrivée de touristes venus du monde entier pour assister à la grande fête sportive, des formations aux langues étrangères sont actuellement mises en place par Paris 2024. Au programme : anglais, allemand, italien et espagnol.À REGARDER“Gardez-le, votre anglais !”Ce cri du coeur d’un sportif québécois est rapidement devenu viral au Canada. Sion coup de gueule a eu un énorme retentissement au Québec et relancé le débat sur la place de la langue de Molière dans la société canadienne.RÉAGISSEZ, DÉBATTEZ ET TROUVEZ PLUS D’INFOS SUR LES LANGUES DE FRANCE SUR la page Facebook dédiée à cette lettre d’information.
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Author : Michel Feltin-Palas
Publish date : 2023-12-05 04:55:52
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