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Européennes : écolos contre chasseurs, la drôle de stratégie de Marie Toussaint

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Il est près de 21h30, ce samedi 2 décembre à L’Élysée Montmartre. Dans la fosse de cette salle de concert autrefois animée par David Bowie, NTM, ou encore Daft Punk, le public est encore tout émoustillé par cette séance collective de “Booty therapy”. Certains s’agglutinent devant la buvette pour se désaltérer à grandes gorgées de bière IPA. C’est à ce moment que Marie Toussaint prend la parole et tire, dès le début de son discours, sa première cartouche. Qui a-t-elle dans le viseur : Jordan Bardella ? Non, celui-ci n’est mentionné que plus tard : le premier candidat nommément visé n’est autre que le patron de la Fédération des Chasseurs. “En France, Willy Schraen, l’homme qui aime tuer, adossé à Thierry Coste, l’homme qui aime faire tomber les écologistes et qui se vante d’être le conseiller ruralité d’Emmanuel Macron, fomentent déjà une liste. Ils se prétendent les défenseurs de la ruralité. Je leur dis chiche. Ouvrons le débat publiquement sur le monde rural.” La stratégie est claire, idéologiquement compréhensible. Politiquement, plus surprenante, alors que la candidate est créditée de 8 % des voix, contre 1 % pour son adversaire choisi.Trois jours plus tard, Willy Schraen convoque la presse pour annoncer que sa liste concourra aux élections européennes. Le lieu n’a pas été choisi au hasard : c’est à l’Ambassade d’Auvergne, adresse parisienne à l’intérieur boisé, promouvant la nourriture du terroir, que se rassemblent aux alentours de 11 heures soutiens en vestes côtelées style cavalier, et journalistes. Les verres de vin – blanc et rouge – se multiplient, et les assiettes d’aligot accompagné de saucisses de Parlan sont avalées d’une traite. “Ce n’est pas un buffet pour les végés !”, ironise une participante. “La ruralité n’est pas un point géographique mais un ADN. Nous ne sommes pas les salauds qu’on dit car nous aimons l’apéro, la cochonaille et le barbecue”, déclare solennellement Willy Schraen, dénonçant des élites “sous influence de l’écologie politique”. Entre Les Écologistes et l’Alliance pour la ruralité, le coup de trompe vient de retentir : la partie de chasse peut commencer.”Ruralité heureuse” contre… “ruralité des gens heureux”En début de semaine dernière, dans la salle des Quatre-Colonnes de l’Assemblée nationale, Julien Bayou, député écologiste de Paris, prenait déjà soin d’installer artificiellement la confrontation. “Il va y avoir un jeu marrant entre nous et la ‘liste des chasseurs’ pour cette élection européenne. Elle défend le vivant, alors que ces derniers se battent pour pouvoir chasser bourrés les dimanches : à travers cela, il y aura un débat autour de la ruralité.” “C’est là que le match se jouera pour eux, c’est leur ciment, confirme un stratège de la campagne de Marie Toussaint. Et on est prêts à le jouer, on l’annonce tout de suite : on ne se laissera pas déposséder de la question de la ruralité.”Car depuis quelques années, Les Écologistes s’efforcent d’être audibles dans les territoires ruraux. Du 6 au 8 octobre dernier, la députée de le Drôme et native du département, Marie Pochon, organisait aux pieds des falaises du Vercors les Universités des ruralités écologistes, pour tenter de séduire un électorat rural. “Un réel tournant”, selon des cadres de la formation. “Il n’y a pas de sujet, bien sûr que la fracture territoriale est une réalité, assure Marie Pochon. Mais il ne faut pas jouer sur ce clivage ruraux contre urbains écolos. Il faut permettre une ruralité heureuse : ces territoires aussi subissent des fortes sécheresses et autres bouleversements climatiques. Willy Schraen essentialise et misérabilise des gens qu’il voudrait mettre sous cloche en prétendant les sauver de l’écologie terrible.”À l’Ambassade d’Auvergne, l’ambiance bon-vivant reste teintée de pathos : l’Alliance Rurale a désigné son ennemi. À entendre les propos des candidats sur la liste de l’ancien patron de la Fédération nationale des Chasseurs, leurs malheurs seraient, en grande partie, du fait des écologistes. “Nous sommes des gens heureux qui voulons juste le rester, à condition qu’on arrête de nous emmerder chaque jour un peu plus”, lance ce dernier. “Quand j’étais gamin, ma seule préoccupation était de savoir où mon père allait m’emmener pêcher. Ma seule crainte aujourd’hui est de savoir si j’aurais le droit d’aller pêcher avec mes enfants, clame son colistier Jérémy Grandière, président de la Fédération de pêche d’Ille-et-Vilaine, les yeux embués. Cette dictature idéologique verte s’attaque à différents acteurs ruraux, nous devons unir nos forces.” Camille Hoteman, élue 24e reine d’Arles, également présente sur la liste, déplore, elle, “les attaques de toute part des animalistes pour arrêter la tauromachie”. Les Écologistes ? Liberticides. Et déconnectés. Willy Schraen rétorque : “On est nous-mêmes écolos, je veux bien qu’on donne des leçons depuis un salon parisien face à la Tour Eiffel… Autour de moi, il y a des gens qui ont de la boue sur les pieds, peut-être qu’ils n’ont pas tous lu des bouquins, mais ils savent ce que c’est que l’écologie.” A l’entendre, les Verts seraient, en prime, méprisants : “Ils devraient nous parler, plutôt que de nous traiter de bouseux.”Le risque du “match de nains”Accusée de téléguidage élyséen par bon nombre d’adversaires politiques, l’Alliance rurale, pour émerger sur la scène politique, a trouvé son opposée. Car quoi de mieux qu’un contre-modèle pour augmenter l’intérêt envers sa campagne, diriger l’agenda politique, polariser les enjeux et le choix des électeurs, et in fine dérouler son récit ? “Il y a une vraie bataille de vision du monde entre Willy Schraen et les Verts : ce sont eux nos principaux adversaires”, explique Thierry Coste, lobbyiste et homme de l’ombre du patron de la liste des chasseurs. Car c’est ainsi que cette dernière s’est conçue. “Elle s’inspire du BBB, le mouvement agriculteur-citoyen néerlandais, qui s’est érigé contre l’écologie punitive”, explique l’ancien compagnon de route de Schraenet ex-député LREM Jean-Baptiste Moreau.Reste que l’opération s’annonce délicate pour Marie Toussaint et ses colistiers. Cible principale de Willy Schraen, comment l’eurodéputée répondra-t-elle aux incessants procès à venir, sans s’enfermer dans un débat entre petits candidats ? Ses stratèges l’imaginent judoka : “Ça n’est pas un match de nains, c’est un match thématique. S’il existe une vraie polémique entre les chasseurs et les écolos, cela obligera les autres à se positionner”, anticipe l’un de ses proches. Benoît Biteau, eurodéputé numéro 6 de la liste Les Écologistes, agriculteur et ancien chasseur, abonde : “Il nous diabolise 365 jours par an ; nous répéterons pendant 365 jours que le projet de Willy Schraen n’est qu’une vaste imposture.” Un élu local verts’inquiète de cette stratégie. “Nous n’avons aucun intérêt à rentrer dans ce jeu qui nous abaisse : nous, on discute avec Macron ! Et puis ça va nous faire du mal, puisqu’on répondra de manière caricaturale, et ça fera du bad buzz.”À la fin de la conférence de presse, le regard de Thierry Coste s’éclaircit au souvenir du temps où il conseillait Jean Saint-Josse, président de l’ancien parti Chasse, Pêche, Nature et Traditions (CPNT devenu Le Mouvement de la Ruralité). “J’avais l’habitude de dire que Dominique Voynet, ancienne ministre de l’Environnement sous Lionel Jospin, était notre meilleure attachée de presse. Dès qu’elle nous tapait dessus, et notamment lors de la grande manifestation des chasseurs en 1998, ça nous donnait l’occasion de nous exprimer et d’exister.” L’année suivante, le mouvement avait recueilli 6,77% des suffrages exprimés, et raflé six sièges. Le rêve de Willy Schraen.



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Author : Mattias Corrasco

Publish date : 2023-12-07 10:57:27

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