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Isabelle Adjani, Blur, Everything But the Girl, The Streets : les 10 come-back fous de 2023

Isabelle Adjani, Blur, Everything But the Girl, The Streets : les 10 come-back fous de 2023



Le 10 janvier 2023 voit débouler le premier événement de l’année musicale. Il s’intitule Nothing Left to Lose et est signé Everything But the Girl, duo dont les dernières nouvelles discographiques remontaient au siècle dernier. Plus fascinant encore, le single semble indiquer que Ben Watts et Tracey Thorn ont su garder la recette de leur potion magique qui concilie mélancolie et clubbing.

Qui aurait pu prédire ?

Ce 10 janvier, on ignore encore que d’autres artistes et groupes porté·es disparu·es vont réémerger du néant et, mieux encore, publier des albums d’une qualité telle qu’ils figureront dans les traditionnels tops de fin d’année. Pour paraphraser notre président lors de ses vœux, qui aurait pu prédire la renaissance de The Streets, Blonde Redhead ou Sigur Rós ? De même, chacun et chacune se souvient du conte de Prokofiev, Pierre et le Loup, dans lequel à force de crier au loup, plus personne ne croit à son retour. Ainsi en a-t-il été de l’annonce du deuxième album d’Isabelle Adjani, déjà moult fois pressenti, et auquel plus personne ne croyait. Et pourtant…

Isabelle Adjani, la revenante

“Je ne me vois toujours pas comme une chanteuse, mais comme une actrice qui chante”, confie Isabelle Adjani qui n’a jamais rien fait comme tout le monde. Ainsi, de son premier album paru en 1983 sur lequel Serge Gainsbourg, grand spécialiste des “actrices qui chantent”, lui accorde un privilège rare : la cosignature de plusieurs morceaux, dont Pull marine. Quarante ans plus tard, elle assume toujours sa singularité, revendiquant d’avoir enregistré seule sa Bande originale constituée de duos. Une option paradoxale à laquelle souscrit un de ses invités, Benjamin Biolay : “Souvent, les gens pensent que les duos sont mieux enregistrés à deux, mais je préfère être seul sans l’autre artiste.” En résulte un album où les fantômes rencontrent les vivants, où se croisent sans se voir Étienne Daho, Daniel Darc, David Sylvian, Christophe ou Peter Murphy pour autant de moments suspendus.

Drop Nineteens don’t drop the nineties

À l’instar du pudding ou du cricket, le shoegaze a toujours été vu comme une spécialité britannique, ayant pour maîtres My Bloody Valentine et The Jesus & Mary Chain. Pourtant, quelque part, il y a trente ans à Boston, USA, un quatuor en a brièvement porté la flamme aux States le temps de deux albums : Drop Nineteens. Trois décennies de silence plus tard, Drop Nineteens a repris le collier pour une raison simple, selon Greg Ackell : “Depuis que j’ai arrêté de faire de la musique, c’est la première fois de ma vie que j’ai eu envie d’entendre à quoi Drop Nineteens pouvait ressembler aujourd’hui. Et il n’y avait qu’une seule façon de le découvrir !” De Hard Light, il y a tout et peu à découvrir, le quatuor y garde les yeux rivés sur ses pompes (soit le sens étymologique du shoegaze), comme le tout aussi impeccable Slowdive sur Everything Is Alive également paru cette année.

Everything But the Girl, retour vers le futur

Pourquoi vingt-quatre ans d’absence entre Temperamental et Fuse ? Pour une raison prosaïque que nous a révélée Tracey Thorn. L’aventure Everything But the Girl s’est interrompue pour cause de maternité, obligeant Tracey à pouponner tandis que Ben mixait dans des clubs londoniens en vue. Passé cette parenthèse Gala/Voici, indispensable quand on évoque un couple-à-la-ville-comme-à-la-scène, qu’en est-il du miraculeux Fuse ? Inutile de barguigner, Fuse est du Everything But the Girl pur jus où la mélancolie, le jazz, l’electro, la soul, la pop fusionnent comme à l’époque. Pourtant, il s’agit aussi d’un album éminemment d’aujourd’hui tant son écoute permet de réaliser à quel point le duo Watts/Thorn a infusé l’espace musical contemporain, y compris en 2023, de Romy à Zaho de Sagazan en passant par Jorja Smith.

The Rolling Stones, jusqu’où s’arrêteront-ils ?

À quoi bon écrire sur un nouvel album des Stones qui n’auraient pas dû survivre, selon les exégètes, à la mort de Brian Jones ou de Charlie Watts, au départ de Mick Taylor ou à l’arrivée de Ron Wood ? Lancé en grande pompe par le terrifiant single Angry, Hackney Diamonds n’ajoute rien à leur légende, éteinte, toujours selon les exégètes, depuis Some Girls (1978), Exile on Main Street (1972) ou Sticky Fingers (1971). Restent quelques morceaux à sauver (ce qui n’a pas toujours été le cas de ses prédécesseurs), dont (enfin) la reprise du Rolling Stone Blues, qui a donné son nom au groupe et où la voix reptilienne Mick Jagger fait écho à la guitare investie, malgré l’arthrose, de Keith Richards.

Anohni and The Johnsons emportés par la soul

Il y a quatorze ans paraissait The Crying Light d’Antony and the Johnsons, avec en figure de proue sur la pochette le mythique danseur de butô Kazuo Ohno. Depuis, Antony est devenu Anohni et a réuni ses Johnsons pour ce My Back Was a Bridge for You to Cross gorgé de soul. De I Can’t Change à You Be Free, Anohni dévoile son âme entre impudeur et résilience, moments de grandiloquence assumée (Spacegoat) et épure absolue (It’s My Fault, There Wasn’t Enough tout en retenue, Rest, tout en rétention explosive). Et quand Anohni s’interroge en fin d’album Why Am Alive Now?, on lui répond d’un grand “pour nous !”.

Isolée dans son île

L’Allemand Raiko Müller (nom de scène Isolée) n’a jamais brillé par sa prolixité : trois albums entre 2000 et 2011 et quelques rares singles dispersés jusqu’à ce Resort Island, où sans forcer son talent, il confirme combien il en a. Ainsi de Pardon My French faisant écho à l’addictif Beau Mot Plage qui contribua à son éphémère gloire. Il conserve sur Resort Island cette science d’une musique électronique accrocheuse et intranquille (Let’s Dence à l’orthographe aussi bancale que la syntaxe de son Beau Mot Plage). Ni déception (chaque plage de ce nouvel album tient la route), ni extase (aucune ne transporte vraiment), mais un réel plaisir des retrouvailles.

The Streets réforme sa retraite

Bien qu’ayant enterré The Streets en 2011, Mike Skinner passait une tête de temps en temps dans le paysage musical en lâchant des singles qui témoignaient toujours de son sens aigu de l’observation de la société britannique autant que de la psyché humaine. The Darker the Shadow, the Brighter the Light le voit donc revenir en pleine lumière avec son atmosphère sombre éclairée d’ironie. Le flow reste limpide, l’accent de Birmingham inaltéré sur des instrus où le hip-hop reste concassé, comme au bon vieux temps de Original Pirate Material.

Sigur Rós pour l’éternité

Écouter Sigur Rós revient à s’extraire de toute situation, qu’elle soit géographique ou temporelle. Rien de surprenant donc à retrouver la formation telle qu’en elle-même, après dix ans de silence (le silence faisant aussi partie intégrante de son univers). Ainsi Àtta aurait-il pu être publié (ou composé) en 1999 ou en 2007, avant Ágætis byrjun ou dans cinq ans. D’autant que la voix séraphique de Jónsi résiste inexplicablement à l’épreuve du temps.

Blonde Redhead au dîner

Blonde Redhead appartient à ces groupes qui n’ont jamais envahi les Zénith ni les charts, mais qui disposent d’une fanbase solide qui s’était résolue à n’avoir plus de leurs nouvelles après un hiatus de neuf ans. Certes, le retour du trio italo-japonais n’a pas eu le même retentissement que celui des Stones ou de Blur. Pourtant Sit Down for Dinner l’a replacé au cœur du meilleur de leurs productions grâce à quelques infléchissements bienvenus.

Blur en bal(l)ade

Huit ans seulement séparent The Ballad of Darren de The Magic Whip. Mais la surprise n’en est pas moins grande puisque la reformation de Blur en 2023 n’avait été annoncée que sous la forme de performances live avant la parution du single The Narcissist. Quant à The Ballad of Darren, il s’écoute comme dans un rêve verlainien, tant Blur s’y avère “ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre”, conservant son cachet caractéristique tout en s’ancrant dans le paysage contemporain.

Notre wishlist 2024

L’année 2023 s’achevant bientôt, l’heure des vœux approche. Alors rêvons des retours discographiques de Sade (dont on est sans nouvelles depuis 2010), Tom Waits (attendu depuis 2011), Portishead (qui avait déjà laissé passer onze ans entre ses deuxième et troisième album), My Bloody Valentine (douze ans de hiatus entre Loveless et m b v) et, soyons fous, Jacques Dutronc dont le Madame l’existence remonte à 2010, Air (muet, en duo, depuis 2014) voire Frank Ocean, resté Blonde depuis 2016.



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Author : Laurent Malet

Publish date : 2023-12-07 10:00:26

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