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Matières premières critiques : l’Europe n’a plus d’autre choix que d’agir vite

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Il n’y aura pas de transition énergétique sans matières premières critiques. Des véhicules électriques aux éoliennes, les métaux comme le cobalt, le lithium ou le nickel jouent un rôle crucial dans le changement des modes de production, de stockage et d’utilisation de l’énergie. Dans le scénario net-zéro 2050 aligné avec les Accords de Paris, 60% de la demande mondiale de nickel sera destinée aux technologies vertes d’ici 2030. D’ici 2040, l’utilisation du cuivre devrait croître de +60%… et de +900% pour le lithium.La course pour ces matières premières critiques a déjà commencé et la demande a explosé, tant les entreprises et les gouvernements en ont besoin pour atteindre leurs ambitieux objectifs net-zéro. Selon l’Agence Internationale de l’Energie, le marché a doublé lors des cinq dernières années, atteignant 320 milliards de dollars en 2022 – et les investissements suivent, avec une croissance de +30% dans le secteur sur la même année.De l’OPEP à l’OPEM : attention à la cartellisationL’avenir sera alimenté par les métaux critiques… mais il pourrait bien être encadré par des rideaux de fer. Le marché des matières premières critiques est en effet hautement concentré. La Chine en est l’illustration parfaite, contrôlant 91% du manganèse et 76% des métaux silicium à l’échelle mondiale. De même, la République Démocratique du Congo détient plus de 60% du marché mondial du cobalt, tandis que l’Afrique du Sud cristallise 71% du marché du platine. Ces monopoles géographiques créent déjà d’importantes distorsions de prix et tensions d’approvisionnement.Mais la situation pourrait encore se tendre. Tout comme les pays producteurs de pétrole l’ont fait avec l’OPEP, les pays riches en matières premières critiques pourraient décider de former une Organisation des Pays Exportateurs de Métaux (OPEM). Un scénario qui ferait peser sur les importateurs nets de ces matériaux une intense pression. C’est le cas des membres de l’Union européenne, qui se retrouveraient alors dans une position encore plus délicate que celle qu’ils occupent aujourd’hui.Le Critical Raw Materials Act ne suffira pasCar les dépendances européennes en matière de matériaux critiques sont non seulement réelles, mais surtout très fortes. Par exemple, l’Europe ne se fournit qu’auprès de la Chine pour le manganèse, le germanium et les éléments de terres rares. Même constat concernant le borate, pour lequel l’Europe dépend à 100% de la Turquie. Conséquence : le continent est fortement exposé à un risque croissant de rupture des chaînes d’approvisionnement, qui mettrait en péril ses chances d’atteindre les objectifs fixés par les Accords de Paris.Dans ce contexte, l’Union européenne serait bien inspirée d’agir. Le Critical Raw Materials Act pose des objectifs. Mais sera-t-il suffisant pour corriger le tir ? Pas vraiment, tant le retard européen en matière de matériaux critiques est important. Le CRM Act stipule que d’ici 2030, au moins 40% de la consommation annuelle de matériaux critiques devra provenir d’un raffinage européen. A l’heure actuelle, parmi les 24 matériaux listés, 21 ne remplissent pas ce critère. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres du chemin qu’il reste à parcourir.De la diversification au recyclage, nous devons agir maintenantEn ce sens, accroître le nombre de fournisseurs apparait essentiel. La récente crise énergétique a prouvé que la diversification des fournisseurs est un facteur de résilience en cas de tensions. L’Europe doit aussi repenser ses relations avec les pays fournisseurs de métaux et minéraux critiques. Investir plus dans ces pays et établir des politiques commerciales plus justes à leur égard pourrait générer un regain de confiance et renforcer les relations existantes.L’Europe doit également se demander comment accroître ses propres capacités de production. Certaines matières premières critiques sont présentes en Europe, en témoignent les projets d’exploitation de mines de lithium initiés en France. Il faut désormais apprendre à exploiter efficacement et durablement ces ressources.L’indépendance européenne passera également par le recyclage. L’UE espère, d’ici 2030, accroître ses capacités de recyclage de 10% concernant 16 matières premières critiques. Cet objectif n’est pas suffisant, il faut se montrer plus ambitieux. Les experts estiment que d’ici 2050, 65% des besoins européens en matière de cobalt, élément essentiel pour la production de batteries, pourraient être comblés par le recyclage de batteries usagées. Pour y parvenir, l’Europe doit imaginer une politique industrielle forte en matière de recyclage. Difficile de chiffrer l’investissement nécessaire, mais cela ne doit pas être un frein. De nombreux exemples tendent à prouver que les coûts ont tendance à diminuer à mesure que l’investissement croît. Le coût de production de l’énergie solaire a notamment reculé, en moyenne, de 36% par an au cours de la dernière décennie, en parallèle des nombreux investissements effectués dans le secteur.L’Europe est-elle prête à rattraper son retard en matière de matériaux critiques ? Loin de là. Mais elle n’a plus le choix. Il faut agir vite.



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Publish date : 2023-12-08 14:24:11

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Tags :L’Express

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