Alors que la loi immigration arrive cette semaine dans l’hémicycle, les députés devront d’abord se prononcer ce 11 décembre sur une motion de rejet préalable déposée par la gauche. La gauche a besoin des voix des LR, encore hésitants. Benjamin Lucas, le député Nupes-Génération.s des Hauts-de-France qui portera le fer lundi, appelle LR à ne pas céder au “marchandage mortifère de Gérald Darmanin”.L’Express : Lundi, vous déposerez et défendrez une motion de rejet du texte immigration, porté par le ministre Gérald Darmanin. Pourquoi ?Benjamin Lucas : Pour la simple et bonne raison que nous sommes opposés à ce texte. Le débat parlementaire tel qu’il a été organisé par le gouvernement depuis un an est un échec cuisant. Gérald Darmanin a été incapable de fixer un cap et de rassembler autour de son projet. La réalité, c’est que ce texte n’a pas de majorité. La représentation nationale doit donc en prendre acte.Vous vous plaignez parfois que l’Assemblée ne débatte jamais… La motion n’est-elle pas à l’opposition ce que le 49.3 est au gouvernement, pour in fine priver l’Assemblée nationale de quinze jours de débat ?Je ne crois pas que la France a manqué de débats sur la question migratoire, ni à l’Assemblée ni sur la scène médiatique. Je dirais même que le débat public est saturé par les termes et les thèmes que l’extrême droite a imposés sur cette question.Je ne provoquerai pas inutilement mes collègues LR pas plus que je ne trahirai mes convictions.Les Français restent très critiques sur la gestion de l’immigration en France, et réclament parfois un durcissement des règles. Dans un récent sondage BVA Opinion pour RTL, 69 % des Français interrogés se disent préoccupés par le sujet. Pourquoi l’esquiver ?Mais je ne crains pas de débattre de l’immigration ! Je crois même qu’il existe une masse de gens qui adhèrent à l’idée que l’inclusion et la fraternité sont meilleures pour tous et qu’ils ont besoin d’un étendard autour duquel se fédérer. Mais j’ai bien perçu que nous, les humanistes, avons le vent médiatique de face. Le sujet migratoire est le point de cristallisation facile qu’a provoqué le déclassement vécu par nos compatriotes. La responsabilité de la gauche, c’est de répondre à cette angoisse par un nouveau récit républicain, un récit qui refonde notre contrat social. Et de remettre de la raison dans le débat sur les migrations. Rien n’étaye la thèse de la “submersion migratoire”. Cela fait quarante ans qu’on enchaîne ces mêmes lois sur l’immigration, pour quels résultats sinon toujours plus d’argent dans la poche des passeurs et toujours plus de cadavres dans la Méditerranée ? Le seul grand remplacement que je vois à l’œuvre, c’est celui des commerces de proximité par Amazon, des guichetiers par des machines, de l’école républicaine par un système qui se délite et où l’on recrute des professeurs à la va-vite.Pour que votre motion soit votée, les seules voix de la gauche ne suffisent pas. Il faut aussi celle des Républicains. Eux, à titre d’exemple, ont durci le texte au Sénat, se disent favorables à la révision de l’AME du sol au plafond et sont opposés à l’article sur la régularisation des sans-papiers dans les métiers en tension – mesure que vous avez portée haut et fort avec certains de la majorité. Que leur dites-vous ?Je suis en désaccord avec LR, avec leur projet. Ce n’est pas ma vision de la question migratoire, mais je comprends la cohérence de la leur. Où est la cohérence du projet de Gérald Darmanin ? Les “gentils avec les gentils, et les méchants avec les méchants”, comme il l’a déjà dit ? On ne répond pas à des grandes questions sur l’idée qu’on se fait de la France avec des slogans de cour d’école ! LR a déposé une motion de rejet, et le tirage au sort en vigueur a fait en sorte que la présentation soit faite par mon groupe. Je comprends dès lors que personne ne se retrouve dans le projet de Gérald Darmanin, ni LR, ni la gauche. Et quelque part, c’est sain : il y a donc une gauche et une droite dans ce pays. Parler d’immigration, c’est parler de la République et c’est normal qu’il y ait des visions cohérentes de la société qui soient mises au débat, face à face et dans le respect. On n’efface pas deux siècles de République d’un coup de “en même temps” comme a cru le faire Emmanuel Macron, en agrégeant des renégats des deux camps. L’opportunisme n’est pas une boussole pour gouverner. Regardez la cohérence du gouvernement sur l’AME : au Sénat, il donne son blanc-seing sur sa suppression, avant de faire le chemin inverse à l’Assemblée nationale. Quelle force de conviction !Appelez-vous LR à se joindre à votre vote ?Le vote de lundi, ce n’est pas un vote pour ou contre Benjamin Lucas, pour ou contre la Nupes ou sa vision de l’immigration. Il n’y a pas de texte, de programme accolé à une motion de rejet, on demande simplement aux parlementaires que nous sommes de voter pour ou contre le rejet du projet du gouvernement. A la tribune, lundi, je ne ferai pas croire à une quelconque convergence entre LR et nous, mais je ne provoquerai pas inutilement mes collègues LR pas plus que je ne trahirai mes convictions. D’ailleurs, au fond, je ne m’adresse pas qu’aux députés LR, mais aussi à ceux de la majorité qui doutent. Je dis simplement que ce texte ne mérite pas d’être examiné. La droite a déjà formulé sa critique du texte : ils ne l’ont pas voté en commission. Ils ont eu le courage de ne pas rentrer dans la logique de marchandage mortifère de Gérald Darmanin. J’aurais voté la motion de rejet de LR si elle avait été sélectionnée. Ça ne m’engage pas à un projet commun avec LR.
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Author : Olivier Pérou
Publish date : 2023-12-09 19:46:55
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“La loi immigration ne mérite pas d’être examinée” : l’écologiste Benjamin Lucas tend la main à la droite
